Quand les socialistes trouvaient le Pacte budgétaire "non-nécessaire", "déséquilibré" et "antidémocratique"
Mardi 21 février 2012: les députés de l'Assemblée nationale se réunissent pour débattre et ratifier le Traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES).
L'opinion publique est tendue et le Parti socialiste cherche à justifier tant bien que mal sa non-opposition au MES.
S'il trouve le mécanisme peu satisfaisant, il refuse cependant de s'y opposer. Selon Jean-Marc Ayrault, alors chef de l'opposition, "Voter non donnerait le sentiment que nous refusons la solidarité".
L'opposition choisit alors l'abstention, justifiée par un accord de principe mais une critique soutenue des insuffisances du mécanisme (une structure intergouvernementale, un mécanisme trop "tardif", trop "insuffisant", etc).
De plus, profitant du lien, certes sans "valeur juridique contraignante" avec le futur traité européen (TSCG), le Parti socialiste relaie l'engagement du candidat socialiste de renégocier le Pacte budgétaire.
En effet, les parlementaires de gauche trouvent alors inacceptable que l'octroi des prêts par le MES soit conditionné par la mise en œuvre future d'un Pacte qu'ils qualifient [devant la presse seulement] d'austéritaire.
En réalité, les critiques du Pacte budgétaire portent sur d'autres aspects.
C'est sans doute l'intervention de Madame Élisabeth Guigou qui résume le mieux la critique socialiste.
Quatre raisons, dit-elle, justifient cette position : "ce projet de traité intergouvernemental ne répond pas à l’urgence, il n’est pas nécessaire, il est déséquilibré et il est antidémocratique."
Elle rappelle aussi que ce Pacte budgétaire n'est pas nécessaire puisque le respect de la discipline sur les déficits et la dette, qualifié d' "indispensable", est déjà prévu dans les traités européens.
"Je ne cesserai de le répéter : si les États européens avaient respecté les traités déjà existants, si la Commission européenne avait joué son rôle, si on avait agi plus tôt et plus fort, nous n’en serions pas là aujourd’hui."
Enfin, elle regrette que ce texte souffre d'un "déficit démocratique, les Parlements nationaux n'ayant pas été associé à sa négociation "alors que les questions budgétaires sont au cœur de leur compétence": "Ce n’est pas acceptable". (C'est exactement la même logique qui est retenue par le Front de gauche pour justifier l'inconstitutionnalité du Traité, dans ce qui sera son exécution, mais qui pourtant, n'est pas suivie par les socialistes...).
Afin de rééquilibrer le texte, elle rappelle que les socialistes souhaitent "le renégocier pour le compléter".
La droite et le centre, conscients eux-aussi des insuffisances du Mécanisme européen de stabilité, enjoignent cependant le Parti socialiste a faire preuve de responsabilité.
Ces textes (le MES et le Pacte budgétaire) sont le fruit d'un compromis difficile entre l'ensemble des Etats européens, il est irresponsable de ne pas afficher une volonté commune d'avancer vers une meilleure gouvernance européenne.
Aout 2012: François Hollande, devenu Président de la République, enjoint les parlementaires socialistes à ratifier un Pacte budgétaire « non-nécessaire » « déséquilibré » et « anti-démocratique ».
Moins de six mois auront suffit aux socialistes pour retourner leur veste à propos du Pacte budgétaire.
Et pourtant, pas une seule virgule du Traité a été modifiée. Seul un « Pacte de croissance », constitué en grande partie de mesures négociées depuis des mois par l'ancien Président de la République, permet à la nouvelle majorité de ne pas perdre la face.
En réalité, il paraît difficile de faire croire à un réel rééquilibrage de la politique économique européenne.
Pourquoi donc, face à un Traité insatisfaisant du point de vue socialiste, la nouvelle majorité ne retient pas la même consigne de vote que celle retenue pour le Traité MES?
N'est-ce pas l'actuel Premier Ministre, ancien chef de l'opposition, qui déclarait ceci ?
« Voter non donnerait le sentiment que nous refusons la solidarité. Voter oui à ce que vous vous apprêtez à faire donnerait le sentiment de la résignation, le sentiment que rien ne peut changer. Nous défendons donc l’abstention pour signifier que nous pouvons changer les choses, que nous n’acceptons pas la fatalité et que nous voulons dire au peuple français, que les citoyens peuvent donner mandat au futur Président de la République pour que l’Europe ne soit pas celle de l’austérité et du déclin, mais une Europe forte, qui protège, une Europe de la solidarité, de la croissance et du progrès social. »
Il semble qu'aujourd'hui l'abstention n'ait plus la faveur du Parti socialiste: il faut désormais démontrer aux partenaires européens et aux marchés financiers une volonté commune d'avancer vers une meilleure gouvernance européenne...
Ca ne vous rappelle rien?
Ainsi, si « voter oui » était en février synonyme de résignation, le même acte est désormais synonyme d'une ambition de croissance portée par le Président socialiste.
Je vous laisse le soin de choisir à quel moment le Parti socialiste était cohérent, à condition qu'il l'ait été un jour.
"Au lieu de le fragiliser, consolidons ce cadre d’action. Ce que nous avons défini n’est qu’un point de départ et non un point d’arrivée."
François Fillon, 8 mars 2012
"Cette ratification doit conduire à une nouvelle étape avec nos partenaires européens."
Jean-Marc Ayrault, 2 septembre 2012
http://contrelacour.over-blog.fr/article-quand-les-socialistes-trouvaient-le-pacte-budgetaire-non-necessaire-desequilibre-et-antidemocr-109675772.html
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