mardi 16 février 2016

Le camp du Bien en panique

Le camp du Bien en panique

Quelques bon billets du site Chroniques du grand jeu

Source : Chroniques du Grand Jeu, Observatus geopoliticus, 5-02-2016

L’avancée russo-syrienne à Alep fait des dégâts dans le camp autoproclamé du Bien ; Etats-Unis, Arabie saoudite et Turquie sont sur les dents et menacent même, pour les deux derniers, d’entrer dans la mêlée tandis que la guerre de l’information reprend de plus belle.

Depuis une semaine, les forces loyalistes appuyées par les Russes, les Iraniens et le Hezbollah volent de succès en succès dans la région d’Alep, deuxième ville du pays et verrou de la rébellion. La libération des deux villages chiites de Nubul et Zahraa, assiégées depuis trois ans (!) par les “terroristes modérés”, a considérablement changé la donne dans le nord syrien.

La principale route d’approvisionnement d’Al Qaeda et autre Ahrar al-Cham vers la Turquie est coupée et l’étau se resserre autour de la grande ville du nord, déjà occupée pour moitié par les forces loyalistes. Alep est peut-être un tas de ruines mais sa prise constituerait un important tournant, psychologique mais aussi stratégique. La rébellion “modérée” se verrait obligée de se replier sur Idlib et Jisr al-Chougour, ses derniers fiefs au nord, tandis qu’Assad commencerait à reconstruire la Syrie utile avant de se tourner contre Daech en Syrie orientale.

Et comme ailleurs, notamment dans le sud ou dans la province de Lattaquié, la situation n’est pas meilleure pour les salafistes si chers au camp du Bien, ça commence à sentir le roussi pour les protégés de la bande américano-turco-saoudienne… Comme le dit un analyste, “les rebelles battent en retraite partout”.

Les Russes, que les stratèges de Saint-Germain-des-Prés voyaient s’embourber, mènent pour l’instant leur campagne de main de maître. Contrairement à ce que claironnait la propagande saoudienne, ils renforcent même leur présence militaire en Syrie avec l’envoi de quelques Sukhois 35, dernière pépite de l’aviation russe (avant le futur Pak-Fa) et l’un des meilleurs avions du monde.

Idéal pour tester l’avion en conditions réelles et lancer un avertissement à la Turquie.

Plus d’avions + renseignement amplifié (notamment grâce au centre de Bagdad mis sur pied en septembre à la barbe des Américains) = forte recrudescence des raids russes ces derniers jours (25 à 30%) qui mettent au supplice les insurgés.

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant de voir le camp du Bien engager une danse du ventre hystérique. La mafia médiatique reprend sa bonne vieille propagande, les osbcures ONG syriennes installées à Londres ou en Turquie (LOL) hurlent au massacre de civils par les méchants navions russes (tout y passe : hôpitaux, écoles, ne manquent plus que les léproseries…), Ankara accuse évidemment Moscou de fournir des armes au PKK (ce qui n’est d’ailleurs peut-être pas tout à fait faux).

Surtout, Turcs et Saoudiens seraient prêts à entrer en guerre en Syrie, sous couvert de combattre leur bébé daéchique (éternel prétexte) ; si ça se confirme, cela signifie qu’ils considèrent la situation comme vraiment mauvaise. Si une intervention saoudienne relève de la farce, les pitres wahhabites étant incapables depuis plusieurs mois de venir à bout de quelques rebelles déguenillés au Yémen, une intervention ottomane est à prendre beaucoup plus au sérieux. Mais elle interroge…

Reprenons l’article qui résume bien la situation de ces derniers jours :

« Nous avons de sérieuses raisons de soupçonner une préparation intensive de la Turquie pour une intervention militaire sur le territoire d'un État souverain : la Syrie », a indiqué, le 4 février, le général Igor Konachenkov, le porte-parole du ministère russe de la Défense,

« L'armée russe observe un nombre croissant de signes d'une préparation secrète des forces armées turques afin de mener des opérations sur le territoire syrien », a ajouté l'officier, faisant état de « l'accumulation en de nombreux points de la frontière turco-syrienne d'équipement du génie servant à préparer une intervention militaire, ainsi que de soldats et d'engins militaires ».

« Ce type de dispositif est utilisé pour permettre des mouvements rapides de colonnes militaires avec armes et munitions en zone de guerre, ainsi que le transfert et l'évacuation du personnel », a souligné le général Igor Konachenkov. « Si quelqu'un à Ankara pense que l'interdiction d'un vol de reconnaissance russe permettra de cacher quoi que ce soit, il n'est pas professionnel », a-t-il poursuivi.

Pour l'instant, les autorités turques ont refusé de faire tout commentaire face à ces accusations russes, se contentant de confirmer « l'interdiction pour raisons de sécurité » d'un vol russe de reconnaissance prévu du 1e au 5 février dans le cadre du traité Ciel ouvert dont les deux pays sont signataires. Ce traité prévoit des survols pour contrôler les installations militaires et d'armements, afin d'entretenir la confiance mutuelle.

Scénarios possibles :

  • Intox russe. Peu probable. Les Russes parlent rarement pour ne rien dire et ne sont pas adeptes, au contraire des Américains, des déclarations grandiloquentes.
  • Intox turque. Eventuellement. Déjà lancé dans une dangereuse fuite en avant sur le plan intérieur, Erdogan cherche peut-être à sauver la face en montrant ses muscles.
  • Les Turcs s’en vont réellement en guerre avec l’appui de l’OTAN, c’est-à-dire des Etats-Unis. Peu probable. Je peux me tromper mais je vois difficilement les Américains risquer une confrontation ouverte avec la Russie, surtout au moment où l’opinion publique US est en train de tourner et devient de plus en plus excédée des alliés islamistes de Washington.
  • Les Turcs s’en vont en guerre tout seuls. Eh bien, bonne chance à eux… Les Russes et les Kurdes n’attendent que ça ! Ces colonnes militaires sans appui aérien (car barré par les S-400 russes) risquent de se faire dégommer en quelques minutes. Sans compter qu’en cas de conflit ouvert entre Moscou et Ankara, Gazprom coupe le robinet, ce qui mettra la Turquie dans une situation très difficile.

En attendant, Washington reste étrangement silencieuse tandis que les Sukhoi 35 sont en état d’alerte pour les prochaines 24 heures…

Source : Chroniques du Grand Jeu, Observatus geopoliticus, 5-02-2016

 

Batifolages gaziers

Source : Chroniques du Grand Jeu, Observatus geopoliticus, 2, 02, 2016

Le feuilleton de l'or bleu – dont on pourra se remémorer quelques épisodes (iciiciici ou ici) – ne connaît pas la crise et continue de plus belle.

Déjà paniqué par un documentaire de Canal + sur la véritable nature de la révolution néo-nazie du Maidan, le régime clownesque de Kiev vient encore de sortir une idée de génie. Tenez-vous bien, l'Ukraine va porter plainte contre le Nord Stream 2 ! Défense de rire, c’est l’inénarrable Yatseniouk qui le claironne. L' « argument » de Kiev est que… heu… à vrai dire, on ne le comprend pas trop. En gros, c’est l’éternelle histoire du beurre et de l’argent du beurre : Les Russes sont des vilains mais nous voulons que leur gaz passe par chez nous pour toucher les dividendes. Si vous le dites…

Evidemment, le petit protégé de Victoria “fuck the UE” Nuland n’aurait pu trouver seul cette lumineuse idée, le parrain US n’est pas loin. Est-ce un hasard si, dix jours auparavant, le vice Biden et Tapiocashenko avaient promis de torpiller le gazoduc russe ? On imagine déjà le lobbying américain auprès de la grosse Bertha Angela…

Un bonheur ne venant jamais seul, la Pologne s’y met aussi et insiste pour que les gazoducs de l’ennemi russe passent sur son territoire. Ne craignant pas la contradiction, Varsovie demande également un renforcement de l’OTAN sur son sol ! Vous avez dit schizo ?

Tout cela constitue-t-il une menace pour le Nord Stream 2 ? C’est peu probable. Les intérêts allemands et ceux des compagnies énergétiques européennes impliquées dans le projet sont trop importants. Mémère Merkel est prête à se vendre aux Américains jusqu’à un certain point mais pas plus. Elle a continuellement tenté de torpiller la route sud (South Stream puis Turk Stream) mais s’est faite soudain bien moins véhémente lorsque Moscou a proposé de doubler la route nord.

Et, last but not least, nous en revenons toujours au même problème : les autres sources d’approvisionnement. Comme nous l’annoncions il y a longtemps, le gaz de schiste US est une illusion et sa production a déjà commencé à baisser. Le gaz azéri est une fumisterie et concerne des quantités négligeables. Le gaz turkmène ne passera jamais par un pipeline transcaspien tant que Moscou et Téhéran s’y opposeront.

Reste le gaz iranien. La levée des sanctions a rempli d’espoir les eurocrates (notons en passant l’invraisemblable hypocrisie de ces vassaux de l’empire : le 15 janvier à 23h59, l’Iran était encore le diable en personne ; le 16 janvier à 0h01, l’Iran est soudain devenu, par la grâce de Washington, tout à fait fréquentable). On a même commencé à évoquer un gazoduc vers l’Europe via la Turquie. Mais mais mais… Premier problème : le tracé passerait forcément par les zones kurdes en guerre et où plusieurs tubes ont déjà sauté. Le 6 août, nous écrivions :

Rien ne va plus en Turquie, un troisième pipeline explose ! Et pas n'importe lequel : il s'agit du BTE (Bakou-Tbilissi-Erzurum). Ce corridor Azerbaïdjan-Géorgie-Turquie est promu sans relâche par les Américains depuis vingt ans afin de détourner l'Europe des hydrocarbures russes et d'isoler Moscou. C'est la route du BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), ouvert en 2005 et transportant le pétrole caspien de l'Azerbaïdjan à travers la Géorgie et la Turquie, évitant soigneusement le territoire arménien, allié de Moscou. C'est la route que devait emprunter l'illusoire Nabucco qui, contrairement à l'opéra de Verdi, est resté définitivement dans les cartons. C'est enfin le projet brinquebalant du TANAP qui, tel Jésus multipliant les pains, est censé “assurer la sécurité énergétique” de l'Europe avec ses malheureux 16 Mds de m3 de gaz annuels. Les Américains ne s'arrêtent pas à ces détails : de gré ou de force, leurs “alliés” européens doivent tout consommer, même du vent, plutôt que du gaz russe… Les Européens ne sont évidemment pas dupes mais n'osent pas contredire frontalement leur maître, d'où ce petit jeu qu'ils croient follement subtil d'un pas en avant puis en arrière, une jambe finissant par faire un croche-pied à l'autre.

Deuxième problème : l’Iran est de toute façon loin, très loin de pouvoir fournir de grosses quantité à l’Europe, du moins dans un avenir proche. Plusieurs récentes analyses ont douché les espoirs fous nés de la levée des sanctions. Le système iranien de transport est archaïque ou inexistant et requiert des centaines de milliards d’investissements, idem pour les gisements. Pire ! Téhéran a également d’autres projets, comme l’IPI (Iran-Pakistan-Inde) vers ses futurs alliés au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai. Conclusion : il faudra attendre au moins jusqu’en 2025 et plutôt 2030 pour que l’Iran soit capable de livrer du gaz à l’Europe, si tant est que le problème kurde soit réglé en Turquie.

Et puisqu’on parle du loup… Ankara a énormément de mal à trouver d’autres fournisseurs que russe après le quasi gel des relations. Ca tombe particulièrement mal, la Turquie n’a jamais autant consommé d’or bleu de son histoire. Au lendemain de la bourde du 24 novembre, Davutoglu s’est précipité en Azerbaïdjan pour humer le bon air gazier. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a été déçu. Répétons-le, on parle ici de quantités insignifiantes (les importations turques de gaz russe sont 1,4 plus importantes que la production totale de gaz azéri !) En plus, Bakou n’a pas trop envie de se mettre Moscou à dos en ce moment, alors que les Russes sont de plus en plus présents en Arménie et peuvent, quand ils le veulent, soutenir plus franchement Erevan dans la dispute du haut Karabagh.

Le sultan aura beau faire des pieds et des mains, il n’y échappera pas et continuera d’avaler du gaz russe. Que dire alors de l’Europe, dont la consommation est dix fois supérieure…

Source : Chroniques du Grand Jeu, Observatus geopoliticus, 2, 02, 2016

 

Les terroristes modérés en difficulté

Source : Chroniques du Grand Jeu, Observatus geopoliticus, 31-01-2016

Les mouchoirs sont de sortie dans les chancelleries occidentales et pétromonarchiques, et il nous semble même entendre quelques sanglots étouffés : leurs si chers terroristes modérés sont partout sur le reculoir en Syrie.

Au sud, l’armée loyaliste a repris il y a quelques jours Cheikh Meskine, une ville stratégiquement importante, coupant plus ou moins les voies de communication des djihadistes dans la province de Deraa. Nous avions d’ailleurs vu que la Jordanie voisine, dans un retournement de veste digne d’elle-même, n’était plus très chaude pour soutenir la rébellion et avait ordonné à ses protégés de ne plus s’en prendre au régime mais à Al Nosra si chère au coeur de Fabius.

A la frontière libanaise, dans les montagnes du Qalamoun globalement mais pas totalement reconquises par le Hezbollah, EI et Al Nosra se sont à nouveau écharpé alors que les poches insurgées se réduisent sans cesse.

A Deir ez-Zoor, enclave loyaliste en plein territoire de l’Etat Islamique, l’armée a repoussé la grande attaque daéchique que nous prévoyions dernièrement. Si l’agence de presse officielle exagère sans doute un peu, il est certain que les petits hommes en noir ont subi des pertes et en ont été pour leurs frais. Là comme ailleurs l’aviation russe a été déterminante.

En parlant de cela, c’est comme si on y était :

Mais c’est surtout au nord que la dynamique du combat a profondément changé. A Alep, l’un des principaux groupes insurgés, jusque-là soutenu par la Turquie et les Etats-Unis, bat en retraite. Chose intéressante : ils affirment ne plus recevoir de munitions et d’armements. Conséquence des bombardements russes ou bisbilles avec leurs parrains ? Toujours dans la région d’Alep, les salafistes d’Ahrar al-Cham et les qaédistes d’Al Nosra, pourtant alliés dans l’Armée de la conquête soutenue à bouts de bras par notre amie l’Arabie saoudite, se bagarrent comme des chiffonniers. Le fait est rapporté, ô divine surprise, par le Monde, à qui il arrive parfois de faire de l’information (ça doit être les bonnes résolutions de 2016). Au fait, où sont donc passés les fameux “rebelles modérés” ?

Et comme dans la province de Lattaquié, les loyalistes reprennent localité sur localité, les bastions insurgés d’Idlib et Jisr Al-Choughour, adossés à la Turquie, sont sur la défensive, commençant à être pris en tenaille par l’ouest, le sud et l’est. La coalition syro-russo-irano-hezbollahi s’approche avec gourmandise de la frontière turque, rendant de plus en plus difficile l’approvisionnement des terroristes modérés. Pas étonnant que le sultan commence à avoir des sueurs froides…

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu avant-hier l’incident que tous les médias ont rapporté, à savoir une possible nouvelle incursion d’un avion russe dans l’espace aérien turc. Ankara postillonne et convoque l’ambassadeur russe, Moscou balaie d’un revers de la main et parle de “grossière propagande”. Ce qui est intéressant ici, c’est que si violation il y a eu, la chasse turque s’est bien gardée cette fois d’abattre l’avion. Faut dire que c’était un Sukhoi 34 protégé par un halo de S-400 et non un vieux Sukhoi 24 solitaire… Et puis le sultan n’a peut-être pas envie d’aller plus loin dans l’escalade avec l’ours vu l’avalanche de sanctions qui lui est tombé sur le crâne.

Les Russkovs doivent maintenant se sentir forts sur la frontière syro-turque. Les batteries de S-400 n’hésiteront pas à descendre les F16 ottomans comme des mouches. C’est sans doute cela qui explique ce qui s’est passé le 23 décembre… Les lecteurs se souviennent sans doute qu’Erdogan avait lancé un ultimatum aux YPG kurdes syriennes : “ne traversez pas l’Euphrate ou nous vous bombarderons”. Eh bien, fait passé inaperçu de tous (y compris de votre serviteur, je dois l’avouer avec honte), les YPG ont bien traversé l’Euphrate le 23 décembre et commencé à faire mouvement pour sceller la frontière afin de couper Daech de la Turquie. Ankara n’a pas réagi ! Erdo-gollum a dû ravaler sa fierté devant les missiles russes pointés sur ses avions.

Guère étonnant dans ces conditions que les Turcs aient fait des pieds et des mains pour que les Kurdes syriens soient exclus du nouveau round de négociations à Genève. Moscou a beau jeu de demander leur participation, se les attachant ainsi encore un peu plus. Il est vrai que sans eux, Genève 3 est une coquille vide. Cela ne gêne pas plus que ça Damas : au vu de la nouvelle dynamique du conflit, le temps joue maintenant pour Assad et ses alliés.

Source : Chroniques du Grand Jeu, Observatus geopoliticus, 31-01-2016

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