source : sudouest.fr
Affaire Cahuzac : les révélations d'un banquier repenti
des personnalités politiques françaises de droite et de gauche et de grands capitaines d'industrie désireux de tromper le fisc
Reste désormais à démontrer la réalité de ce fameux compte dont Jérôme Cahuzac nie farouchement avoir été le détenteur. Ouvert à Genève, il aurait été transféré en 2010 à Singapour, selon le site d'information en ligne Mediapart, dont les révélations sont à l'origine de l'affaire. Pour l'instant, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale n'a pu apporter la preuve irréfutable de son existence, même si elle a recueilli une déposition selon laquelle les sommes versées sur ce compte proviendraient de laboratoires pharmaceutiques.
Les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, auxquels a été confiée l'information judiciaire, vont cependant pouvoir s'appuyer sur une contribution susceptible de se révéler déterminante. Celle d'un banquier suisse d'une quarantaine d'années, professionnel de la gestion de fortunes. Les policiers lui ont fait écouter le fameux enregistrement. Il pense avoir reconnu l'homme avec lequel parle Jérôme Cahuzac.
« Il y a des intonations de voix, des tournures de phrase qui me semblent être celles d'Hervé Dreyfus. Je n'en suis pas sûr à 100 %, mais cela me semble probable. Or, si effectivement c'est lui, cela crée un immense faisceau de présomptions de culpabilité étant donné ce qu'était la fonction d'Hervé Dreyfus auprès du groupe financier suisse Reyl », explique le financier genevois dans une interview accordée à Antoine Peillon, grand reporter au quotidien « La Croix » et auteur l'an dernier d'une enquête fouillée sur les mécanismes d'évasion fiscale employés en France par UBS (1).
Un système bien huilé
Selon Mediapart, Hervé Dreyfus, ancien cadre du Crédit commercial de France reconverti dans la gestion de fortunes, aurait noué des relations avec Jérôme Cahuzac dans les années 1990. Il aurait été son conseiller financier à l'époque où ce chirurgien de formation menait une lucrative activité de conseil auprès de firmes pharmaceutiques tout en dirigeant, avec son épouse, dermatologue, une clinique d'implants capillaires dans les beaux quartiers de la capitale.
Dans le petit monde de la finance genevoise, le nom d'Hervé Dreyfus est associé à celui de son demi-frère, Dominique Reyl. Ce dernier a géré pendant plus de vingt ans une société d'actifs financiers. Le banquier, qui s'est confié aux policiers, leur a expliqué qu'Hervé Dreyfus rabattait en Suisse, au profit de Reyl, des capitaux français. Il s'est surtout longuement appesanti sur le système mis en place, qui permettait de dissimuler l'identité des apporteurs de fonds.
Pendant des années, Reyl, qui n'était pas encore une banque, a ouvert à son nom dans divers établissements comme UBS des comptes dits « masters ». Ils permettaient de gérer sous une seule identité plusieurs sous-comptes. Dans les livres d'UBS, les patronymes des véritables détenteurs de capitaux n'apparaissaient jamais. Seul celui de Reyl y figurait.
« Le banquier genevois qui se propose d'aider la justice assure que Reyl a eu pour clients des personnalités politiques françaises de droite et de gauche et de grands capitaines d'industrie désireux de tromper le fisc, explique Antoine Peillon. Je sais qu'il a éclairé la police judiciaire sur des procédures techniques dont elle ne pouvait pas connaître l'existence. »
Voyage à Singapour
Il appartient désormais aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire d'explorer ces tuyauteries, avec le concours des autorités helvétiques. Pour peu qu'elles veuillent bien collaborer à des investigations susceptibles de jeter le discrédit sur un système bien trop accueillant pour les fraudeurs fiscaux. Les magistrats ne feront pas non plus l'économie d'un voyage à Singapour. À partir de 2008, les dirigeants des banques et des compagnies suisses, tétanisés par la remise en cause du secret bancaire, ont en effet ouvert des filiales dans ce paradis fiscal asiatique. Ce qui est allé de pair avec la création d'une couche supplémentaire de sociétés-écrans et de rideaux de fumée - toujours dans le même but : qu'il ne soit pas possible d'identifier le détenteur des fonds.
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http://www.sudouest.fr/2013/03/26/le-banquier-repenti-a-les-cles-1005534-7.php
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