"Pour une fois, il y a eu des ouvriers présents au conseil national du PS", glisse un membre de la direction ce samedi matin après l'irruption pendant la réunion des socialistes au centre des congrès de la Villette à Paris, d'une délégation de manifestants de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Il est un peu plus de 11 heures. Jean-Marc Ayrault vient à peine de terminer son intervention devant le parlement socialiste. Le chef du gouvernement a notamment rappelé qu'il ne sera "pas le premier ministre d'un tournant de l'austérité", et défendu son "nouveau modèle social français pour faire face à la crise". Peu après son discours, des cris se font entendre dans les sous-sols du centre des congrès. Beaucoup imaginent alors que des opposants au mariage pour tous sont venus perturber la réunion socialiste.
Mauvaise pioche, c'est une cinquantaine de grévistes de PSA qui débordent le service d'ordre et envahissent la scène. Jean-Marc Ayrault a été préventivement exfiltré. Le ministre de l'économie, lui aussi présent, s'échappe en catimini. Pierre Moscovici reviendra tout aussi discrètement quelques minutes plus tard quand la situation se sera calmée.
"Le changement c'est maintenant !", scandent les manifestants. Dans la panique, Harlem Désir, le premier secrétaire du PS, décide de leur donner la parole et annonce qu'il les recevra en privé dans la foulée. Jean-Pierre Mercier, leader CGT de PSA, prend le micro : "Nous sommes les salariés de PSA Aulnay en grève depuis treize semaines, en lutte depuis vingt et un mois", lance-t-il. "On défend notre peau, nos familles, nos emplois, notre combat est juste ! On est venu vous interpeller", ajoute-t-il.
Quelques applaudissements de militants socialistes fusent dans l'amphithéâtre. Jean-Pierre Mercier réclame la nomination d'un médiateur qui "a toujours été refusée par le ministère du travail". "Avec Cahuzac, vous avez eu le sentiment de vous faire trahir. A PSA, nous savons ce que c'est. Nous aussi partageons ce sentiment de trahison parce que le gouvernement n'est pas intervenu", assène-t-il.
Au premier rang de la salle, le ministre Benoît Hamon applaudit. "C'est une interpellation forte, réagit le ministre de l'économie sociale et solidaire qui a récemment critiqué la politique de rigueur. La responsabilité de la gauche est d'empêcher la casse sociale", affirme M. Hamon.
Pour les tenants d'une autre ligne économique, comme les figures de l'aile gauche du parti, "cette irruption du réel nous rappelle de ne jamais oublier notre base sociale", estime son leader Emmanuel Maurel. "Rendons-nous compte à quel point les salariés et les Français sont en colère", ajoute la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann, qui dit "l'extrême urgence" de voter "la loi contre les licenciements boursiers et celle sur la reprise des sites viables".
Le conseil national du PS, programmé aux lendemains de l'affaire Cahuzac, devait être un rendez-vous de mobilisation pour la moralisation et la transparence de la vie politique. L'action ce matin des ouvriers de PSA, premier recul notable du quinquennat de François Hollande, a rappelé les socialistes à leur bilan économique et social.
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