Le premier terrorisme est celui du dieu argent
Source : L’Humanité, Rosa Moussaoui, 02-08-2016 Le pape met en cause les fondamentalismes,récusant toute confusion entre islam et terrorisme. «On ne peut pas dire, ce n'est pas vrai et ce n'est pas juste, que l'islam soit terroriste. » Ce propos papal de bon sens a fait pousser des cris d'orfraie à un éditorialiste du Figaro, volontiers incendiaire et bruyamment nostalgique de l'ultra-conservatisme de Benoît XVI. Dans l'avion qui le ramenait de Cracovie, en Pologne, au terme des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), le pape François a exposé devant la presse sa vision de la violence terroriste et des façons de la combattre. Le terreau de la désespérance, une source de violenceQuelques jours seulement après l'ignoble assassinat du père Jacques Hamel en pleine messe, dans l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), par des djihadistes se réclamant de Daech, pas le moindre accent de vindicte ou de haine dans les mots du pape, qui rejette toute stigmatisation des musulmans, toute assimilation de l'islam au terrorisme. « Une chose est vraie : je crois qu'il y a presque toujours dans toutes les religions un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons (…), a-t-il expliqué. Je crois qu'il n'est pas juste d'identifier l'islam avec la violence, ce n'est pas juste et ce n'est pas vrai. J'ai eu un long dialogue avec le grand imam de l'université de Al Azhar et je sais ce qu'ils pensent. Ils cherchent la paix, la rencontre. » Le pape a évoqué, surtout, le terreau de désespérance sur lequel prospèrent, partout dans le monde, l'intégrisme et la violence : « Il y a des petits groupes fondamentalistes. Et je me demande, c'est une question : combien de jeunes, nous, Européens, avons-nous laissés, vides d'idéal, qui n'ont pas de travail (…) ? Ils vont là-bas et ils s'enrôlent dans les groupes fondamentalistes. » Une religion, pourtant, est nommément mise en cause par François : celle du profit à tout prix, qui hisse l'argent au-dessus des êtres humains. « Le terrorisme est aussi… je ne sais pas si je peux le dire car c'est un peu dangereux, mais le terrorisme grandit lorsqu'il n'y a pas d'autre option. Et au centre de l'économie mondiale, il y a le dieu argent, et non la personne, l'homme et la femme, voilà le premier terrorisme. (…) Ceci est un terrorisme de base, contre toute l'humanité. Nous devons y réfléchir. » Source : L’Humanité, Rosa Moussaoui, 02-08-2016 ================================= “Le dieu Argent, le premier terrorisme” selon le pape FrançoisSource : Le Nouvel Obs, Caroline Brizard, 15/08/2016 Face à la grande peur des attentats islamistes, le pape choisit de dénoncer le terrorisme de l’économie. Interview. Rentrant le 1er août des Journées mondiales de la jeunesse à Cracovie, marquées par l'assassinat du prêtre français Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne –du-Rouvray, le Pape François a déclaré dans l'avion : “Au centre de l’économie mondiale, il y a le Dieu argent, et non la personne, l’homme et la femme, voilà le premier terrorisme”. Cette déclaration lapidaire méritait quelques éclaircissements. Nous les avons demandés à Rémi Brague, philosophe et chrétien, spécialiste de la pensée médiévale arabe et juive. La dénonciation de l'argent par l'Eglise est-elle une constante de l'histoire du Christianisme, depuis l'épisode des marchands du Temple chassés par le Christ, en passant par les figures de la pauvreté comme saint François d'Assise ? […] Le Christ n'accuse pas l'usage de l'argent, mais le culte qui est rendu, qui est de nature idolâtrique. Il dénonce le fait d'acheter ainsi la grâce de Dieu, et se replace dans la tradition des prophètes qui dénonçaient les sacrifices, parce qu'il ne remplaçaient pas la conversion des cœurs. […]
On a pourtant l'impression que pour la religion catholique, l'argent incarne le mal…
L'argent représente plutôt un aspect tangible de ce qui est vraiment mal, à savoir ce que le Nouveau Testament appelle la “richesse“. Celle-ci n'est pas seulement matérielle, même si la richesse matérielle est plus visible. C'est aussi la naissance, les relations, la situation sociale, l'influence, le savoir réel ou imaginaire, la possession d'une vision du monde “bétonnée”, au sens où l'on pense : “J'ai compris, je n'ai plus besoin d'apprendre”. Etre plein de soi représente une manière de “richesse”, moins visible, mais aussi dangereuse. Bref, la richesse englobe tout ce qui empêche de reconnaître que l'on a besoin d'autrui et d'autre chose que soi, dont le grand Autre qu'est Dieu. […] Le pape plaide-t-il pour un retour à la pauvreté, à une économie moins gourmande, plus sobre ? – La pauvreté n'est pas la misère, elle peut être volontaire, nous l'avons vu. Mais la misère est toujours subie. En revanche, j'aime le mot de “sobriété”. Elle est le contraire de l'ivresse. Etre sobre, comme en anglais “sober”, désigne celui qui évite l'alcool ou la drogue, et celui qui a une conduite mesurée. L'ivresse déforme notre vision de la réalité ; la sobriété rend capable de voir celle-ci. Une économie sobre commencerait par prendre en compte nos besoins réels, et chercherait à les satisfaire, au lieu de se prendre elle-même pour objet. Peut-on moraliser les échanges économiques et mettre l'économie au service de la personne ? Comment ? Quels changements cela pourrait-il induire ? On a tenté ce genre de choses avec l'économie sociale de marché, dans l'Allemagne de l'après-guerre, et il y a encore là-bas de beaux restes. La tendance étant pourtant à mettre de moins en moins l'accent sur l'adjectif “social”… Il existe un enseignement (ou “doctrine”) social(e) de l'Eglise. Il s'est développé à partir du xixe siècle, pour répondre aux conditions nouvelles créées par la Révolution industrielle et l'émergence de nouveaux rapports sociaux. Mais il se fonde sur des règles qui avaient été formulées dès le Moyen-Age et la Renaissance. A la différence des autres religions qui rentrent dans le détail de règles alimentaires, vestimentaires, et de vie quotidienne, cet enseignement en reste volontairement au niveau des principes généraux (respect des personnes, la subsidiarité, etc.) et laisse l'intelligence humaine se charger des méthodes permettant de les appliquer. L'enseignement social de l'Eglise fait confiance à l'intelligence humaine pour décliner ces grands principes – le kit de survie de l'humanité qui se résume finalement aux 10 commandements- dans ses applications. Ainsi, la doctrine sociale de l'Eglise permet d'affirmer, par exemple, qu'il n'est pas bon de réduire les gens à la misère de manière à ce qu'ils puissent travailler à n'importe quel prix. C'est la tâche de chacun de s'en préoccuper. Jugez-vous inévitables les inégalités sociales produites par l'économie ?
– Ces inégalités produites par l'économie ne sont pas les seules présentes dans les sociétés. Mais dans nos sociétés modernes, démocratiques, elles remplacent de plus en plus les inégalités qui reposaient, dans les sociétés aristocratiques de l'Ancien Régime, sur les privilèges de la naissance. Sans parler des castes hindoues… Quant aux inégalités socio-économiques, il me semble qu'elles sont tolérables à partir du moment où la mobilité sociale est suffisamment grande pour que ces inégalités ne soient que provisoires. […] Propos recueillis par Caroline Brizard Source : Suite de l’Interview à lire sur Le Nouvel Obs, Caroline Brizard, 15/08/2016 |
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