Brexit, Trump, Fillon : le grand divorce du peuple et des élites
L'année 2016 restera sans doute comme un précipité du grand divorce entre les élites des pays occidentaux d'avec leurs peuples respectifs. Outre la percée de l'AfD en Allemagne ou du mouvement Cinq Etoiles en Italie, le peuple britannique a envoyé paître des élites totalement opposées au Brexit, les Etats-Unis ont préféré Trump à Clinton, et en France, Fillon a battu le chouchou des médias, Juppé.
Ces média et ces dirigeants qui poussent à la révolte
Petit retour en arrière : la sortie de l'UE était largement présentée comme rétrograde, raciste, elle devait avoir des conséquences économiques désastreuses. Donald Trump était présenté comme un guignol raciste et misogyne sans la moindre qualification pour la Maison Blanche, quand il n'était pas présenté comme un danger du fait de l'arme nucléaire. Et François Fillon était un peu l'oublié des primaires, les médias préférant se concentrer sur le duel Juppé-Sarkozy, tout en ne cachant pas, souvent, leur préférence pour le premier. Il va sans dire que les élites et la majorité des médias étaient largement contre le Brexit, contre Trump et pro-Juppé. Coup sur coup, en quatre mois, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en France, les citoyens se sont opposés aux recommandations venues d'en haut.
Bien sûr, il y a des raisons de fond qui poussaient à chacun de ces choix. Outre-Manche, il est bien évident que les positions de l'UE sur les migrants ont légitimement inquiété une population qui voulait garder le contrôle de ses frontières, la contribution nette du pays était insupportable dans un pays où le gouvernement a procédé à des coupes sombres dans les budgetset l'afflux de règles byzantines alimentait un rejet de cette Europe au service des lobbys. Aux Etats-Unis, les délocalisations et la baisse de pouvoir d'achat de la majorité de la population ne plaidaient pour les sortants. Et l'explosion du terrorisme pousse légitimement les peuples à se tourner vers ceux qui veulent renforcer les frontières.
En France, François Fillon a profité des campagnes trop marquées de ces deux rivaux et de leurs passifs. Juppé a trop cherché à plaire au centre et à gauche pour convaincre la droite et Sarkozy restait rejeté par une nette majorité, sa « trumpisation » ne convaincant que ses fans les plus ultras, les autres y voyant sans doute seulement une nouvelle agitation de sa part. Il est donc difficile de savoir vraiment ce qui a primé dans sa très large victoire, entre l'adhésion à son programme (et encore, différents électeurs peuvent se décider sur des parties différentes), le rejet de ses adversaires, une certaine volonté de changement, qu'il inspirait paradoxalement mieux qu'eux et le vote contre l'avis des médias.
Le fait que Fillon fasse un tel score au second tour (dépassant même les prévisions des sondages, qui le donnaient à 61%) montre que cette semaine a joué pour lui. Il faut dire qu'Alain Juppé s'est fourvoyé dans des attaques aussi mesquines que de mauvaise foi. Et le tir de barrage de la gauche pseudo bien pensante l'a sans doute renforcé. Le Monde roulait ouvertement pour Juppé en distinguant leur libéralisme, qualifiant le projet de Fillon de conservateur et dangereusement identitaire, et notant les satisfécits de l'extrême-droite à l'égard de son programme, quand Libération parlait de radicalité… Ainsi, ils ont fait de Fillon le candidat du changement, celui qui est finalement critiqué par ce décevant système, qui prévoyait une calamité en cas de Brexit, qui n'a pas du tout eu lieu au troisième trimestre…
Même si les véhicules du changement ne sont pas sans grandes limites, il n'en demeure pas moins que le point commun de ces trois votes, c'est la volonté très forte des électeurs de voter contre la direction prônée par les élites médiatiques qui se disent ouvertes au changement, mais qui soutenaient de facto une forme de conservatisme institutionnel avec le Bremain, Clinton et Juppé.
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