dimanche 22 décembre 2013

La Centrafrique Déborde Au Congo : Les Autorités Religieuses Traditionnelles Débordées

"Bangui nous voilà!"



Le Congo « affecté » par la situation centrafricaine


La République démocratique du Congo annonce l'envoi d'un bataillon de 850 hommes en Centrafrique pour intégrer la Misca. C'est ce qu'a annoncé Kinshasa, hier samedi 21 décembre. Un effort important alors que les FARDC font déjà face dans l'Est du congo et dans la province du Katanga à des dizaines de groupes armés. Pourquoi ? C'est la question que RFI a posé à Lambert Mendé, le porte-parole du gouvernement congolais. Pour lui, la RDC est « affectée » par la situation en République centrafricaine. 

Suite aux affrontements sanglants  entre les ex-rebelles de la coalition Seleka et les miliciens Anti-Balaka, la situation devient de plus en plus préoccupante à Bangui. A telle enseigne qu’on assiste à une forte mobilisation à travers le monde. La République démocratique du Congo qui en a tant souffert doit prendre les dispositions qui s’imposent pour ne pas revivre la tragédie  de l’Est.

D’après le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), à ce jour, la RDC héberge plus de 47 000 Centrafricains dont plus de 20 000 vivent dans quatre camps des réfugiés répartis dans la province de l’Equateur et dans la Province Orientale. En effet, depuis le début  de ce mois de décembre, près de 3 300 réfugiés centrafricains sont arrivés en République démocratique du Congo. Et rien que pour la  seule journée du lundi dernier, plus de 1 800 nouveaux réfugiés centrafricains sont arrivés en territoire congolais (Zongo), en province de l’Equateur.



Personne ne me parle de “somalisation"


A Bangui, dans les jours précédant l'attaque du 5 décembre, l'archevêque Nzapalainga faisait part de sa grande inquiétude : « Il existe un risque de justice populaire qui provoquera une hécatombe et le chaos. Nous pourrions arriver à un point d'irrationalité barbare. Je crains que mon autorité morale ne soit pas suffisante pour faire tenir la digue, car les gens ne sont plus prêts à pardonner. »Depuis la France, l'évêque aux armées a sollicité cette semaine un message du pape François, resté très discret sur le conflit.

A Paris, on tente de rassurer. Il n'y a pas d'« élément structurel » qui empêcherait les communautés de cohabiter de nouveau, assure-t-on au Quai d'Orsay. Si le contexte régional joue, avec une montée de la radicalisation islamiste, « il n'est pas déterminant ». Le fait religieux avait certes été instrumentalisé par l'ex-président François Bozizé, qui avait agité le « risque wahhabite ». Son successeur par la force, Michel Djotodia, a, lui, proclamé incarner un « pouvoir musulman ».

Au ministère de la défense, on assure que les anti-Balaka « restent très majoritairement des groupes d'autodéfense de villages ». On ne note « aucun signe » d'infiltration du groupe djihadiste nigérian Boko Haram, présent aux frontières, encore moins d'Al-Qaida. Mgr Ravel assure : « Personne ne me parle de “somalisation”, les chrétiens disent que si les chababs (djihadistes somaliens) venaient, ça ne prendrait pas. »

Mais, en descendant sur Bangui il y a quelques mois, les pillards de la Séléka ont détruit les églises, rares lieux où il était encore possible de voler quelques biens. Leurs exactions sur la population ont fait le reste. Emportés dans la spirale des violences, certains voient maintenant une possible revanche sur l'Histoire. Depuis l'indépendance, la minorité musulmane du pays a été marginalisée. « C'est ce qui a poussé au soulèvement contre l'ancien pouvoir », témoignait Bachir, rencontré à la mosquée Ali Babolo de Bangui après l'attaque du 5 décembre. « Il faut que les chrétiens acceptent qu'aujourd'hui nous sommes au pouvoir. Quand ils y étaient, nous ne protestions pas. Ils veulent nous exterminer parce qu'ils sont majoritaires. »

En miroir, Mgr Ravel évoque la crainte des chrétiens : la transition politique pourraitfiger un nouveau rapport de force au profit de la minorité musulmane. « Quinze préfets musulmans sur seize dans un pays à 85 % chrétien, ils n'accepteront jamais cela, indique l'évêque aux armées. Rançonner un pays, c'est le rendre pauvre, donc dépendant d'un groupe qui va dire demain : “Vous allez travailler pour nous.” Les chrétiens parlent de “musulmanisation”. »

La présence d'étrangers cristallise la haine, nourrissant l'amalgame Séléka = musulmans = Tchadiens. « Ce sont ceux qui viennent du Tchad et du Soudan et ne parlent qu'arabe qui nous font le plus de mal », assure Divin, jeune homme du quartier Sica 2.



« LES MUSULMANS, DÈS QU'ILS ONT UN MORT, ILS EN TUENT DIX »


Dans une lettre, les trois chefs religieux ont transmis à François Hollande, le 10 décembre, lors de sa visite éclair à Bangui, une requête embarrassante pour Paris, allié de N'Djamena dans ses opérations en Afrique : « Les troupes tchadiennes sont-elles là pour prendre partie en faveur des mercenaires tchado-soudanais qui constituent le gros des effectifs des ex-Séléka et se sont illustrés par des exactions et de graves violations des droits humains ? Si tel est le cas, nous exigeons le retrait de ces troupes », ont écrit les prélats.

Malgré toutes leurs tentatives d'apaisement, les responsables religieux admettent que les digues cèdent. « Dès la sortie de la réunion, un passant a été tué », déplore Désiré, à la sortie d'une séance de réconciliation à la paroisse Notre-Dame de Fatima. « Le problème avec les musulmans, c'est que dès qu'ils ont un mort, ils en tuent dix. »

De nouveaux acteurs débordent les autorités religieuses traditionnelles. Après ses critiques sur la Séléka, l'imam Kobine avait déjà été menacé par Noureddine Adam, patron des services de renseignement qui entretient des liens avec le Qatar. Mercredi, après une nouvelle réunion avec des « leaders » de la jeunesse musulmane, beaucoup ont reproché à l'imam d'être trop mou, voire d'être un traître.

« Je ne sais pas quelle est la mission de la France. Chaque fois, dans ce pays, c'est la même discrimination contre les musulmans », a lancé Hakim. La veille, pourtant, Sangaris avait lancé une grosse opération contre les anti-Balaka du quartier de Boy Rabé, une démonstration de son « impartialité ».

Un chef d'entreprise, Mahamat Abdel Brahim, va plus loin, en évoquant « une scission du nord si cela continue : on nous dit qu'il faut raccourcir la transition parce que Djotodia est musulman et que l'on veut mettre un chrétien à sa place. Les chefs religieux, vous êtes responsables de ce qui nous arrive ! ».

centrafrique-presse -

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