http://2ccr.unblog.fr/2015/04/08/derriere-le-vote-f-n-un-crash-societal/
Le vote d'extrême droite ne date pas d'hier, mais est le produit d'un processus de désengagement politique, trahissant les valeurs de la Résistance, celle du programme des jours heureux, qui par le Général de Gaulle lui-même, portait l'intérêt général, celui de la Nation au-dessus des intérêts particuliers. Tant que l'Etat, expression de la volonté de la Nation rassemblée, votait des lois en faveur de l'intérêt général, le vote d'extrême droite n'existait pas, et ne représentait en termes de classes sociales, que les poujadistes d'une partie du monde agricole, du petit commerce, de quelques professions libérales et quelques militaires en mal de coup d'Etat (Algérie).
La force de l'Etat c'était de pouvoir transformer, en un délai assez court, la parole politique en acte mesurable et ressenti par les citoyens en termes de « vie quotidienne ». Ce pouvoir était la conséquence de la mise en œuvre du programme de la Résistance, avec notamment l'ensemble des Nationalisations issues de 1944, ainsi que la planification, qui permettait de fixer des objectifs et de travailler à ces objectifs. Cette capacité de maîtrise, via le secteur public industriel [1], permettait à la parole politique de se transformer en acte économique immédiat. De Gaulle disait : « Je veux une voiture populaire » et 2 ans après, celle-ci était disponible.
»Le Plan » complétait le dispositif, permettant aux entreprises privées de réaliser des profits, en investissant dans les secteurs définis par l'Etat. Bouygues S.A, N° 1 mondial du B.T.P, s'est développée par la politique de planification et de reconstruction, France Télécom est le produit de l'Histoire de la Poste, qui a équipé tout le Pays en centraux téléphoniques, Airbus est la suite des entreprises publiques (S.N.E.C.M.A), Renault est le produit de la R.N.U.R (Régie Nationale des Usines Renault), nationalisée en 1945 pour avoir pactisé avec le régime du Maréchal Pétain et fourni volontairement des chars aux nazis. Avec aussi la création du C.E.A (Commissariat à l'Energie Atomique) et à E.D.F-G.D.F, pour donner l'indépendance énergétique à la France, avec encore aujourd'hui, l'électricité la moins chère d'Europe.
La reconstruction et le progrès social, objectifs de la Résistance se sont matérialisés par la création de la Sécurité sociale, faisant de notre pays le pays exemplaire pour l'O.M.S (Organisation Mondiale de la Santé). Rapidement le taux de mortalité baissa dans des proportions considérables, et le taux de mortalité infantile fut l'un des plus bas du monde. De plus la sécu, permit le développement de toute l'industrie pharmaceutique française. Sans sécu, pas de SANOFI. Les congés payés, symbole de la France, permirent à de nombreux ouvriers et employés de découvrir la mer, les plages, développant ce que le MEDEF appelle aujourd'hui : « L'Industrie touristique », qu'il couve de ses yeux, au point de revendiquer le « travail touristique permanent » (Travail du dimanche) au détriment de l'Industrie qu'il a volontairement abandonné, pourtant tellement créatrice d'emplois, de richesses et d'indépendance, donc de souveraineté.
La rupture se fait en 1983, quand après avoir fait semblant de faire une politique de gauche, (retraite à 60 ans, hausse du S.M.I.C), François Mitterrand, au nom du « réalisme de marché », accepte les « fourches caudines », de la « libéralisation » et du « marché libre et non faussé », débouchant sur les « privatisations de l'économie » et la libéralisation financière mondialisée [2]. Le résultat de cette politique dénommée « désinflation compétitive », fut le développement du chômage de masse, la précarité comme norme d'emplois, et la pauvreté, comme gangrène de la société. Dans ce cadre, les immigrés devinrent les ennemis, montrés en exergue comme cause du chômage, car il est plus simple de dénoncer son voisin (logique Pétainiste) que de dénoncer les banques et les marchés, dont l'accès est plus complexe, pour ne pas dire en apparence, inaccessible.
Mitterrand, sachant que les privatisations industrielles (débutés en 1985) allaient créer du chômage de masse, de la précarité et de la pauvreté, monétaire et sociale, alluma trois contre feux, un politique et deux « sociaux » :
- Le Front-National dont le premier passage dans les médias date de l'heure de vérité du 13 février 1984 et dont l'objectif était d'empêcher que les colères sociales s'expriment dans le vote communiste.
- Les restaurants du cœur (1985), dont le seul objectif était d'accompagner la misère sociale engendrée par les privatisations, c'est-à-dire l'abandon au marché, de l'économie.
- La création du R.M.I en 1988 par Michel ROCCARD dont l'objectif était d'habituer le peuple à survivre par des subventions d'Etat, remplaçant les salaires manquants du fait de la casse des industries consécutive aux privatisations, conséquence de l'acceptation des oukases de la « mondialisation libérale ».
Il s'agissait alors de mettre en œuvre la « real-politik », celle du « tout marché ». L'accompagnement social était là pour cacher les désengagements de l'Etat et les trahisons politiques, le F.N pouvait se présenter comme un vote contestataire et repoussoir, contestataire pour les électeurs, repoussoir pour les parties de la société encore intégrée, tout ceci cachant de fait, le « crash sociétal ». Le fondement de la financiarisation de l'économie, c'est de faire du profit une donnée fixée en amont, et de l'emploi et des salaires, une variable d'ajustement, nécessitant de ce fait, une « libéralisation du marché du travail ». La précarité étant la première phase du processus.
La précarité et la destruction industrielle sont les terres de prédilection du F.N à l'image du Nord. Les territoires du F.N sont ceux de la classe ouvrière précaire et qui recoupent évidemment les terres d'immigration, expliquant le double discours anti-immigré mais populaire, renvoyant aux discours de l'extrême droite des années 30. Avec un Front National à plus de 25 %, l'appel au « vote utile » jouera à plein empêchant de voir ailleurs. En ce sens, la montée du F.N est une aubaine pour ceux qui veulent que rien ne change. Mais cette victoire à la Pyrrhus, aggrave la situation et précipite encore plus le risque de « crash sociétal » intégral.
Le vote F.N est la combinaison de plusieurs tendances, dont celle d'un vote de droite qui s'extrémisme. Mais, plus grave, une partie importante est la conséquence directe des politiques menées depuis 30 ans, des politiques de libéralisation, détruisant les repères collectifs en termes de « lutte des classes ». L'abstention massive et le vote des quartiers populaires en faveur du F.N sont l'expression politique d'un immense « crash sociétal », conséquence des politiques d'abandons de l'Etat dans la définition et la maîtrise des politiques économiques. En transférant ce pouvoir aux marchés, les responsables politiques ont fait le choix délibéré d'abandonner la République au marché et sa logique « d'offre et demande » fixant un prix et, « à force de ne raisonner que par le prix, on devient esclave du marché ». L'intérêt général a disparu, remplacé par l'intérêt privé, que formalise à merveille les lois sur la « compétitivité » et la « loi Macron ». En quoi la « compétitivité », objectif de l'entreprise privée peut-elle devenir un « objectif d'intérêt général ? », si ce n'est que par sa déclamation ?? En quoi la « loi Macron » imposant le travail du dimanche pour les seuls salariés du commerce, par hasard les plus précaires et les moins organisés, puisse être, là aussi, présentée comme une loi « d'intérêt général » ??? Ces politiques ne font qu'entériner « l'impuissance politique » conséquence des choix faits depuis 30 ans de soumission au marché… . En ce sens le vote F.N, est un indicateur du niveau de la crise, pas plus, pas moins. Le vote F.N est un indicateur du « crash-sociétal » à venir.
D'après un article de Fabrice AUBERT
[1] Le secteur public industriel pesait environ 25 % des emplois et 45 % des investissements en 1986, il ne pèse plus que 5 % de l'emploi et 15 % de l'investissement aujourd'hui.
[2] Conséquence du « consensus de Washington », obligeant les Etats à accepter le libéralisme de marché fondé sur la concurrence, la compétitivité, le « libre échange » et la liberté de circulation des capitaux.
« Aucune carte du monde n'est digne d'un regard si le pays de l'utopie n'y figure pas »… Oscar Wilde
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