samedi 11 juin 2016

Des grèves et des incohérences ultralibérales

Des grèves et des incohérences ultralibérales




Des grèves, de l'intérêt général et de l'égoïsme

En premier lieu, je tiens à préciser que je ne vois pas tout mouvement de grève comme une manifestation d'égoïsme, loin de là. C'est un droit important dans nos démocraties. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une bonne partie des mouvements récents semblent plus que légitimes, entre des agriculteurs soumis aux variations erratiques des marchés et à la concurrence déloyale d'Europe et d'ailleurs, ou chauffeurs de taxis qui affrontent des marchés cherchant à les écraser pour acquérir un monopole par le biais d'Uber. En outre, je suis personnellement totalement opposé à la loi dite travail, qui organiser la déconstruction de notre droit du travail d'une manière assez perfide. Tout ceci peut naturellement justifier des mouvements de grève, mais l'Euro pose la question du moment de ces grèves.

En effet, les ultralibéraux, comme bien d'autres, dénoncent l'égoïsme des grévistes qui profitent de cette manifestation pour mettre la pression sur le gouvernement et essayer d'obtenir des avantages particuliers. En somme, ils attendent des grévistes qu'ils mettent leurs intérêts particuliers derrière les intérêts collectifs qu'aurait notre pays à accueillir une telle compétition dans une situation sociale moins troublée. Mais ce faisant, ils demandent justement aux grévistes de ne pas suivres leurs préceptes. Les ultralibéraux ne sont-ils pas les premiers à expliquer que la somme des égoïsmes produirait de l'intérêt général et qu'il est tout à fait logique et même souhaitable que chacun ne cherche que son propre intérêt, oubliant l'intérêt collectif ? Ainsi, ils reprochent aux grévistes d'agir en ultralibéraux…

Quand on conçoit la société comme une somme d'égoïsmes où il faut laisser faire les rapports de force, à moins qu'il soit trop écrasant (et encore, on entend peu les ultralibéraux sur les abus de position dominante), profiter de l'Euro pour défendre ses intérêts n'est-il pas simplement logique ? 

Un rendez-vous Martinez-El Khomri le 17 juin

Un rendez-vous Martinez-El Khomri le 17 juin

Article assez succinct, remarquez comme je l'avais pressenti, l'euro est un bon moyen de pression, reste à savoir si le gouvernement veut réellement négocier ou si c'est de pure communication à l'égard des Français.

Update 11.06.2016 : Loi travail : les dernières avancées dans les négociations

Philippe Martinez et Myriam El Khomri ensemble le 10 septembre 2015. - AFP 

La ministre du Travail a invité le numéro 1 de la CGT à la veille de l'Euro 2016, qui risque d'être perturbé par la contestation sociale.

Vers une sortie de crise ? Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, engagé dans un bras de fer avec le gouvernement sur le projet de réforme du code du travail, a confirmé jeudi soir que la ministre du Travail Myriam El Khomri l'avait invité à le rencontrer le vendredi 17 juin.

La CGT à la pointe de ce mouvement.

"C'est ce que nous réclamons depuis des mois, il était temps", a déclaré Philippe Martinez. "C'est mieux quand on se parle que quand on s'ignore, ou qu'on ignore la première organisation syndicale de France."

Cette invitation intervient la veille du coup d'envoi de l'Euro de football à Saint-Denis, près de Paris. Une compétition dont le bon déroulement est menacé par la poursuite de grèves dans le secteur des transports ferroviaires, notamment.

 

Source(s) : Les Echos avec Reuters

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Le reporting public pour les multinationales adopté par l'Assemblée nationale

Le reporting public pour les multinationales adopté par l'Assemblée nationale

Allez, même si l'on n'a pas encore les détails, et il faudra que ça soit confirmé, une possible bonne nouvelle pour nos portefeuilles....

Cette mesure contestée du projet de loi Sapin 2 a été adoptée ce jeudi soir au Palais-Bourbon. La droite pourrait s'y opposer lors du passage au Sénat.

Il s'agit d'une des dispositions symboliques de la loi Sapin 2, quelques semaines après le scandale des Panama Papers, l'Assemblée nationale française a voté ce jeudi la mise en place du reporting financier public pour les multinationales. Une directive européenne est pourtant en préparation, mais le gouvernement entend aller plus loin, malgré les oppositions de la droite et les regrets des élus de gauche et des ONG qui jugent cette disposition incomplète.

Ce reporting, adopté dans le cadre du projet de loi Sapin 2, consiste à rendre la publication de données sur l'activité des entreprises (nombre de salariés, chiffre d'affaires, impôts sur les bénéfices, etc.) accessible au grand public. Une transparence accrue qui vise à lutter contre l'optimisation et l'évasion fiscales notamment en permettant le « name and shame » (technique anglo-saxonne qui consiste à « nommer et blâmer »). Le reporting sera applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 750 millions d'euros, comme l'a proposé la Commission européenne début avril. Ce seuil sera abaissé progressivement à 500 millions d'euros puis à 250 millions d'euros respectivement deux ans puis quatre ans après l'entrée en vigueur de ce dispositif. Les dispositions doivent s'appliquer au lendemain de la date d'entrée en vigueur de la directive du Parlement européen et au plus tard au 1er janvier 2018, donc même si la directive n'est pas prête, avec une clause de revoyure en 2020, ont décidé les députés.

Plusieurs oppositions

La disposition, qui avait été ajoutée en commission au projet de loi à l'initiative des rapporteurs, était initialement calquée sur la directive européenne, et ne devait concerner que les pays de l'Union européenne et les paradis fiscaux qui figureront sur une liste, qui reste encore à définir, de la Commission européenne. Les ONG comme CCFD-Terre solidaire, ONE ou Oxfam plaidaient pour que tous les pays soient concernés.

Les députés ont adopté en séance un amendement de Sandrine Mazetier (PS), cosigné par les trois rapporteurs du texte, et le groupe PS, qui va au-delà de la directive en prévoyant « un périmètre monde », selon Mme Mazetier, mais en mettant « un petit filtre qui permet qu'on ne puisse pas totalement identifier la marge d'une de nos entreprises quand elle est seule sur un marché extrêmement spécifique » et qu'elle « n'a pas 25 filiales ». Le reporting concernera ainsi « l'activité des sociétés concernées pour chaque juridiction fiscale lorsqu'un nombre minimal d'entreprises liées est situé sur cette juridiction » fixée par décret, selon l'amendement.

Pas assez « complet »

Le rapporteur Sébastien Denaja (PS), qui a expliqué, comme le ministre des Finances Michel Sapin, qu'il était impossible d'aller plus loin pour des raisons constitutionnelles, a vanté un dispositif « équilibré ». « Pas du tout un reporting complet », ont en revanche déploré plusieurs députés de gauche, à l'instar de la socialiste et ex-ministre Delphine Batho. En bouchant le trou du périmètre monde « pour recreuser le trou des filiales », « vous êtes en train de vous fabriquer un sabre de bois pour partir dans la lutte contre l'évasion fiscale », a lancé le « frondeur » Pascal Cherki. Même sentiment du côté des ONG CCFD-Terre solidaire, ONE, Oxfam France et Peuples solidaires-Action Aid France, qui ont pointé « un reporting public en trompe-l'oeil » et « incomplet ».

« Un seuil ne serait-ce qu'à deux filiales minimum reviendrait par exemple à exclure du reporting de Total 37 pays sur les 98 pays d'implantation du groupe », notent les organisations dans un communiqué.

Désaccord de la droite

À droite, des élus LR sont montés au créneau pour dénoncer, comme Olivier Marleix, « une folie » avec ce « reporting public unilatéral » qui va « livrer toutes les informations stratégiques de nos entreprises à nos concurrents ». « Pourquoi ne pas attendre finalement cette directive ? » s'est de son côté interrogée Véronique Louwagie (LR).

En ce qui concerne le reporting auprès des administrations fiscales (non public), les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros (et non plus 750 millions) seront concernées à compter de 2020, conformément à un autre amendement adopté.

 

Source : Le Point.fr

 

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Euro 2016 : la fête commence, les grèves continuent

Euro 2016 : la fête commence, les grèves continuent

 
Alerte Info 10.06.2016 @ 11h04 : Loi travail : El Khomri prête à recevoir Martinez "dans la minute" (Le Figaro.fr)
 
Photo AFP

Alors que le championnat d’Europe de football commence vendredi 10 juin dans un climat social tendu, marqué notamment par des grèves dans les transports (SNCF, RATP, Air France), le président de la République, François Hollande, a affirmé jeudi 9 juin à Tulle, en Corrèze, que « l’Etat prendra toutes les mesures qui seront nécessaires pour accueillir, pour transporter, pour faire en sorte que les matchs puissent se tenir dans les conditions exigeantes de sécurité ».

Si le chef de l’Etat a refusé d’évoquer le recours possible aux réquisitions – « Pour l’instant, nous n’en sommes pas là » – il a fait « appel à la responsabilité de chacun ». Le premier ministre, Manuel Valls, a aussi prévenu, jeudi soir, qu’il n’excluait « aucune hypothèse » pour acheminer les supporteurs vers Saint-Denis, vendredi, où le Stade de France accueillera le match d’ouverture de la compétition, qui opposera la France à la Roumanie.

Le gouvernement tente de glisser un coin dans le front présenté jusqu’ici par la CGT cheminots et SUD-Rail, à la pointe du conflit contre la réforme du code du travail, et celui d’un nouveau cadre social pour la SNCF. La ministre du travail, Myriam El Khomri, a ainsi offert une porte de sortie au secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, en l’invitant à la rencontrer le 17 juin, trois jours après la journée nationale de mobilisation du 14 contre son projet de loi. Ce dernier a pour sa part déclaré qu’il n’était « pas sûr que bloquer les supporteurs soit la meilleure image que l’on puisse donner de la CGT », ajoutant que la centrale « [souhaitait] que l’Euro 2016 se déroule comme une vraie fête populaire dans les stades comme dans les fan-zones ».

Pour autant, le mouvement « n’est pas terminé », a-t-il pris soin de souligner, en appelant les personnels de nouvelles entreprises à rejoindre la mobilisation et à l’amplifier. De son côté, le ministre des finances, Michel Sapin, a invité, jeudi, les salariés encore mobilisés à mettre fin à leur mouvement, estimant que la grève n’avait désormais « plus aucun sens », faute d’être « compréhensible ».

SNCF : trafic perturbé

A la SNCF, la grève a été reconduite jusqu’à vendredi par les assemblées générales de cheminots en Ile-de-France et dans la plupart des régions, pour la dixième journée d’affilée. Mais ces assemblées ont été moins nombreuses à voter la reconduction, et les scrutins ont été plus serrés. Le trafic devrait connaître une légère amélioration vendredi avec, toujours, un train sur deux sur les lignes Transilien et Intercités et 80 % des TGV, mais avec une amélioration du côté des TER (sept trains sur dix) et du RER.

Les conducteurs SNCF des RER B et D, qui desservent le Stade de France, seront massivement en grève vendredi, selon la CGT-Cheminots et SUD-Rail, mais la SNCF a prévu d’assurer 50 trains pour acheminer les supporteurs. Elle a invité les spectateurs à se rendre « le plus tôt possible » vers l’enceinte sportive, où la France et la Roumanie s’affronteront à l’occasion du match d’ouverture du championnat d’Europe de football.

Pour autant, Philippe Martinez a assuré que son intention n’était pas de gâcher la fête de l’Euro. La CGT devrait y distribuer des tracts en plusieurs langues pour expliquer sa position, a précisé le dirigeant, qui a déclaré ne pas vouloir céder sur la loi travail. Il a cependant redit qu’il laisserait les salariés « décider de la reprise du travail » ou de la poursuite du mouvement. Des paroles jugées « responsables » par Manuel Valls.

Le premier ministre a assuré que le dialogue restait « ouvert », même si le cap est maintenu. « Si demain, on nous dit qu’on suspend le projet de loi et qu’on discute, il n’y a plus de grève », a répété le secrétaire général de la CGT, tandis que des cadres et militants de SUD-Rail se disaient prêts, jeudi, à bloquer la desserte du Stade de France. Manuel Valls a cette fois condamné des « propos tout à fait irresponsables », et a appelé « à la raison ». Mais les mots de SUD-Rail ont été aussitôt nuancés par ses dirigeants : « Bloquer l’accès aux stades n’est pas un mot d’ordre chez nous », a ainsi dit Eric Descamps. « Il n’y a aucune volonté de bloquer l’Euro ou l’acheminement des supporters », a confirmé un autre secrétaire fédéral de SUD-Rail, Eric Meyer.

Bordeaux : grève illimitée dans les transports

A Bordeaux, les transports publics seront perturbés à partir de vendredi, et pour une durée indéfinie, après l’échec, jeudi 9 juin, des négociations entre la direction de la société Kéolis et les syndicats. Le préavis de grève déposé court sur toute la période de la compétition, du 10 juin au 10 juillet. Bordeaux accueillera cinq matchs de l’Euro 2016 de football : Galles-Slovaquie le 11 juin, Autriche-Hongrie le 14 juin, Belgique-Irlande le 18 juin, Croatie-Espagne le 21 juin et un quart de finale le 2 juillet. Quelque 700 000 supporteurs sont attendus pendant toute la compétition.

Déchets : des blocages à Paris et à Marseille

Autre front de la contestation sociale, qui risque d’écorner l’image du pays hôte de l’Euro 2016 : le secteur des déchets. A l’appel de la CGT, le blocage dure dans deux des principaux sites de traitement de l’Ile-de-France et la situation devient critique dans certains arrondissements de la capitale.

Les personnels et agents de la Ville de Paris qui bloquent l’usine de traitement des déchets d’Ivry-sur-Seine ont décidé de reconduire leur grève jusqu’à mardi, journée de manifestation nationale contre la loi travail, a annoncé jeudi la CGT-services publics.

Le mouvement se poursuit aussi à l’incinérateur de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), malgré l’appel du président de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, Jean-Claude Gaudin, à libérer les accès de cet établissement « vital ». En revanche à Saint-Etienne, la collecte et le traitement des ordures reprenaient jeudi et la fan-zone située dans la ville pourra ouvrir comme prévu.

Carburants : trois des cinq raffineries Total touchées

Côté carburants, le mouvement se poursuit dans trois des cinq raffineries françaises du groupe Total mais toutes les stations-service du réseau sont réapprovisionnées. Au Havre (Seine-Maritime), la grève du personnel des terminaux pétroliers, qui perturbe depuis seize jours l’approvisionnement des raffineries et des aéroports parisiens, continue aussi ; une manifestation y a rassemblé, jeudi, 37.000 à 40.000 personnes selon la CGT, et 5500 selon la police.

Aérien : maintien du préavis de grève du 11 au 14 juin

Dans le ciel, pas d’éclaircie en vue. Les syndicats de pilotes d’Air France sont « pessimistes » sur l’issue des négociations avec la direction concernant leur menace de grève du 11 au 14 juin. Ce conflit, lié à des revendications internes, n’est pas sans rappeler l’année 1998 : à l’approche de la Coupe du monde de football, une grève des pilotes avait paralysé la compagnie aérienne pendant dix jours. Un accord y avait mis fin in extremis, le jour de l’ouverture du Mondial. Au premier jour de la grève, samedi, entre 70 % et 80 % des vols moyen et long-courriers seront assurés, a annoncé jeudi le PDG d’Air France, Frédéric Gagey.

Les manifestations se poursuivent

La journée a aussi été marquée par des défilés pour « occuper le terrain » avant la manifestation nationale du 14 juin à l’appel des sept syndicats opposés à la loi travail (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL). L’intersyndicale prévoit également des actions plus tardives en juin : le 23, jour du vote de la loi au Sénat et le 28, jour de remise des résultats de la votation citoyenne.

 

Source : Le Monde.fr

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Michel Onfray : « Nous sommes déjà en guerre civile »

Michel Onfray : « Nous sommes déjà en guerre civile »

Source : Russia Today, Michel Onfray, 02-06-2016

Michel Onfray a reçu RT France dans son domicile de Caen, sa ville de toujours.

Michel Onfray a reçu RT France dans son domicile de Caen, sa ville de toujours.

Le philosophe a reçu RT France pour un entretien : contestation sociale en France, Etat islamique, politique intérieure et extérieure de l'Hexagone… Michel Onfray nous livre une analyse de l’actualité sombre, mais qu'il veut réaliste.

Il a mis fin à sa période de retraite médiatique. Attaqué de toutes parts pour ses prises de positions iconoclastes, Michel Onfray exècre toujours autant le politiquement correct. Cela tombe bien, il nous a ouvert ses portes pour un entretien détonnant. Une France au bord du chaos, un président qui ne pense qu'à se faire réélire, des politiques sans vision, l'avenir dépeint par le philosophe est peu enthousiasmant.

Durant cet entretien, il a longuement été question de l'islam, dont Michel Onfray a traité dans son dernier ouvrage, Penser l'islam. Une occasion d'aborder les positions explosives de celui qui pense qu'il faut «négocier avec Daesh».

Source : Russia Today, Michel Onfray, 02-06-2016

Revue de presse du 11/06/2016

Revue de presse du 11/06/2016

Du beau monde dans la revue avec Onfray, Sapir et Todd sous le thème “Réflexion”. Merci à nos contributeurs. La revue a besoin de renfort pour élargir la couverture des sources, rejoignez nous en postulant via le formulaire contact du blog !

Alain Juillet : “Un service de renseignement doit être neutre”

Alain Juillet : "Un service de renseignement doit être neutre"

Source : Paris Match, Régis Le Sommier, 05/05/2016

Les dirigeants allemand, russe, ukrainien et français – Angela Merkel, Vladimir Poutine, Petro Porochenko et François Hollande – réunis le 2 octobre 2015 à Paris pour trouver une issue au conflit ukrainien. Une crise qui, selon Alain Juillet, pourrait avoir été « montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains ». Reuters

Les dirigeants allemand, russe, ukrainien et français – Angela Merkel, Vladimir Poutine, Petro Porochenko et François Hollande – réunis le 2 octobre 2015 à Paris pour trouver une issue au conflit ukrainien. Une crise qui, selon Alain Juillet, pourrait avoir été « montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains ».
Reuters

Le président de l'Académie de l'intelligence économique, ancien directeur du renseignement à la DGSE, répond aux questions de notre journaliste. Espionnage industriel, écoutes téléphoniques, « Big Four », crise ukrainienne, intervention en Syrie… Tout y passe. Cette interview est parue le hors-série de Paris Match, spécial espionnage. 

Régis Le Sommier – Comment l'âge numérique et son évolution phénoménale affectent-ils le renseignement et l'intelligence économique ? 
Alain Juillet – La guerre économique peut être un formidable moyen de pression et de contrôle pour gagner des positions. Avant, les services récoltaient du renseignement pour faire des guerres militaires ou politiques. Aujourd'hui, l'intelligence économique est une guerre qui utilise les moyens et les techniques du renseignement pour avoir les bonnes informations et gagner des combats. Dans une version plus « habillée », on dira que dans la compétition moderne, les entreprises ont besoin d'être les plus performantes possible, donc, elles ont besoin d'informations. Au-delà de la capacité de l'ingénieur à inventer quelque chose ou du commercial à le vendre, il y a obligation d'avoir recours à de l'intelligence économique appliquée.

Alain Juillet © Mehdi Fedouach/AFP

Alain Juillet
© Mehdi Fedouach/AFP

Sur le fond, il ne faut pas se faire d'illusions. Nous sommes dans un combat économique majeur, au niveau mondial, parce que dans chaque activité où il existe une position de leadership, ceux qui sont en place veulent la conserver par tous les moyens et ceux qui sont en dessous essayent de trouver les solutions pour prendre la main. Vous ne pouvez pas comprendre l'affaire Alstom avec General Electric si vous oubliez qu'Alstom était devenu leader dans les turbines à gaz. L'opération a pris deux ans, deux ans de guerre contre Alstom avec anéantissement de l'adversaire à la fin. Échec et mat. Pour moi, c'est une opération de guerre remarquablement menée. Dans la guerre militaire, on tue ou on blesse. Dans la guerre économique, les morts, ce sont les chômeurs et les sites que l'on ferme. Il y a aussi l'argent qui change de mains. C'est la même chose lorsqu'on fait du pillage de brevets ou qu'on récupère des petites sociétés ou des start-up. On est dans un monde dur dans lequel les gens ne se font pas de cadeaux. Les techniques du renseignement militaire au sens large sont utilisées car ce sont les meilleures. L'avantage concurrentiel est donné à celui qui a le plus de moyens par rapport à l'autre.

Avec l'affaire de San Bernardino aux États-Unis, on a assisté à une partie de bras de fer entre le monde numérique et le gouvernement américain qui voulait forcer Apple à révéler son algorithme pour avoir accès aux données contenue dans l'iPhone d'un terroriste. Qu'en pensez-vous ?
Il existe deux versions de l'affaire. La première prétend que les « Big Four d'Internet », les quatre grandes sociétés qui dominent le secteur [Google, Apple, Amazon, Facebook], ont une telle puissance qu'elles pourront un jour se déclarer planétaires et se libérer des contraintes des États. C'est terrible. Cela peut amener des catastrophes. La seconde, qui commence à se répandre, raconte que dans les grandes sociétés américaines, les dirigeants sont américains d'abord : « Right or wrong, it's my country » (« Juste ou injuste, il s'agit de mon pays »). Ces grandes sociétés ont beaucoup souffert de l'affaire Snowden. Ce dernier a révélé qu'elles n'étaient pas indépendantes et fournissaient toutes leurs informations à la NSA. Soudain, vous en avez un qui dit : « Je ne veux pas passer mes codes. » Il peut s'agir d'une gigantesque manipulation montée par les Américains pour faire croire au monde qu'on peut se fier à leurs entreprises et tout leur donner puisqu'elles ne fournissent pas les codes à l'État. Vous avez aussi le président Obama qui déclare qu'on ne s'occupera plus des informations concernant les dirigeants des pays européens

“Quand Trump dit que la guerre en Irak était une erreur, il brise un tabou chez les Républicains”

Après avoir mis sur écoute Angela Merkel…
Exactement. À qui vont-ils faire croire ça ? Maintenant, quelle est la vraie version ? Les deux sont parfaitement crédibles. C'est bien là le problème.

On dit toujours que la France est en retard, que nos services de renseignement mettent du temps à se réformer. Est-ce la réalité?
À la fin du siècle dernier, nous étions vraiment en retard. Aucun doute là-dessus. Nous avions des chercheurs et des start-up très performants, mais nous n'avions pas compris le niveau auquel étaient arrivés les Américains et les Anglais. Nous étions très loin derrière. Une reprise en main a eu lieu dans les services de renseignement, ce qui fait qu'aujourd'hui, sur le plan technique, nous sommes parmi les cinq meilleurs au monde. J'ai bien dit « sur le plan technique ». Parce que sur le reste, nous n'avons pas terminé notre révolution. Bernard Bajolet a opéré beaucoup de changements à la DGSE. Patrick Calvar également à la DGSI. Quand vous regardez les Américains, les Chinois, les Russes ou les Anglais, vous vous apercevez que nous n'avons pas encore tout intégré.

Le centre opérationnel de l'opération Serval à Gao, au Mali. © Le centre opérationnel de l'opération Serval à Gao, au Mali.

Le centre opérationnel de l'opération Serval à Gao, au Mali.
© Le centre opérationnel de l'opération Serval à Gao, au Mali.

N'est-ce pas dû aux politiques ?
Il reste beaucoup à faire, encore que le politique a fait de gros efforts. Il y a une prise de conscience réelle de l'intérêt des services de renseignement, ce qui ne les a pas empêchés de faire des bêtises énormes. Il est certain que sur la Syrie ou l'Ukraine, les Français se sont trompés. Soit les services ont donné de mauvaises informations, soit ce sont les politiques qui, malgré les informations, ont voulu aller dans un sens qui n'était pas celui de la réalité. Sur la question syrienne, on a ignoré la réalité… À l'époque des conflits en Irak et des quatre journalistes otages en Syrie, nous avions de bonnes relations, non officielles, avec les services syriens. Ces relations nous ont toujours servi. Brutalement, on coupe les ponts. C'est une absurdité totale. À côté de ça, on va se faire manipuler en aidant des gens, prétendument rebelles, alors qu'en réalité il s'agissait d'équipes d'Al-Qaïda poussées par des pays du Golfe. Si on l'a fait, cela veut dire qu'on n'a tenu aucun compte de l'avis des services de renseignement. C'est une faute grave.

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Pour résumer, on en arrive à avoir des décisions politiques qui vont contre les intérêts de notre pays ?
Je pense que oui. Dans l'affaire ukrainienne, c'est flagrant. Pour aller dans le sens des Américains, nous n'avons pas anticipé les conséquences de l'embargo contre la Russie. Cela crée des problèmes chez eux, mais regardez ce qu'il se passe chez nous avec l'agriculture ! Nous lui avons coupé son débouché vers la Russie. Ce n'est pas glorieux. Même aux États-Unis, on commence à dire que cette affaire a été montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains. La montée en puissance de Donald Trump nous montre que les Américains commencent à laver leur linge sale. Quand Trump dit que la guerre en Irak était une erreur, il brise un tabou chez les Républicains, qui avaient enterré l'affaire. Et pour l'Ukraine, c'est pareil… La semaine dernière, deux articles sont sortis qui s'interrogeaient sur ce que les Américains avaient été faire dans cette histoire. La crise en Ukraine a encouragé tous les trafics, tout ça pour une histoire de radars aux frontières voulus par les néoconservateurs.

“Le cyberespace est une nouvelle dimension dans laquelle la guerre technique est une réalité”

On a aussi donné des arguments à Poutine pour jouer le rôle de l'agressé…
Pour revenir sur le renseignement, nous avons une vraie capacité aujourd'hui. Sur le terrain, les Américains reconnaissent que les meilleurs soldats, à part les leurs, sont les français. C'est un progrès. Ils ajoutent cependant que nous sommes en limite de potentiel. Le technique ne suffit pas, il faut le renseignement humain, l'analyse, un plan de renseignement, mais surtout une prise en compte par les politiques de ces mêmes services.

Donald Trump en campagne pour l'investiture républicaine. Le 13 février, revenant sur l'invasion de l'Irak en 2003, il clame : « Ils ont menti, il n'y avait pas d'armes de destruction massive. » © Jim Young/Reuters

Donald Trump en campagne pour l'investiture républicaine. Le 13 février, revenant sur l'invasion de l'Irak en 2003, il clame : « Ils ont menti, il n'y avait pas d'armes de destruction massive. »
© Jim Young/Reuters

Y a-t-il nécessité d'adapter notre cadre législatif aux nouvelles problématiques, notamment dans le rapport entre cybersécurité et libertés individuelles ?
Pour qu'un service de renseignement puisse travailler efficacement, il faut qu'il soit intégré dans la stratégie politique, économique et sociale du pays. Avec les derniers attentats, les gens ont compris l'importance des services de renseignement. Ensuite, la contrepartie, c'est qu'un service de renseignement doit être irréprochable et ne pas être soupçonné. Il doit exister une relation ouverte avec le politique, donc un contrôle. Le grand progrès de ces dernières années, c'est la fameuse commission de contrôle du renseignement, créée avec des parlementaires de tous bords. Les choses doivent se faire dans le respect des règles de la République. Le plus grand danger, c'est quand des responsables du renseignement mettent ces organes au service d'un homme ou d'un parti. Un service de renseignement doit être neutre. C'est aux politiques de décider ensuite, mais en aucun cas aux services d'influencer les politiques en ne donnant que des informations allant dans un seul sens. Ça c'est passé aux États-Unis sur l'Irak et, plus récemment, lorsque certains services ont minoré les résultats de la lutte contre Daech. En ce qui nous concerne, sur la Libye comme sur la Syrie, est-ce que les informations données n'ont pas été tendancieuses, sur le mode « Vous voulez que ce soit un diable, et bien moi je vais vous en faire un diable » ? Dans ces cas, on sort complètement des limites de la règle.

Vous venez de nous donner des exemples qui sortent du cadre de la règle…
Justement, c'est pour cela que je milite pour un contrôle. Mais il existe ! Il commence. La commission existe depuis deux ans. C'est un énorme progrès. Ça permettra d'avoir une vision froide et objective et d'éviter les tentations de dérives qui sont humaines mais peuvent aboutir à des catastrophes. Le dernier volet, c'est la cybersécurité. Le cyberespace est une nouvelle dimension dans laquelle la guerre technique est une réalité. On est obligé d'y rentrer. Regardez votre smartphone. Il y a quinze ans, il n'existait pas. Aujourd'hui, vous le consultez en moyenne deux cents fois par jour. On ne peut plus s'en passer. C'est un formidable champ d'action. Il y a un problème de sensibilisation des gens, de compréhension et de protection. C'est bien d'avoir créé l'ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information], mais cela reste petit par rapport à un problème colossal. L'armée américaine, elle, a créé l'arme cyber.

Source : Paris Match, Régis Le Sommier, 05/05/2016

L'OTAN sur le point de commettre la plus grande erreur de son histoire

L'OTAN sur le point de commettre la plus grande erreur de son histoire

Avec ses plans pour positionner des éléments de son bouclier anti-missile en Roumanie et en Pologne, l'OTAN est « probablement sur le point de commettre la plus grande erreur de son histoire ». C'est ce qu'écrit Jochen Bittner sur son blog du journal allemand Die Zeit.
La riposte russe à un tel déploiement de l'OTAN pourrait se traduire par l'annulation pure et simple de l'ensemble du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) et de tout accord limitant la présence de missiles en (...)

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