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« Il est important de saisir l’occasion de réformer en profondeur, afin que le monde puisse aborder le 21èmesiècle avec un système financier mondial plus équitable et plus stable, capable d’inaugurer une époque plus prospère pour tous les pays ». La commission ne se contente pas des mots, mais, outre un constat robuste, elle fait de nombreuses propositions très intéressantes tout au long du rapport.
Les principes de la réforme
Les auteurs proposent huit principes fondamentaux : « rétablir l’équilibre entre le marché et l’Etat (par opposition à une déréglementation excessive), accroître la transparence et la responsabilité, agir à court terme en cohérence avec les visions long terme, évaluer les effets de répartition de la richesse, éviter d’aggraver les asymétries et les déséquilibres mondiaux, mieux répartir le risque, gérer les problèmes d’irréversibilité (éviter les gros chocs) et assurer une diversité intellectuelle ».
Avant le chapitre financier, les rapporteurs appellent à « renforcer la protection sociale », outil de justice sociale, mais aussi de stabilisation économique, et à veiller à ne pas favoriser les grandes entreprises au détriment des PME. Ils souhaitent que les décisions des banques centrales soient ratifiées par le Parlement, dans un but de transparence et de responsabilité car leurs «opérations ont des conséquences budgétaires qui doivent être supervisées de la même façon que celles du Trésor ».
Pour stopper l’accumulation de réserves, il soutient qu’il « faut pour les pays en voie de développement des sources de financement qui puissent être vite activées en n’imposant pas de conditions inappropriées », comme le fait l’initiative de Chiang Mai à l’échelle asiatique depuis 2000. Le rapport appelle également à « mobiliser les fonds disponibles dans les pays qui ont accumulé de grosses réserves » et évoque logiquement la piste des DTS. Il note aussi qu’il « semblait admissible que les actifs d’un pays appartiennent à un Etat étranger (via les fonds souverains), mais pas à l’Etat du pays lui-même ».
Pour eux « les coûts supplémentaires d’une meilleure réglementation ne sont rien à côté de ceux qu’a imposés à la société la non-réglementation. (…) On n’a guère de preuve que les inventions du secteur financier ces dernières années aient amélioré le comportement global de l’économie, même si elles ont évidemment accru les profits du secteur. Une large part de son effort d’innovation avait pour but de contourner des réglementations, des lois fiscales et des normes comptables ».
Les propositions de réforme de la finance
La Commission est favorable à la comptabilité mark-to-market(qui valorise le bilan au cours du jour, ce qui implique un effet pro-cyclique puisque sa valeur baisse en cas de crise et inversement), qui a le mérité de la transparence, mais juge qu’il faut en contrebalancer les effets négatifs par « des règles contracycliques d’adéquation des fonds propres et des provisions ». Elle évoque également un « mark-to-funding » fonction du mode de financement (court ou long terme).
La Commission propose d’imposer la transparence pour les transactions de gré à gré. Dans une logique proche du 100% monnaie, elle avance que « les régulateurs et les banques centrales pourraient convenir ensemble d’un taux d’expansion annuel du crédit bancaire et d’une fourchette autour de ce taux », et parle de « service public » pour la partie « dépôt » des banques en évoquant des réglementations différentes (voir une séparation) pour le dépôt, les prêts, et les banques d’affaire.
Assez logiquement, le rapport propose une réduction de l’effet de levier. Il critique la titrisation qui complique grandement les restructurations de dettes et propose que les CDS suivent la réglementation des produits d’assurance. Il reprend l’idée chinoise d’une gestion active de l’immobilier en variabilisant l’apport initial. Il propose également d’imposer des mensualités de remboursement plus élevées pour le crédit à la consommation pendant les phases de croissance. Enfin, il évoque le développement d’un secteur public bancaire, coexistant avec le secteur privé.
Le rapport propose d’inscrire l’ensemble des stock-options au passif du bilan des entreprises pour en modérer l’usage, un renforcement des mesures anti-trust et une « divulgation, au moins auprès du régulateur, des positions des banques d’affaires pour repérer les conflits d’intérêts potentiels » (« les points de vue des analystes d’une banque d’affaires (…) peuvent être influencés par les positions que détiennent leur banque ») et renforcer la responsabilité financière des acteurs.
Il propose de « morceler les grandes institutions financières et limiter leur taille pour qu’elles ne soient pas trop grandes pour faire faillite » ou qu’elles paient « des primes plus élevées pour la garantie des dépôts ». Il soutient une réforme du droit des faillites en permettant de « convertir en actionnaires les détenteurs de créances à long terme ». Il critique les plans d’aide inconditionnels aux banques, comme en France, (« un gros transfert de richesse des simples citoyens vers des personnes bien plus aisées ») et propose à la place des garanties limitées pour les nouveaux prêts. Pour les rapporteurs, la responsabilité doit être celle du pays d’accueil et non d’origine, tirant les leçons du cas islandais.
Il propose la « tolérance zéro à l’égard des centres financiers qui assurent le secret bancaire et facilitent l’évasion fiscale », tout en soulignant que les grands pays ne sont pas exempts de tout reproche, comme les Etats du Delaware et du Nevada aux Etats-Unis, ou même Londres. Naturellement, il pointe les cas du Luxembourg et de l’Irlande, adeptes de la « concurrence fiscale » et propose la « mise en quarantaine des centres voyous, isolés du système financier international ».
Il met en avant le rôle des institutions de réglementation qui tendent à « être capturées par les intérêts et les points de vue des réglementés » et suggère de « donner voix au chapitre aux usagers de la finance – les PME, les retraités, les consommateurs et peut-être d’autres partis intéressées ». Il propose deux autorités de régulation pour le système financier, la banque centrale, sur les questions macros et une Autorité de Réglementation Financière, pour les enjeux micros.
Un nouveau Système Monétaire International
Enfin, le rapport propose une réorganisation du système financier internationale, inspirée des propositions de Keynes à Bretton Woods, autour d’une monnaie de réserve internationale pour mettre fin au privilège du dollar, qui créé beaucoup d’instabilité, en plaçant les Etats-Unis en position de « pays déficitaire de dernier ressort » et qui a abouti à un système paradoxal où les pays en voie de développement financent les pays développés qui ont un déficit extérieur, alors que cela devrait être le contraire.
Le rapport propose donc la cration d’une monnaie de réserve mondiale, dans un système où les quotes-parts des pays seraient payées dans la monnaie nationale de chaque participant, contrairement à aujourd’hui. Il propose que le FMI en soit chargé, puisqu’il gère déjà les DTS, qui pourraient servir de base au système. L’idée serait de promouvoir cette monnaie comme instrument de réserve en offrant une rémunération intéressante pour les détenteurs, notamment les banques centrales.
Les allocations pourraient être fonction des soldes commerciaux, pour dissuader les gros excédents. Il propose que le volume des émissions annuelles soit « déterminé de façon à compenser l’augmentation des réserves » et envisage un ajustement des émissions de façon contracyclique où elles seraient « plus importantes quand la croissance mondiale se trouve au-dessous de son potentiel ». Le rapport envisage des montants compris au minimum entre 150 et 300 milliards de dollars par an.
Le rapport envisage un groupe de pays pionniers qui pourraient mettre en commun leurs réserves dans un tel système, qui attirerait progressivement d’autres pays, y compris les Etats-Unis. Difficile de ne pas imaginer que ce premier groupe pourrait être européen... Enfin, il propose de mettre en place des bons liés à la croissance du PIB ou à la valeur de la matière première exportée du pays débiteur pour ajuster la charge des emprunts à la conjoncture, un vrai plus pour les pays en voie de développement.
C’est tout l’intérêt de ce rapport que d’être extrêmement riche en propositions pour réorganiser le monde de la finance. En cela, il est source indispensable d’inspiration pour réfléchir à ces questions, qui complètera mes analyses précédentes. Demain, je reviendrai sur ses analyses des politiques d’austérité.
Blog gaulliste libre: Le rapport Stiglitz propose un nouveau Bretton Woods
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