Canard bâillonné?
Le gouvernement japonais a protesté jeudi contre deux dessins humoristiques publiés mercredi dans l’hebdomadaire français « Le Canard Enchaîné » à propos de l’octroi des Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo malgré la catastrophe atomique de Fukushima.
« Ce genre de caricatures blesse les sinistrés de la catastrophe du 11 mars 2011 et véhicule des informations fausses sur le problème de l’eau radioactive à la centrale Fukushima Daiichi. C’est extrêmement regrettable », a réagi le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, lors d’un point de presse. « Nous avons l’intention d’adresser un message de protestation au “Canard Enchaîné” via l’ambassade du Japon à Paris », a-t-il ajouté.
Et à Fukushima, les Shadoks pompaient, pompaient…
les shadoks de fukushimaPlus de deux ans après la catastrophe, la centrale dévastée continue de chauffer et fuit de partout. les techniciens japonais arrosent d’un côté et pompent de l’autre. Il y en a pour des années.
Toujours chauds bouillants, les cœurs des trois réacteurs sinistrés continuent de menacer : si on ne les refroidit pas en permanence, leurs combustibles se remettront à chauffer dangereusement. Et dégageront des gaz radioactifs. Seule solution : l’arrosage. Tepco, l’exploitant japonais, y déverse donc sans désemparer 350 tonnes de flotte par jour.
Mais, tout en arrosant, il faut pomper. car l’eau d’arrosage se retrouve contaminée par le simple contact avec le cœur du réacteur. Les combustibles nucléaires ne sont en effet plus protégés par les gaines métalliques (qui ont en partie fondu). Cette eau radioactive s’écoule dans les sous-sols des bâtiments dévastés par le séisme, le tsunami et les explosions.
Décontamination piège à cons
Pour éviter qu’elle ne s’écoule dan l’Océan Pacifique, Tepco tente d’en récupérer une partie. Et pompe nuit et jour. On arrose, on pompe. On pompe, on arrose. Le premier qui rigole est de corvée de pompage. Ou D’arrosage. Mais où mettre toute cette eau empoisonnée ? Idée géniale : il suffit de la décontaminer et de la réinjecter en circuit fermé, et hop ! Le tour est joué !
Voir : pour la décontaminer, ce n’est pas de la tarte. Areva s’y est essayé. Avec leur comparse Véolia, les nucléocrates français ont monté en urgence une station de traitement des eaux, laquelle, se vantaient-ils en juillet 2011, quatre mois après le tsunami, "divise par un facteur 10 000 le niveau de radioactivité". Génial, mais… "Elle n’a fonctionné que trois mois, de façon très chaotique, raconta david Boilley, physicien nucléaire et président de l’Acro, et elle ne permettait d’enlever que le sel et le césium Alors que l’eau contaminée contient plus d’une soixantaine de radioéléments."
La société Toshiba a pris le relais. Mais ses deux stations de traitement ne semblent guère plus performantes. Quand elles fonctionnent, elles concentrent les particules radioactives extraites de l’eau dans les résines ainsi transformées en déchets ultra-dangereux dont on ne sait que faire. En attendant, surtout ne pas arrêter de pomper. Jusqu’en 2020, date à laquelle Tepco espère accéder aux cœurs fondus. Le démantèlement total doit durer, si tout va bien, encore quarante ans…
Mais en vérité, pomper comme les regrettés Shadoks ne suffit pas. Une partie de l’eau froide balancée sur le cœur encore palpitant s’échappe par les fissures provoquées au moment de la catastrophe. et cette eau contamine la nappe phréatique située sous la centrale. Cette nappe, elle même alimentée par la bonne eau descendue des montagnes, est aussitôt contaminée, avant de se jeter dans l’Océan. Tout récemment, Tepco a repéré un passage d’eau claire qui emprunte une galerie creusée sous la centrale En tout, 400 m3 par jour…
shadoks-3 La solution ? Pomper, bien sûr ! mais que faire de toute cette flotte ? Si la station de Toshiba réussit à retraiter 350 tonnes par jour, qui sont réinjectées dans les réacteurs, Tepco ne sait que faire des 400 autres. En attendant mieux, on stocke. On pompe, et on stocke dans des cuves géantes qu’il a fallu construire sur place, à la va-vite, à partir de plaques d’acier à assembler, à boulonner, etc. Il en existe déjà pas moins de 1 060 qui contiennent plus de 330 000 tonnes d’eau radioactive. Mais ça ne suffit pas…
Histoire de cuves
Il faut ajouter une nouvelle cuve de stockage tous les deux jours. Ce qui coûte cher. Or, Tepco, en quasi-faillite, a installé à toute allure ces cuves bon marché et mégote sur la surveillance. Ces cuves sont de vraies passoires. Nombre d’entre elles fuient. Tepco s’en est rendu compte par hasard. En juillet les dosimètres de plusieurs salariés, qui avaient eu la mauvaise idée de traîner dans les parages, ont grimpé vertigineusement : c’était dû à la première fuite. Peu après, sur une autre cuve, une autre fuite a été détectée : 1 800 millisieverts/heure, de quoi passer l’arme à gauche pour qui resterait ne serait-ce qu’une heure à proximité !
Pour tenter de bloquer les divers écoulements qui finissent dans l’Océan,un géant nippon du BTP vient de sortir une idée de son chapeau : isoler les réacteurs en les entourant d’un mur souterrain rectangulaire de 1,4 kilomètre de longueur. Il faudrait enfoncer jusqu’à 30 mètres de profondeur des tuyaux dans lesquels on ferait circuler un liquide réfrigérant à moins 40°C, ce qui gèlerait le sol et permettrait de contenir dans cette enceinte les eaux contaminées. Trois ans de travaux. Sans garantie de résultats. Fort de ses succès, passés et à venir, le gouvernement japonais compte bien relancer le nucléaire le plus vite possible En tout cas, avant les Jeux Olympiques de 2020. Et en grande pompe…
Le Canard Enchaîné du 11/09/13
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