Récit vivant, on y est , on sent la pression, on étouffe, on respire, on sent la bouse, la jacquerie qui monte. Et encore s'il n'y avait qu'eux...
Dure séquence pour le président Hollande? Il l'a bien cherché : faire une politique de droite sur des promesses de gauche, s'écraser devant la finance ("mon ennemi") et taper sur les retraités .... seize mois seulement...
Cris, beuglements et hurlements
Visite de François Hollande au sommet de l'élevage de Cournon d'Auvergne.
Après un voyage express par avion militaire, la presse présidentielle débarque dans ce mini-salon de l'agriculture. Grosse différence, celui-ci se tient à domicile. Nous sommes au milieu de terres agricoles, et ici ça ne rigole pas. Pas de visiteurs touristes qui viennent observer une fois par an quelques vaches.
Non, à Cournon d'Auvergne, on a l'habitude de l'agriculture, de l'élevage, des pieds dans la terre et les mains au travail... et on veut le faire savoir. Tous les aspects d'un salon agricole sont là. Animaux, stands professionnels, visiteurs occupés.
Les services de l’Élysée ont organisé des pools très restreints tout au long de la visite. Les journalistes récipiendaires de cette autorisation doivent porter des chasubles rouges pour se distinguer des autres dans la foule. Nous rions beaucoup de ce nouvel accoutrement. Seulement deux photographes sont autorisés à rentrer dans "la bulle" du président.
La foule qui attend derrière des barrières dans l'axe du chemin décrit par les organisateurs de la visite. Une fois extirpé de la masse des costumes gris pressés autour de lui, François Hollande fend la bulle et se dirige vers les quelques mains qui se tendent. Il les serre, se prête aux photos, sourit.
Des «LE PEN!! LE PEN!!» surgissent de l'arrière. Mauvais signe. Le Président s'assombrit mais reste à échanger quelques mots avec les premiers rangs du public, puis emporte la troupe à l'intérieur du salon.
Les Journalistes font insulter le Président!
Tout ceci se fait dans la fusion des corps, la pression de la sécurité du politique qui protège, et celui du visiteur qui lui aussi veut s'approcher et invective, pousse, s'agace. Nous nous faisons copieusement insulter. C'est à chaque fois la même chose : «Oh mais putain les journalistes!! Vous emmerdez le mondeeeuu!»
L'espace est saturé. Je me retrouve dans la foule. Je ne vois rien, le politique ne voit rien. Il se retrouve sur un stand.
Ici, l'ambiance est étrange. Les gens se pressent pour voir ce qui se passe mais semblent, dans le même mouvement, hostiles. «Y'a quoi là? Un ministre?»
Une femme répond «Hé! encore un parasite!»
Hollande commence à avoir la tête des mauvais jours. Il regarde, un peu anxieux, les centaines de visages qui s'offrent à lui. La sécurité qui a bien senti le malaise resserre la bulle. Lorsque j'arrive à approcher, je le vois qui passe difficilement une main par-dessus l'épaule d'un garde du corps pour la tendre vers le public. Régulièrement des cris fusent. Une femme se tient sur le bord avec ses enfants : «Ils veulent serrer la main du président». La sécurité chargée d'éviter les accidents lui fait comprendre que c'est dangereux pour eux d'être là au milieu de la foule. Celle-ci s'emporte et traite tout à coup le président qu'elle voulait voir la seconde précédente, de «dictateur!».
En se tenant aux abords on entend les réflexions du public :
«Y'a qui là... Adriana Karembeu? Ah ah aha.»
«Tu le vois? ben non...»
«En fait il est aussi petit que Sarko hein?...»
«Ben ouais»
«Les journalistes c'est comme les brebis.»
«Avec De Gaulle c'était mieux.»
Nous arrivons dans la hall des bovins. Le parcours n'est pas balisé et nous débarquons là au milieu des bêtes et des agriculteurs.
Certains de mes confrères ne respectent rien et passent derrière les animaux. Cela provoque la colère des exposants qui commencent à siffler copieusement le passage du président. Je pense qu'ils sifflent le groupe dans son ensemble. Mais l'instant grégaire transforme un premier sifflet de contestation en un sifflet de top départ d’insultes et de cris. La sécurité est en tension maximale. «Mais ce type il a jamais trait une vache!!» «Dégage!!» «Et les promesses François!!» «Oouuuuuuh ouuuuuh!!»
La foule s'emporte, cela fuse de partout!
Le politique continue tant bien que mal sa visite, s'attachant à écouter ceux qui veulent bien lui parler.
Hollande ne voit plus rien. Hollande entend trop les cris, les sifflets. Il marque le coup sous les quolibets et les insultes. François Hollande et Stéphane Le Foll se tiennent encore plus droit. Ils serrent les lèvres. Ils entrelacent les doigts, cherchent du regard un interlocuteur qui les ferait passer à autre chose. Nous débarquons, sans vraiment le vouloir, sur le ring de présentation des bêtes. Là, les cris se font encore plus fort. Les responsables de la visite continuent malgré tout le programme établi.
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, sort discuter avec un agriculteur qui l'invective.
Un homme lance au président «Il faut s'occuper de nos retraites François!!»
Le Président marque un temps d'arrêt et tourne son visage vers l'arrière. Il regarde l'homme et lui répond «Oui, oui..c'est ce qu'on fait» Il accompagne sa phrase d'un mouvement de bras qui est un mouvement de dépit.
Le départ du cortège présidentiel redonne du calme au hall agricole.
Hollande respire, se rejoue la scène. Il joue avec ses mains, les triture. Il regarde en bas, sur les côtés. Il réfléchit. Il analyse ces heures passées à se faire insulter.
Un instant, il regarde en l'air en se remontant la cravate. Elle maintient le corps qui, malgré la bulle, a pris des coups....
http://www.arretsurimages.net/breves/2013-10-03/Hollande-la-bulle-et-le-photographe-id16164
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