Retour sur une «évasion»
Le retour lundi dernier dans l'Hexagone de Francis Collomp, ex- otage d'un groupe islamiste depuis 2012 dans le Nord Nigeria qui a selon ses dires retrouvé la liberté en parvenant à tromper la vigilance de ses ravisseurs, n'a pas donné lieu à la mise en scène médiatique dont les autorités françaises entourent traditionnellement les événements de ce genre. Et ce n'est pas seulement parce que le président François Hollande, absent du pays pour cause de visite officielle au Proche-Orient, ne pouvait être sur le tarmac de l'aéroport parisien.
Même s'il a été accompagné du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, parti le chercher au Nigeria, Francis Collomp a été très vite mis à l'abri des médias venus en grand nombre couvrir son arrivée en France. L'accueil pour le moins « discret » réservé à l'ex-otage et sa tenue à l'écart des questionnements dont il aurait été assailli par les journalistes sur les conditions de son évasion n'ont pas contribué à dissiper les doutes que la version donnée par lui et relayée par les autorités a fait naître aussitôt connue. Si « charitablement » le mot mensonge n'a pas été prononcé à l'encontre de cette version, elle a été toutefois qualifiée de « rocambolesque ». Partant peu sont les observateurs avertis et les experts sécuritaires à l'avoir pris pour argent comptant. Ce à quoi manifestement les autorités françaises se sont attendues et explique la discrétion médiatique qu'elles font observer à l'ex-otage.
Francis Collomp a vite disparu des écrans télé. Le silence apparemment « patriotiquement » sollicité des médias est vite retombé sur « l'évasion » de Francis Collomp. Il n'en demeure pas moins qu'ont percé des mises en doute et des hypothèses qui ont donné à comprendre que la version officielle cache une réalité qui si elle vient à être prouvée serait dérangeante pour François Hollande et son gouvernement.
Pour les experts du monde dont les prises d'otages sont le fonds de commerce et le groupe islamiste qui a détenu Francis Collomp en fait partie, la version donnée par ce dernier ne tient pas la route, à moins d'accepter pour vérité l'étrange relâchement dont les ravisseurs ont fait preuve dans la surveillance des faits et gestes de leur otage qui représentait pour eux tout de même la promesse à une rançon de millions d'euros. Aussi n'écartent-ils pas la thèse que « l'évasion » de l'ex-otage français a pu être un scénario monté auquel Paris aurait acquiescé pour camoufler la libération de Collomp contre versement d'une rançon.
François Hollande et le gouvernement français ont beau clamer que la France ne paye plus de rançons pour la libération de ses ressortissants pris en otage, la suspicion reste de mise à l'égard de la sincérité de leur engagement à s'en tenir à cette doctrine. Le flou qui a entouré la libération il y a moins d'un mois des quatre ex-otages français que détenait Aqmi au Mali, puis le « rocambolesque » par lequel Collomp a recouvré sa liberté ne l'ont pas dissipé. En tout cas et le kidnapping la semaine dernière à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria d'un autre ressortissant français prouve que les groupes qui s'adonnent aux prises d'otages voient dans la France un « bon client » avec qui le troc « otages rançons » demeure toujours possible.
Ce qui n'est pas une erreur de leur part, au vu d'un gouvernement français en pleine déconfiture de sa gouvernance du pays et forcément en quête de « succès » sur le plan de la sensible question du sauvetage des ressortissants français pris en otage, quitte à écorner la doctrine officielle sur le sujet. Sauf qu'il n'est pas acquis qu'il en récoltera de dividendes à même de freiner la chute abyssale de sa cote de popularité.
ELWATAN-ALHABIB
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