mardi 1 septembre 2020

Insécurité : la liberté demande la tolérance zéro

Par Alain Laurent. Il ne se passe désormais plus de jours sans que les médias ne rapportent des cas d’agressions gratuites, souvent pour un « rien » mais caractérisées par le déchaînement d’une brutalité primitive inouïe, individuelle ou collective, totalement disproportionnée au regard de sa cause apparente. Chauffeurs de bus, pompiers, secouristes ou médecins, soignants des urgences, arbitres sportifs, infirmières ou employés de laboratoires médicaux, vigiles, et de plus en plus de maires (déjà 233 en 2020) : ils sont de plus en plus nombreux à être victimes de violences… « non-policières », de féroces passages à tabac ou quasi-lynchages publics s’achevant parfois par leur mise à mort. À quoi s’ajoutent des attaques de passagers de RER au mortier de feu d’artifice, des incendies d’écoles maternelles, des chauffards meurtriers qui prennent la fuite ou les Champs-Élysées mis à sac… «�Incivilités Â» : sous l’euphémisation, un déni de réalité C’est à n’y pas croire. Pour qualifier cette multiplication de sauvageries, nombre de commentateurs, de pseudo-sociologues et Macron lui-même n’ont trouvé d’autre mot que « incivilités Â». Incivilité ? Ce terme renvoie lexicalement au manquement envers des règles élémentaires de savoir-vivre ensemble, de civilité, comme des rodéos en pleine ville, des dégradations de matériel urbain ou de propriétés privées, du tapage nocturne, des altercations avec insultes et menaces, des déchets ou actuellement des masques jetés n’importe où… Donc des nuisances qui pourrissent la vie courante mais sans rapport avec les exactions criminelles évoquées plus haut. Caractériser celles-ci comme de simples incivilités, c’est se payer de mots et se moquer du monde. Il s’agit là d’euphémisations désormais fréquentes qui tendent à minorer ou même à occulter la gravité des délits commis. Dans la même veine, qui ose faire état d’une accélération de l’ « ensauvagement » (Thérèse Delpech) de la société française ou d’un déni de réalité est accusé de « paranoïa sécuritaire » d’extrême droite tandis que le « sentiment d’insécurité » des citoyens est rabaissé à l’état de « fantasme » délirant. Cette manipulation se double d’un contre-récit gauchisant où, loin de nier les faits, on en disculpe les auteurs au nom d’une idéologie de l’excuse sociale qui métamorphose les auteurs des violences en malheureuses victimes, forcément irresponsables, d’un ordre économique injuste. Au vague et banal « C’est la faute à la société » d’antan se substitue désormais un narratif plus ciblé : c’est bien sûr la faute à la société libérale et soi-disant raciste, au néolibéralisme, au maudit capitalisme mondialisé. Ce qui revient à faire des délinquants et criminels les détenteurs d’un nouveau droit humain : pouvoir violenter les autres et avoir de bonnes raisons d’agir ainsi sans avoir le moins du monde à en subir de fâcheuses conséquences ni en payer le prix. Une sorte de droit à l’impunité. Impunité : la forfaiture de la justice pénale En réalité, la cause de cette croissance exponentielle des violences en tous genres se situe dans la volonté assumée d’une justice pénale « bisounours Â» de ne pas vraiment punir leurs auteurs, ce qui ne peut que les inciter à passer à l’acte ou récidiver, sûrs qu’ils sont de ne pas risquer grand-chose de grave. En première ligne, les maires sont furieux de constater que leurs agresseurs n’écopent que de dérisoires « rappels à la loi » ou bienveillantes « mesures éducatives ». Les pillards et saccageurs des Champs-Élysées sont relaxés ou condamnés à des peines avec sursis, ou non exécutoires puisque inférieures à un an si elles sont fermes. Mises sous contrôle judiciaire et bracelets électroniques n’ont pas empêché des féminicides d’être perpétrés. De manière plus générale, quand il s’agit de délits plus graves, la règle est désormais l’aménagement par réduction automatique de peine et la libération des détenus à mi-peine. De sorte que lorsque dans les médias on avance qu’un « présumé encourt jusqu’à… », cela provoque une rigolade générale : l’intéressé n’a pas à s’inquiéter, puisque trop de magistrats interprètent systématiquement a minima des lois déjà peu sévères. S’il en va ainsi, c’est que la justice pénale se trouve sous l’emprise idéologique d’un progressisme angéliste et aveugle aux exigences des citoyens ordinaires demandeurs de paix publique et de vraies sanctions. Ce qui n’a rien de nouveau et concerne toute l’aire occidentale : en 1994, aux USA, deux disciples d’Ayn Rand, Robert Bidinotto et David Kelley, dénonçaient déjà explicitement la forfaiture du pouvoir politique dans leur Criminal Justice : The Legal System Against Individual Responsibility et pointaient la naissance de la culture de l’excuse, l’excuse-making industry. Car au-delà de magistrats idéologiquement corrompus et militants, c’est aussi la responsabilité du législateur (les majorités parlementaires et le gouvernement) qui est en cause. Qui d’autre, en effet, a promu ou en tous cas cautionné ces inepties que sont les prisons ouvertes, le refus de construire des prisons supplémentaires et décentes, et une justice restauratrice où les victimes sont pressées de se réconcilier avec leurs agresseurs et leur pardonner ? Et donc une justice pénale tout sauf dissuasive mais pousse-au-crime, qui a substitué un utilitarisme contre-productif au principe de sanctions moralement rétributrices. La mission régalienne de l’État libéral Il faut en finir avec le cliché d’une antinomie et d’une alternative fatales entre liberté et sécurité. Bien comprise, la sécurité est le moyen d’une fin plus haute et primordiale : garantir la liberté individuelle. Car à quoi bon une prospère économie de marché si l’on ne peut paisiblement aller et venir ni librement disposer de ses biens et sa propriété ? L’urgence est de rompre avec la carence irresponsable du pouvoir, donc d’une réforme radicale de la politique pénale à recentrer sur la sécurisation prioritaire de la liberté et le droit de vivre en sûreté. C’est que la régulation des sociétés ouvertes veut que plus heureusement on libéralise en tout, et plus s’impose une tolérance zéro envers toute violation des droits individuels en sanctionnant durement la moindre violence infligée aux personnes et en renforçant le simple respect des « règles de juste conduite » chères à Hayek. Ce pourquoi les plus grands des penseurs libéraux – de Locke à Mises et Rand – ont défendu l’idéal d’un indispensable État limité ou minimal recentré sur ses seules fonctions régaliennes vampirisées par un État social ruineux. Bastiat n’a-t-il pas conclu son fameux article L’État en soutenant que : L’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. 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