Frappes américaines en Syrie : Poutine dénonce « une agression » contre « un Etat souverain »
Après le bombardement d’une base en Syrie, les réactions internationales se succèdent, entre « soutien total » des alliés des Etats-Unis et condamnation de ses adversaires.
Après le spectaculaire revirement du président américain, Donald Trump, qui a décidé de passer à l’attaque contre la Syrie, jeudi 6 avril, en frappant une base de l’armée syrienne en réaction à l’attaque chimique sur Khan Cheikhoun imputée au régime syrien, la Russie a dénoncé une « agression » contre « un Etat souverain ».
Les réactions internationales se succèdent, entre « soutien total » des alliés des Etats-Unis et condamnation de ses adversaires.
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Bachar Al-Assad dénonce un acte « irresponsable »
La présidence syrienne a qualifié vendredi les frappes américaines contre une base militaire du régime d’acte « irresponsable » et « idiot ». Dans un communiqué, le bureau de Bachar Al-Assad estime que « tout ce qu’a entrepris l’Amérique n’est qu’un acte idiot et irresponsable, et révèle sa vision à court terme (…) et son aveuglement sur les plans politique et militaire ».
L’« agression » montre, souligne le communiqué, que Washington a été « naïvement entraîné derrière une campagne de fausse propagande », référence au fait que Damas a démenti être à l’origine de la frappe chimique.
« Un préjudice considérable » aux relations russo-américaines, pour le Kremlin
Le président russe, Vladimir Poutine, considère les frappes américaines contre la Syrie comme une « agression contre un Etat souverain », « en violation des normes du droit international, [se fondant] sur des prétextes inventés », a affirmé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par les agences de presse russes.
Il a estimé qu’elles causaient un « préjudice considérable » aux relations entre Moscou et Washington. « Mais surtout, comme l’estime Poutine, cette action ne nous rapproche pas de l’objectif final de la lutte contre le terrorisme international, mais dresse au contraire de sérieux obstacles pour la constitution d’une coalition internationale pour la lutte contre [le terrorisme] », a-t-il déclaré.
La Russie est le principal allié du régime syrien et mène des frappes aériennes depuis la fin de septembre 2015 en Syrie, où elle a déployé avions et hélicoptères.
L’Iran condamne « vigoureusement »
L’Iran, autre allié du régime syrien, a lui aussi condamné fermement l’attaque. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Bahram Ghasemi, a déclaré :
« La République islamique d’Iran qui a été la plus grande victime des armes chimiques dans l’histoire contemporaine condamne toute utilisation de ces armes, peu importe ses auteurs et ses victimes. En même temps, utiliser ce prétexte pour mener des actions unilatérales est dangereux, nuisible, et un non-respect des règles internationales. »
Pour ce dernier, le timing de l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, ses auteurs et ceux qui en tirent des avantages restent dans un flou total. Voilà pourquoi, selon le porte-parole de la diplomatie iranienne, « toutes opération militaire unilatérale vengeant cette attaque ne fait que renforcer les terroristes en plein affaiblissement, ainsi que complexifier la situation en Syrie et dans la région ».
Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a pour sa part accusé les Etats-Unis d’utiliser de « fausses allégations » pour attaquer la Syrie et d’être « aux côtés » des groupes djihadistes Al-Qaida et Etat islamique (EI).
« Assad porte l’entière responsabilité », selon Hollande et Merkel
Le président syrien, Bachar Al-Assad, porte « l’entière responsabilité » des frappes américaines, ont déclaré vendredi la chancelière allemande et le président français, Angela Merkel et François Hollande, dans un communiqué commun, assurant que Washington les avait informés au préalable de son action.
François Hollande a annoncé qu’il réunirait un conseil de défense à l’Elysée à 19 heures. Le président français a par ailleurs estimé que l’opération américaine était une « réponse » :
« Elle doit être maintenant poursuivie au niveau international dans le cadre des Nations unies si c’est possible, de façon à ce que nous puissions aller au bout des sanctions contre Bachar Al-Assad et empêcher qu’il y ait de nouveau utilisation des armes chimiques et l’écrasement par ce régime de son propre peuple. »
Les chefs de la diplomatie allemande et française se sont eux aussi exprimés. Les frappes sont « compréhensibles », a dit Sigmar Gabriel, tout en appelant à une solution politique sous l’égide de l’ONU. Elles constituent un « avertissement » et une forme de « condamnation » du « régime criminel » de Bachar Al-Assad, a pour sa part déclaré Jean-Marc Ayrault, qui s’exprimait devant des journalistes en marge d’un déplacement en Mauritanie. Il a expliqué avoir été informé dans la nuit par son homologue américain, Rex Tillerson. M. Ayrault affirme également que cette décision constitue une clarification de la position américaine dans le dossier syrien après qu’on « a entendu tout et son contraire » :
« L’impression qu’on avait c’était que les Américains avaient une priorité qui était la lutte contre [l’organisation Etat islamique] mais en oubliant la nécessaire transition politique. Là, il y a un signal qui a été donné. (…) Là, il y a un acte qui est une sorte de condamnation par des frappes militaires sur une base syrienne de ce que fait le régime criminel. »
M. Ayrault a également tweeté :
Bachar Al-Assad devra être jugé comme criminel de guerre.
— Jean-Marc Ayrault (@jeanmarcayrault) 7 avril 2017
Rappelant la position française en 2013 – qui voulait frapper le régime syrien après une attaque avec des armes chimiques près de Damas –, le premier ministre, Bernard Cazeneuve, en visite au Maghreb, a lancé : « Nous constatons que notre ligne était la bonne et qu’on se réveille, tant mieux. »
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Israël, l’Arabie saoudite et le Japon font part de leur soutien
Grand allié des Etats-Unis, Israël a apporté son soutien « total » à la décision de Trump, espérant que ce « message fort » serait « entendu non seulement à Damas, mais aussi à Téhéran, Pyongyang et ailleurs », a déclaré le bureau du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Le communiqué ajoute :
« Par la parole et par les actes, le président Trump a délivré un message fort et clair : on ne tolérera pas l’usage et la propagation des armes chimiques. »
M. Nétanyahou avait appelé cette semaine à l’action de la communauté internationale pour éliminer les armes chimiques en Syrie. Une porte-parole militaire a pour sa part fait savoir à l’Agence France-Presse que l’armée israélienne avait « été informée à l’avance par les Etats-Unis de l’attaque en Syrie qu’elle soutient totalement ».
L’Arabie saoudite a également fait savoir qu’elle « soutenait totalement » les frappes, saluant elle aussi la « décision courageuse » du président Trump.
« Le gouvernement britannique soutient totalement l’action américaine que nous estimons être une réponse appropriée à l’attaque barbare à l’arme chimique lancée par le régime syrien et qui a pour but de dissuader de nouvelles attaques », a déclaré un porte-parole du gouvernement.
Le Japon encourage la « détermination » des Etats-Unis, a annoncé son premier ministre, Shinzo Abe, jugeant que l’action américaine avait « eu pour but d’éviter une aggravation de la situation ».
De son côté, la Turquie considère que ces frappes sont une bonne chose, a fait savoir le vice-premier ministre turc, Numan Kurtulmus. Qualifiant les frappes américaines de « réponse positive », le porte-parole du président turc, Recep Tayyip Erdogan, la Turquie a appelé vendredi à la création d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie après les frappes :
« Pour éviter la reproduction de ce type de massacres [l’attaque présumée chimique imputée au régime], il est nécessaire d’instaurer sans tarder une zone d’exclusion aérienne et des zones de sécurité en Syrie. »
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La Chine appelle à éviter toute détérioration de la situation
La Chine a appelé à « éviter toute nouvelle détérioration de la situation » en Syrie, tout en condamnant « l’usage d’armes chimiques, par n’importe quel pays, organisation ou individu, et quelles que soient les circonstances et l’objectif [recherché] ».
Source : Le Monde.fr
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