lundi 20 juin 2016

La critique du « populisme » : un snobisme pas toujours très démocratique

La critique du « populisme » : un snobisme pas toujours très démocratique

Trump, Sanders, Brexit, Podemos, Le Pen, Italie : une grande partie des élites politiques et médiatiques dénonce la montée d'un « populisme ». Mais l'emploi mal à propos de ce terme en dit sans doute bien plus long sur ceux qui l'emploient et l'état de notre société que sur ceux qu'ils désignent.



Un contresens absolu

Il faut absolument lire le livre de Vincent Coussedière, « L'éloge du populisme », une analyse rafraichissante sur ce que signifie véritablement ce terme. Son emploi correspond à ce que disait Pierre-André Taguieff, pour qui « ne peut-on, plus largement, faire l'hypothèse que le populisme est quelque chose comme la démagogie propre à l'âge démocratique ? ». Le populisme serait la démagogie apportée par la démocratie. Mais pour Coussedière, « l'explication de la réussite des démagogues en termes de populisme permettait d'éviter de poser la question de la responsabilité de la classe politique, et, plus généralement, des élites, dans la conduite de politiques inacceptables. Les démagogues ne prospéraient pas sur l'irresponsabilité des élites mais sur l'irresponsabilité du peuple lui-même ».

En effet, le sens donné au terme n'est pas neutre : le populisme serait la démagogie de certains politiques qui en appellent au peuple, peuple coupable de céder aux analyses et propositions démagogiques de tous ces démagogues. Bien sûr, il y a des démagogues dans le débat public et certains parviennent à rassembler beaucoup de suffrages, mais, comme le rappelle Vincent Coussedière, cela peut aussi en dire long sur les politiques qui nous gouvernent, leurs promesses non tenues ou leur refus de véritablement gouverner… Pire, parce que ces accusations sont souvent portées contre des partis ou des personnes qui n'ont pas été au pouvoir, n'est-il pas commode pour tous ceux qui ont échoué depuis tant d'années de couper court au débat en qualifiant toute alternative de démagogique ?

Ce vocable vise bien à fermer le débat plutôt que d'accepter de débattre démocratiquement, idée contre idée, de manière ouverte, afin de préserver l'oligopole (PS / LR en France). Mais il y a quelque chose d'encore plus choquant dans l'utilisation du vocable « populiste ». En partant du principe que le peuple cède à la démagogie, ne s'agit-il pas d'une bonne raison pour réduire toujours davantage le champ démocratique en sortant du cadre des décisions des élus du peuple des choix pourtant fondamentaux. C'est ce que l'on nous a vendu au sujet des banques centrales, et plus globalement au cœur de ce projet européen qui veut sanctuariser des politiques en dehors du cadre démocratique et de ce peuple qui ne pense pas bien selon la doxa eurobéate, une vision fondamentalement totalitaire.

On peut également y voir une forme assez extrême de snobisme d'une partie de ces élites qui pensent avoir si bien compris les choix que nos sociétés doivent faire, contrairement à ce pauvre petit peuple un peu bas de plafond, qui ne pourrait pas comprendre toutes les subtilités des choix qui s'offrent à nos sociétés. C'est bien la façon de penser d'une partie des élites, si friandes d'un Emmanuel Macron ou d'un Alain Juppé, qui ne font que reproduire la pensée de leur corps social, sans même réfléchir au fond des choses. Malgré tout, ils ont tellement l'assurance d'avoir raison que jamais ils ne confrontent leur pensée aux idées adverses, se contentant d'affirmation sentencieuse. C'est exactement comme cela que les élites quasi unanimes avaient défendu les traités européens en 1992 ou en 2005.


L'accusation de populisme, outre révéler un penchant peu démocratique et méprisant à l'égard de ce peuple qui oserait ne pas penser comme ceux qui utilisent ce terme, est surtout le fait d'élites bien trop sûres d'elles, irréfléchies et snobs, au moins aussi démagogiques que ceux qu'ils accusent de démagogie.

Aucun commentaire: