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Obamacare : problèmes de hardware et de software
« Réforme de l’assurance-santé : le désastre a commencé » par Sébastien Castellion pour la MeNa…
La réforme américaine de l’assurance-santé, instaurée par l’Affordable Healthcare Act (la loi sur les soins de santé abordables) du 30 mars 2010, est en vigueur depuis le 1er octobre dernier. Elle peut déjà revendiquer la palme du plus mauvais lancement de produit de l’histoire humaine.
Le site Internet qui devait permettre aux Américains non assurés, ou souhaitant changer d’assurance, d’acheter un nouveau produit, continue à ne pas fonctionner. Quelques dizaines de milliers d’Américains ont probablement réussi à s’inscrire sur le site ; le chiffre réel semble être le secret le mieux gardé d’Amérique depuis le Projet Manhattan [le programme secret ayant permis la mise au point de la bombe atomique].
Mais des millions d’assurés potentiels ont renoncé, après avoir passé plusieurs heures sur un site qui, typiquement, commence par leur demander tous les détails de leur existence (revenu, adresse, numéros de carte de crédit, histoire médicale) avant de leur envoyer un message d’erreur définitif. En Alaska, le site s’est totalement effondré après que trois citoyens, au total, eurent réussi à acheter leur assurance.
La Maison Blanche a annoncé qu’une équipe informatique d’élite allait se voir confier la tâche de réparer le site et que cela devrait être fait fin novembre. Personne n’y croit. La seule vraie question est de savoir si le site devra être reconstruit à partir de zéro ou si de longs mois d’efforts parviendront à sauver la version actuelle.
Dans les deux cas, il est plus que probable que le « mandat individuel » prévu par la loi de 2010 – c’est-à-dire l’obligation pour les individus de s’assurer, sous peine de devoir payer une pénalité – devra être retardé. Dans les termes actuels de la loi, la pénalité s’applique à ceux qui n’auraient pas acheté leur assurance le 31 mars prochain, mais on peut difficilement imposer aux Américains d’acheter un produit sur un site qui ne fonctionne pas.
A titre anecdotique, la raison pour laquelle les Démocrates ont décidé le mois dernier de fermer momentanément le gouvernement américain était qu’ils refusaient, comme le demandait la Chambre des Représentants, de retarder l’application du mandat individuel.
Les malheurs rencontrés par le site Internet risquent donc de conduire la Maison Blanche à revenir devant le Congrès pour obtenir de la Chambre ce qu’elle avait proposé en septembre – et que la Maison Blanche avait alors refusé en traitant les Républicains d’extrémistes, de déments et de preneurs d’otages. La session du Congrès durant laquelle la Maison Blanche proposera la même mesure qui avait déclenché chez elle cette explosion de rhétorique haineuse promet d’être distrayante.
Cela dit, personne ne doute, qu’un jour ou l’autre, un site fonctionnel finira par être en place et que les obstacles techniques à l’introduction de la réforme seront surmontés.
C’est à ce moment-là, cependant, qu’apparaîtra le véritable désastre de la réforme : la perte de leur assurance ou la brutale augmentation de son prix pour des millions d’Américains des classes moyennes.
D’ores et déjà, pendant que quelques dizaines de milliers d’Américains parvenaient à acheter une assurance santé avec la plus grande difficulté, plusieurs millions d’autres ont reçu de leur assureur un courrier leur annonçant qu’il était mis fin à leur contrat d’assurance en conséquence de la nouvelle loi.
Les principaux contrats concernés sont ceux qui ne couvrent pas toutes les pathologies dont la loi exige la prise en compte : des contrats détenus, par exemple, par des sexagénaires à la vie sage et qui ne couvrent pas les soins contre les effets de la drogue. (Cet exemple est, hélas, absolument réel).
Une rapide compilation des annulations déjà annoncées permet d’estimer qu’elles ont déjà concerné 1,5 millions de familles. Selon l’office budgétaire du Congrès, qui a effectué une simulation en analysant les contrats susceptibles de ne pas respecter les nouvelles règles, le nombre total d’annulations devrait concerner environ 7 millions de familles.
En plus de l’angoisse de se voir, du jour au lendemain, privé d’assurance santé, ces annulations provoqueront inévitablement, chez ceux qui ne l’éprouvaient pas encore, un certain scepticisme à l’égard de la fiabilité de la parole présidentielle. Un des extraits les plus mémorables (et que les chaînes de télévision se sont mises à rediffuser fréquemment) de ses longs discours en défense de la réforme était la promesse formelle que « si vous aimez votre contrat d’assurance, vous pourrez garder votre contrat d’assurance ».
Chacun sait que tous les hommes politiques doivent mentir de temps à autre. Mais un mensonge aussi absolu, aussi indéniable (le président ne pouvait pas ne pas savoir que sa réforme conduirait à l’annulation de millions de plans), et portant sur un sujet aussi sensible que la santé, aura inévitablement un sérieux coût politique pour le président et pour son parti.
Dans plusieurs dizaines de millions d’autres cas, les contrats existants sont conservés, mais les prix augmentent brutalement pour permettre aux assureurs de respecter une nouvelle obligation de la loi : celle de couvrir les nouveaux assurés déjà atteints d’une maladie au moment où ils s’inscrivent. Comme ces nouveaux assurés coûteront bien plus qu’ils ne rapporteront, la seule manière de maintenir l’équilibre des comptes est d’augmenter fortement les primes des cotisants actuels.
Les doublements, triplements, voire davantage, des primes mensuelles sont en train de ravager des millions de foyers des classes moyennes. L’effet de ces augmentations de prix peut changer tout le niveau de vie ou les espoirs d’une famille. Pour une jeune femme de 26 ans, voir ses primes mensuelles passer de 500 à 2000 dollars par mois peut signifier, par exemple, l’obligation de renoncer à préparer un diplôme ou à épargner pour un futur achat immobilier.
Au total, les classes moyennes américaines vont donc se trouver paupérisées et angoissées à l’idée de perdre des contrats d’assurance santé dont elles étaient généralement satisfaites. Quant aux nouveaux produits d’assurance créés par la réforme, il faudrait un miracle pour qu’ils trouvent leur équilibre financier. Or l’économie est un domaine où les miracles sont rares.
Les nouveaux produits d’assurance sont particulièrement généreux pour les personnes en mauvaise santé : permettre aux « mauvais risques » de trouver une assurance était toute la philosophie de la réforme. Ils doivent, pour ne pas entraîner la ruine des assureurs qui les vendent, être financés par les primes de nombreux jeunes Américains en bonne santé, dont les maladies ne coûteront presque rien aux assureurs. C’est pourquoi la loi a institué une obligation de s’assurer.
Seulement, cette obligation est plus théorique que réelle, car ceux qui ne s’assurent pas seront redevables d’une pénalité très inférieure au coût de l’assurance. En outre, la loi interdit de recourir aux moyens de saisie et de contrainte habituels pour recouvrer cette pénalité. L’Etat fédéral ne peut donc pas la faire payer de force, sauf en la déduisant des remboursements d’impôts qu’il doit à de nombreux contribuables… mais dont il est parfaitement possible se libérer, en faisant quelques efforts comptables, en calculant ses impôts au plus juste.
Il n’est donc pas difficile de prévoir que la plus grande partie des jeunes en bonne santé, qui se croient invincibles, n’achèteront pas les nouveaux produits. Certes, d’autres jeunes seront couverts en plus grand nombre qu’avant. Mais ce sera parce qu’en-dessous de 26 ans, la loi leur permet désormais de bénéficier de l’assurance de leurs parents. Cette disposition augmente les risques des assureurs sans augmenter les primes qui leur sont payées, et dégrade donc l’équilibre financier du système.
A partir de 26 ans, certains seront tout de même incités à s’inscrire. Cela concernera d’abord les ménages aux revenus relativement faibles (mais trop élevés pour bénéficier de l’assurance fédérale Medicaid, accessible jusqu’à 1,38 fois le seuil de pauvreté). Tous les ménages dont les revenus sont situés entre 1,38 et 4 fois le seuil de pauvreté recevront, en application de la loi, une subvention de l’Etat fédéral pour les aider à s’assurer. Cette subvention représente presque tout le coût de l’assurance en bas de la fourchette, puis devient graduellement négligeable vers le haut.
Grâce à cette subvention, les ménages situés, environ, entre 1,38 et 2,5 fois le seuil de pauvreté ont une forte incitation à s’assurer. Mais comme le financement de cette assurance sera pourvu par les contribuables et non par les ménages eux-mêmes, il en résultera une nouvelle dégradation de l’équilibre financier du système.
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