Michel Sapin va encore être bien reçu à Bruxelles "On a dit 3%!!" |
La situation économique qui faisait bredouiller les ministres : a-t-on jamais vu un gouvernement français aussi paumé ?
http://www.atlantico.fr/L'Insee a dévoilé ce jeudi 14 août une croissance nulle pour la France pour le second trimestre, soit une stagnation du PIB brut en volume, obligeant Michel Sapin à reconnaitre une "panne" de l'économie française et à revoir les objectifs de croissance du gouvernement à 0,5% contre 1%
Atlantico : "Mieux vaut assumer ce qui est, plutôt que d'espérer ce qui ne sera pas", a estimé le ministre des finances et des comptes publics, dans une tribune publiée dans Le Monde. Le gouvernement actuel est-il dépourvu face à la situation économique actuelle ?
Christophe de Voogd : On peut évidemment se réjouir du pragmatisme de Michel Sapin, ce qui contraste avec le wishfull thinking des près de deux ans et demi du quinquennat Hollande. Si cette phrase avait été prononcée en mai 2012, c'eût été formidable.
Par ailleurs, pour les phrases prononcées au mois d'août, mieux vaut attendre le mois de septembre pour s'assurer qu'elles marquent réellement une inflexion dans la politique.
On est toujours plus courageux au cœur du mois d'août quand les Français sont en vacances. Et il s'agit là d'une constante de tous les gouvernements. Et tous les gouvernements -c'est le résultat des démocraties d'opinion - ont tendance à sous-évaluer les obstacles et surévaluer les possibles effets de leurs politiques. Il est commun d'observer des décalages entre les prévisions et le résultat à l'arrivée. Mais je pense que nous sommes là face à un record car il a fallu près de deux ans et demi de faits têtus pour que le gouvernement s'en aperçoive. Et la politique menée n'est toujours pas claire.
Deuxièmement, on a l'impression que le gouvernement est passé d'une stratégie de la "faute à Sarko" à une stratégie de la "faute à l'euro". Malgré le mauvais état de la France à 2012, on ne peut en imputer l'entière responsabilité au gouvernement précédent,qui a connu une crise mondiale sans équivalent avant et depuis, d'autant plus les résultats du gouvernement actuel sont plus mauvais. Le taux d'aggravation du chômage depuis mai 2012 est, selon la période de référence, de 30 à 50% supérieur à ce qu'il était auparavant; et sous le quinquennat précédent, nous n'avions jamais connu de période si longue d'augmentation du chômage, qui avait connu plusieurs périodes de forte baisse.
Le gouvernement a soutenu pendant un an et demi que la courbe du chômage allait s'inverser alors même que tous les indicateurs tendaient à dire le contraire. Comment expliquer cette difficulté à reconnaître que la stratégie adoptée ne fonctionne pas et à agir en conséquence ?
C'est une constante en politique, de ne jamais reconnaître ses erreurs. Mais encore une fois c'est particulièrement net dans le cas présent en raison des a prioris idéologiques et d'un keynésianisme archaïque en matière de politique économique, très forts dans la culture de gauche. Le président de la République a d'abord été dans le déni de la crise. Ce déni économique et ce long refus des réformes sont sidérants alors que tous les exemples étrangers -je dis bien tous- vont dans le même sens. Du Canada à la Suède, en passant par l'Allemagne et les Pays-Bas, tous les pays qui ont fait des réformes structurelles se portent mieux que la France. Dans notre pays nos élites ont une sorte de doctrine économique "automatique", le keynésianisme, (mal) compris comme une politique de la dépense publique, et la culture économique au sein de la population est très faible.
Par ailleurs, l'opposition n'a pas joué son rôle et a très peu défendu son bilan. Notamment en comparaison de ce que font aujourd'hui les socialistes. Qui rappelle à droite que la croissance en 2010 et 2011 était au dessus de 1,5%, alors qu'elle est quasi nulle depuis 2012? Et cela parce qu'il s'agit d'un enjeu politique central à l'UMP : le positionnement par rapport au bilan Sarkozy. Si on dit du bien de ce bilan, on est automatiquement estampillé "sarkozyste" et dans le cas contraire "anti-sarkozyste". L'absence de ce bilan, avec ses forces et ses faiblesses, paralyse la droite depuis 2012.
"L'Europe doit agir fermement, clairement, en adaptant profondément ses décisions à la situation particulière et exceptionnelle que connaît notre continent. La France pèsera en ce sens", a également estimé Michel Sapin. Le gouvernement reconnait-il son impuissance en même temps qu'il se dédouane de toute responsabilité ?
La posture de dédouanement conduit à un problème de crédibilité pour la France. Après s'être dédouané sur ses prédécesseurs, on se dédouane maintenant sur les partenaires.
On s'agace, particulièrement en Europe du Nord, que la France essaye tout pour ne pas faire ses réformes structurelles. Notre crédibilité est réduite à zéro, et la France en matière économique n'est plus écoutée. Nous sommes suspectés de vouloir être le "passager clandestin" de la zone euro, d'attendre que les autres fassent le travail -et les sacrifices- pour nous.
Le président avait d'ailleurs dit dans ses vœux qu'il lancerait une grande initiative franco-allemande. Depuis plus rien. Je pense que le moment parait particulièrement opportun, avec le risque de déflation qui se profile (même si nous n'y sommes pas encore), pour lancer cette initiative franco-allemande. Il faut jouer carte sur table, demander un assouplissement de la politique monétaire et en échange accepter de faire nos réformes structurelles, comme je l'avais proposé en janvier dernier avec Nicolas Goetzmann dans les colonnes d'Atlantico. Car sans ces réformes structurelles, les Allemands n'accepteront jamais d'assouplissement. Le Président de la Bundesbank vient de le rappeler clairement.
Si l'Europe a également un rôle à jouer, faut-il voir dans cette réaction un déni de l'effet que le politique peut encore avoir sur le réel ?
Au contraire: ce n'est pas la politique qui est en cause mais une politique. Plus profondément, le rapport du politique au réel en France est surprenant. On appelle cela le volontarisme, moi j'appelle cela l'incantation. La politique ne peut pas nier le réel. La politique, comme disait le Général, commence avec: "les choses étant ce qu'elles sont". C'est à partir de là qu'elles peuvent évoluer. Il y a mille choses à faire, mille réformes à mener, mais qui posent problème à l'idéologie économique dominante et aussi à des intérêts politiques bien compris.
Nous sommes à la croisée des chemins. L'incertitude du cap économique est sans doute la pire des choses: on augmente les impôts, puis on les baisse; on veut stimuler l'activité des entreprises et en même temps on vote une loi sur le logement qui pétrifie le secteur du bâtiment; on parle de simplification et on alourdit chaque jour la réglementation. Au sein du gouvernement et plus encore au sein de la majorité, plusieurs lignes économiques s'affrontent et tout cela crée un climat d'insécurité qui désincite à investir ou à embaucher. Cette incertitude de notre politique économique fait que les gens vivent au jour le jour et qu'il n'y a pas de croissance. Il faudrait que le cap soit clair et qu'il soit respecté par tous les responsables.
Les dépenses publiques sont trop élevées mais on se heurte à des considérations électorales majeures: car la fonction publique est -et plus que jamais -le cœur de l'électorat socialiste et aucune mesure structurelle n'a été prise dans ce secteur, bien au contraire, comme on l'a vu avec l'abaissement de l'âge de la retraite pour les carrières longues (qui sont d'abord celles des fonctionnaires) ou la suppression du jour de carence.
C'est bien pourquoi je suis convaincu que ce gouvernement est dans une impasse totale, car pris dans une contradiction majeure en entre les intérêts immédiats de sa base électorale, relayés par sa majorité et les réformes indispensables.
Cette situation ne pourrait se résoudre que par un grand courage politique et un effort pédagogique intense montrant aux agents publics que leurs intérêts à moyen et long terme (qui paiera leurs traitements et leurs retraites si le pays s'écroule?) requièrent ces réformes. Je n'en vois pas encore le début d'une prémisse.
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