mardi 5 avril 2016

Désertion fiscale : les clairs-obscurs des papiers du Panama

Désertion fiscale : les clairs-obscurs des papiers du Panama




Nommer et critiquer : juste, mais insuffisant et contre-productif ?

Ces papiers du Panama reprennent une pratique anglo-saxonne, dite du « nommer et faire honte ». Mais la couverture de ces révélations est décevante à plusieurs titres. Bien sûr, c'est du bon travail d'investigation et cela démontre que nos démocraties fonctionnent, sur certains aspects. Enfin, il n'est pas injuste que tous ces puissants qui désertent l'impôt doivent assumer leur fuite. Malheureusement, cet épisode médiatique se fait d'une manière toujours aussi approximative dans le choix des mots. Quelle déception de voir les médias dénoncer les « paradis fiscaux », cette mauvaise traduction de l'anglais, au sens ambigu, pour ne pas dire plus. Si le Panama est un paradis, cela veut implicitement dire que nos pays sont des enfers fiscaux. Il est vraiment malheureux de qualifier des parasites de paradis.

C'est aussi le problème que pose l'emploi du terme « évasion fiscale », qui indique implicitement que ceux qui y ont recours cherchent à fuir une prison fiscale, quand en réalité, ils désertent tout ce qu'est l'impôt, ce lien qui permet de construire notre maison commune. Mais ces révélations posent un autre problème, qui rappelle la crise financière de 2008, avec les affaires Madoff et Kerviel, les paravents trop commodes pour un système d'attirer l'attention sur des comportements individuels critiquables pour cacher les failles plus fondamentales de l'organisation de nos sociétés. En blâmant Messi ou Platini, n'oublions-nous pas un peu trop que ces comportements sont malheureusement légaux, et facilités par bien des décisions prises par nos dirigeants depuis trois décennies, qui les ont permises.

En ce sens, comme avec les fuites du Luxembourg, nos sociétés se concentrent un peu trop sur la critique de comportements individuels certes choquants, mais parfois légaux, oubliant un peu trop de critiquer le système qui les a permis. Les papiers du Panama ne provoquent pas suffisamment une remise en cause de cette anarchie financière et de ce laisser-passer qui permet aux capitaux des plus riches de déserter les terres où ils ont été gagnées. Il est malheureux de ne pas davantage remettre en cause ce système. Cela est d'autant plus inquiétant que les réformes de la finance d'après la crise ont accouché d'une souris, avec ces normes dites Bâle 3, que les banques ont su faire ajuster pour les perturber le moins possible, particulièrement dans la zone euro, allée moins loin que Londres ou Washington.


S'il faut remercier les journalistes pour ce travail d'investigation qui fait honneur à leur métier. En revanche, il leur reste encore du travail pour ne pas de contenter d'une dénonciation un peu basique et improductive. A quand une critique plus complète de ces parasites, comme The Economist est capable de le faire.

Mobilisation contre le verrouillage de la présidentielle

Mobilisation contre le verrouillage de la présidentielle




De la démocratie à l'oligarchie ?

Je serais curieux de savoir comment serait traitée une telle réforme en Russie ou en Hongrie. Les hiérarques du PS et des Républicains, notamment les premiers, ne dénonceraient-ils pas le caractère autoritaire, voir même dictatorial de ces dirigeants qui réduisent le temps de parole de l'opposition pendant la campagne des présidentielles, des entraves à la vie démocratique. Cela, c'est ce que le PS, et les Républicains, qui laissent faire, ont voté il y a quelques jours. Alors déjà qu'en 2012, avant le début de la campagne officielle, la règle de l'équité avait remplacé celle de l'équité, moyen pour les médias de réduire le temps de parole des petits candidats à leur score dans les sondages, le moyen d'instaurer une rente de situation aux partis dominants, en réalité, le bâillonnement de ces petits candidats.




Voilà pourquoi, après l'avoir signée, je vous invite à signer la pétition du comité Orwell pour défendre notre démocratie de ce nouveau mauvais coup porté par le PS, avec la complicité coupable des Républicains, les deux cherchant à affaiblilr toute candidature qui pourrait leur prendre des voix en 2017 et leur barrer la porte du second tour de l'élection présidentielle.

Le crépuscule de François Hollande

Le crépuscule de François Hollande

Cette semaine a sans doute été une des pires semaines pour le président de la République, à un peu plus d'un an du premier tour de la prochaine élection. Abandon de la réforme constitutionnelle, poursuite de la mobilisation contre la loi travail, décrochage dans les sondages, sachant qu'il ne partait pas de haut. Faut-il considérer qu'il se dirige forcément vers une déroute dans un an ?



Comment se fâcher avec tout le monde

Avec la réforme de la Constitution, afin d'inclure la déchéance de nationalité pour les terroristes, le président de la République pensait sans doute piéger la droite, la forcer à soutenir une mesure qu'elle avait, dans sa majorité, applaudie. Toujours dans le cadre de ses manœuvres de triangulation, la loi travail, qui propose de plus encore libéraliser le marché hérité de Nicolas Sarkozy, devait sans doute être le second volet destiné à marginaliser les Républicains, en reprenant leurs propositions (voir, en les dépassant), pour réduire le choix politique à un choix entre Hollande et Le Pen. La tactique, inspirée par Tony Blair, semblait habile, même si on rejette à la fois les idées portées et le cynisme de ses manœuvres politiciennes. Mais à date, le bilan des courses semble indiquer que la majorité perd sur tous les tableaux.

En effet, ces deux réformes ont profondément déplu à la gauche de la gauche, qui pourrait refuser de voter pour un président qui a mis de tels chantiers en œuvre. Cela pourrait apporter de l'eau au moulin de Jean-Luc Mélenchon et pourrait réduire la base électorale nécessaire à François Hollande pour passer le cap du premier tour en 2017. Et cela est d'autant plus vrai que la majorité a été contrainte d'abandonner la réforme de la constitution et a commencé, de manière très négligeable pour le moment, à ajuster sa loi travail. Ainsi, il parvient à déplaire aux partisans de ces réformes, abandonnées ou modifiées, et à ceux qui s'y opposent, après des débats aussi longs et clivants politiquement. En agissant de la sorte, pas étonnant que François Hollande soit donné éliminé au premier tour de la présidentielle.

Les résultats des dernières vagues de sondages, même si ce ne sont que des sondages, mettent à bas sa stratégie : même face à Nicolas Sarkozy, (donné stable, à 21%, derrière Marine Le Pen, à 27%), François Hollande est donné largement éliminé dès le premier tour, à 16%, une baisse de 4 points. Cette évolution est marquante car, jusqu'à l'automne, discrètement, mais sûrement, le président était parvenu à refaire son écart avec l'ancien président et on pouvait penser que les circonstances allaient lui donner l'avantage dans la dernière ligne, surtout avec ses manœuvres politiciennes. Maintenant qu'elles semblent échouer, peut-il encore espérer l'emporter ? Malgré tout, il faut se souvenir que ceux qui sont en échec dans les sondages à ce stade peuvent aussi redresser leur position en une année…


En effet, malgré une situation qui semble a priori complètement et définitivement perdu, il est trop tôt pour conclure. Les Français ne veulent pas d'une réédition de l'élection de 2012. Et pourtant, cela est plus que possible. Et avec une conjoncture un peu moins mauvaise, et une capacité à se sortir de situations guère plus avantageuses pour lui, François Hollande n'a malheureusement, pas encore perdu.

La Californie augmentera le salaire minimum de 50% d’ici à 2022 !

La Californie augmentera le salaire minimum de 50% d'ici à 2022 !




La grande divergence Atlantique

Décidément, l'évolution du débat politique des deux côtés de l'Atlantique est surprenante. Alors que tous les pays européens semblent prendre une direction ultralibérale et austéritaire, les Etats-Unis semblent remettre en cause les dogmes ultralibéraux. Bien sûr, la situation de départ n'est pas la même, les pays européens ayant moins dérégulé en général que l'Oncle Sam, mais le parallèle est frappant. Quand nos partis dits de gauche rejoignent ou dépassent les partis dits de droite par la droite sur l'économie, en France, en Grèce ou en Italie, le centre de gravité politique aux Etats-Unis va dans l'autre sens, avec un Donald Trump presque centriste économique, et un parti démocrate secoué par le succès d'un « socialiste », Bernie Sanders, qui remet en cause le succès annoncé de la très centriste Hillary Clinton.

Et parallèlement, des Etats et des municipalités prennent des mesures très dirigistes selon notre grille de lecture européenne. Alors que le salaire minimum fédéral est fixé à 7,25 dollars l'heure, certains Etats étant même deux dollars en dessous, déjà la Californie et Washington DC l'avaient porté à 10 dollars. Et après San Francisco, la Californie, sous la pression des sondages et d'un référendum d'initiative populaire, a pris la décision de monter le salaire minimum de 50% d'ici à 2022 ! Cela est d'autant plus frappant qu'en France, la majorité actuelle s'est contentée d'un coup de pouce ridicule de 0,6% en arrivant au pouvoir, avant d'opter pour le minimum syndical. Il est frappant que ce soit aux Etats-Unis maintenant que de telles conquêtes sociales se fassent quand l'Europe en démonte partout.


De manière intéressante, Le Monde traite l'information de manière neutre en titrant sur un accord trouvé sur le salaire minimum, alors que le caractère frappant de cette information est bien sûr le niveau de la hausse. Un choix de titrage qui en dit long sur le blocage antisocial de certains…

Il est où le « modèle allemand » ? (billet invité)

Il est où le « modèle allemand » ? (billet invité)

Billet invité de l'œil de Brutus

"Ce n'est pas la fin. Ce n'est même pas le commencement de la fin. Mais, c'est peut-être la fin du commencement."
Winston Churchill


Au risque de jouer les Cassandre, j'aimerais rappeler à tous ceux qui hurlaient à la germanophobie à la moindre critique du « modèle allemand » et qui vantaient si haut et fort les vertus germaniques cet article écrit il y a 3 ans[i]:

A peu près dans le même temps, M. Alain Minc, dans la veine de la Cour néolibérale qui peu auparavant vantait les mérites de la finance américaine[ii], clamait dans son « Vive l'Allemagne ! » [iii],  que le pays de Goethe était aujourd'hui « prospère, paisible (…) et exerçant sur l'Union européenne l'influence la moins rude possible ».

Depuis, il y a eu la poursuite de la colonisation de la Grèce[iv], le scandale Volkswagen[v], les « incidents » de Cologne (et d'ailleurs)[vi]et enfin la forte percée de l'extrême-droite aux récentes élections régionales Outre-Rhin[vii]. Peut-on encore raisonnablement  parler de « modèle » ?

Mais nul doute qu'Alain Minc[viii]et ses compères continueront à venir sur les plateaux télé et dans les colonnes de la « grande » presse donner la leçon au petit peuple …


[ii] Les Petites leçons d'économie à la portée de tous (Buchet Chastel,‎ 2007) de Jean-Marc Sylvestre est on ne peut plus éloquent sur le sujet. Que l'on  se remémore également comment Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse de vanter le « modèle » allemand.
[iii] Alain Minc, Vive l'Allemagne !, Grasset 2013.
[iv] Les écorcheurs du peuple grec, Joseph Macé-Scaron, Marianne, 15/08/2015 ;
Panzerfinanz et dette grecque, Gabriel Galice, Association pour une Constituante, 16/10/2015 ;
Le tsunami des privatisations frappe la Grèce, Jack Dion, Marianne, 23/08/2015.
[v] Stakhanov chez Volkswagen, Pierre Rimbert, Le Monde diplomatique, décembre 2015 ;
L'Allemagne ébranlée par ses scandales, Pascale Hugues, Le Point, 20/10/2015 ;
Volkswagen : deutsche Kapital, Eric Conan, Marianne, 11/10/2015.
La journée de la mini-jupe, Jean-Paul Brighelli, Bonnet d'âne, 10/02/2016 ;

Chine protectionniste contre Inde offerte ?

Chine protectionniste contre Inde offerte ?




Petit pas Indien vers le protectionnisme Chinois ?

Les chiffres sont frappants. Il y a dix ans, l'Inde affichait un déficit commercial d'environ 2 milliards de dollars avec son partenaire Chinois. L'an dernier, il a atteint le chiffre extravagant de plus de 50 milliards de dollars. Pourtant, les salaires sont plus faibles en Inde qu'en Chine, ce qui lui donne un atout théoriquement décisif dans cette économie de la course au moins-disant social et salarial. Bien sûr, on peut arguer que le retard industriel de l'Inde vient de son manque d'infrastructures solides. Mais le papier de The Economist souligne d'autres aspects qui confirme l'importance du protectionnisme dans le modèle de développement Chinois. Du fait de son ralentissement économique, la Chine a des capacités de production excédentaires, d'où des pratiques de dumpings justifiant des mesures de protection.


Le principal espoir de l'Inde aujourd'hui vient de l'implantation d'entreprises industrielles Chinoises en Inde pour développer son industrie. Foxconn, le fabricant de l'IPhone parle d'une dizaine d'usines et d'un million d'emplois d'ici à 2020. Ce faisant, ce destin croisé entre les deux premiers pays du monde par la population montre à nouveau à quel point le protectionnisme est une composante essentielle du succès économique de la Chine, après celui du Japon et de la Corée du Sud. Ces pays profitent du libre-échange pratiqué par les autres pays, tout en se gardant bien d'ouvrir de manière réciproque leurs marchés, ce qui leur a permis de multiplier les excédents commerciaux, tout en donnant le temps à leur industrie de se développer, à l'abri d'un marché bien protégé et garder le contrôle de leur destin.

Il est effarant que nos pays européens continuent à adopter une attitude aussi dogmatique et naïve à l'égard du libre-échange, laissant certains pays accumuler des excédents colossaux à notre insu, ce qui équivaut à des emplois perdus directement, mais aussi indirectement, par la perte d'une expertise, puis la vente trop fréquente de nos fleurons industriels non protégés à des entreprises étrangères

Pourquoi la rémunération de Carlos Tavares pose problème

Pourquoi la rémunération de Carlos Tavares pose problème




Passer de 150 à 300 SMICs en une année !

Bien sûr, certains défendent le doublement du salaire de Carlos Taverez, en soulignant que Carlos Ghosn gagne trois fois plus que lui, que cela serait la juste récompense de la réussite de son plan de redressement de PSA. D'autres pourraient dire que sa rémunération ne dépasse que légèrement la moyenne de ceux du CAC 40, ou même que les salariés de PSA ont touché 2000 euros de prime de résultats l'an dernier. Pierre Gattaz a estimé qu'il fallait le « féliciter du redressement exceptionnel qu'il a fait de PSA (…) Quand il y a de réussite, ça ne me choque pas qu'on récompense la réussite ». Sauf que le patron des patrons oublie que les récompenses de la réussite n'ont pas le même poids en haut et en bas. En bas, elle est au mieux de 10%, pour le patron, c'est 100%. Deux poids, deux mesures.

Qui plus est, il faut rappeler ici que les écarts de rémunérations ont explosé en deux décennies. Au début des années 1990, Jacques Calvet avait choqué quand le Canard Enchainé avait révélé qu'il touchait alors plus de deux millions de francs par an, environ 300 000 euros aujourd'hui, soit 35 SMICs de l'époque. Raymond Lévy, son homologue de Renault, émargeait à un million de francs par an, soit un peu plus de 15 SMICs de l'époque. Aujourd'hui, Carlos Ghosn gagne environ 15 millions d'euros pour ses deux postes, environ 1000 SMICs. Non seulement les rémunérations des grands patrons progressent beaucoup plus vite que celles des autres employés, mais en plus, l'écart a explosé en 20 ans. Et on peut ajouter que le taux maximum d'impôt sur le revenu est passé de 56,8 à 45% dans le même temps !

Il est bienheureux que l'envolée de la rémunération du patron de PSA provoque une polémique. Car cela montre que nos sociétés sont en train de toucher des niveaux d'indécence dans les inégalités qui pousse l'opinion publique à réagir. Le temps du sursaut démocratique approche. 

L’intéressant débat sur la monnaie hélicoptère

L'intéressant débat sur la monnaie hélicoptère

C'est un débat plus que légitime après huit ans de politiques peu conventionnelles des banques centrales, aux résultats médiocres. Aujourd'hui se posent des questions sur les politiques alternatives qui existent et qui n'ont pas été utilisées, notamment la « monnaie hélicoptère », la distribution directe d'argent créé par la banque centrale aux citoyens pour gonfler plus efficacement la demande.



L'assouplissement quantitatif, pour le peuple

Depuis 2008, les banques centrales ont considérablement diversifié leurs politiques. Elles expérimentent depuis quelques mois des taux négatifs, pour pousser les établissements financiers à prêter leurs liquidités, puisque les conserver à la banque centrale coûte de l'argent. Elles ont également considérablement étendu leur bilan, passé d'environ 10% du PIB à 25% aujourd'hui dans la zone euro, à Washington et Londres. Plus fort, le bilan de la banque du Japon atteint 77% du PIB avec la monétisation de sa dette publique. Mais, de plus en plus, des critiques se développent pour plusieurs raison : les résultats médiocres de ces politiques, l'économie n'ayant toujours pas vraiment redémarré. Pire, elles pourraient nourrir d'autres bulles. Enfin, on peut questionner le choix des bénéficiaires de ces politiques.



C'est pourquoi revient dans le débat public une idée défendue par Milton Friedman dans les années 1930, la distribution pure et simple d'argent aux citoyens par la banque centrale pour créer un pouvoir d'achat en supplément, avec pour objectif de soutenir la demande et lutter contre les tendances déflationnistes. L'idée derrière cette idée iconoclaste, est d'être une alternative avec la relance par les dépenses publiques, que Milton Friedman n'appréciait guère, préférant que chaque individu puisse utiliser l'argent ainsi disponible de la manière dont il le souhaite. On peut donc paradoxalement trouver une racine libérale derrière cette idée, évoquée au début des années 1990 pour sortir les pays européens de la crise. Mais l'hélicoptère pourrait aussi se coupler à une relance classique des dépenses publiques.



Après tout, plutôt que de racheter pour près de 1000 milliards d'euros d'actifs, la BCE pourrait en consacrer la moitié pour distribuer la bagatelle de 1500 euros à chacun des citoyens de la zone euro, ce qui relancerait la consommation, la demande, et la croissance. Malgré tout, comme l'écrit Romaric Godin dans la Tribune, cette idée serait extraordinairement compliquée à mener dans la Tour de Babel institutionnelle qu'est l'UE, ce qui plaide, une fois de plus, pour le démontage de ce monstre monétaire qu'est l'euro. The Economist a consacré un dossier sur le bilan des politiques monétaires menées et aux alternatives possibles pour lutter contre la prochaine récession (ce qui en dit long sur son jugement sur la pertinence des politiques menées depuis plusieurs années, même si elles vont dans son sens).


Mais le plus frappant ici, qui n'est pas suffisamment mis en avant, et qui rejoint les critiques de Krugman, qui reprochait aux dirigeants d'aider les banques et non les citoyens lors de la crise des subprimes, c'est bien cela : quels doivent être les bénéficiaires de toutes ces aides ? Pour l'instant, la Fed et la BCE choisissent les banques et le système financier, quand le Japon choisit l'Etat et donc indirectement les citoyens avec la monétisation des dettes. Et si on aidait directement les citoyens ?

Bernie Sanders bouscule Hillary Clinton

Bernie Sanders bouscule Hillary Clinton

Et si, cet automne, les élections présidentielles étasuniennes voyaient s'affronter Donald Trump et Bernie Sanders ? Cette perspective, qui aurait paru complètement extravagante il y a quelques mois, peut sembler possible aujourd'hui, après la triple victoire de l'adversiare d'Hillary Clinton côté démocrate, démontrant une évolution radicale du débat public outre-Atlantique étant données ses positions.



Vers un deuxième échec pour Hillary Clinton ?

Ce qui devait être une promenade de santé pour l'ancienne secrétaire d'Etat, femme de président, dans ce pays dont la vie politique a des relents monarchiques, s'est compliqué ce samedi avec la victoire de Bernie Sanders en Alaska, à Hawaï et dans l'Etat de Washington. Alors que plus de la moitié des délégués ont été élus côté démocrate, Hillary Clinton en a remporté 57%, 1234 contre 954 pour le sénateur du Vermont. Et mieux encore, il l'a emporté avec 71 à 82% des voix ! On peut croire que les primaires démocrates ne sont pas terminées. Le vote du Wiscosin, le 5 avril, sera une étape importante, avant New York, le 19 avril, puis un nouveau Super Mardi, le 26 avril. La large élection de Bill de Blasio à la mairie de New York fait penser que de nouvelles surprises électorales pourraient avoir lieu.

Malgré tout, Hillary Clinton conserve des atouts. D'abord, son avance dans le nombre de délégués, d'autant plus qu'elle aurait le soutien de près de 500 superdélégués, des responsables et élus du parti qui pourront voter à la convention d'investiture fin juillet. Si elle conserve le soutien des superdélégués, il faudrait alors que Bernie Sanders l'emporte très largement lors des prochaines étapes électorales, ce qu'il a fait lors de ces trois dernières étapes. En outre, le soutien des caciques du parti (elle était soutenu par le gouverneur, les deux sénatrices et six représentants dans l'Etat de Washington), ne semble pas forcément un atout lors de cette campagne où les électeurs affichent un rejet franc et massif des dirigeants des deux grands partis. Ces trois victoires peuvent-elles augurer une victoire définitive ?

Et ceci est extrêmement rafraîchissant car cela montre que dans nos démocraties en crise, le changement, le vrai cette fois, peut venir. Qu'un sénateur de plus de soixante-dix ans aux idées théoriquement marginales (santé et éducation supérieure gratuites), qui se dit « socialiste » dans un pays où cela peut être assimilé au communisme, démontre que les déséquilibres de nos sociétés finissent tout de même par provoquer une vraie remise en question. Et c'est la jeunesse, bien maltraitée par nos sociétés modernes, qui, logiquement, exprime une volonté de changement. Il n'est pas inintéressant de constater que dans une époque qui verse dans l'ultralibéralisme, la jeunesse se penche de plus en plus vers des alternatives politiques qui mettent en avant le rôle de l'Etat, à rebours du discours des grands médias.

En cela, et même s'il perd la primaire démocrate, Sanders est le nouvel exemple de la grandissante envie de changement des citoyens, qui ne retrouvent plus dans ces politiciens dit de gauche comme de droite réunis dans un soutien à un laisser-faire et un laisser-passer austéritaire et parfois même autoritaire. La démocratie finira tôt ou tard par produire un antidote à l'ultralibéralisme. 

Les députés votent le verrouillage de la présidentielle

Les députés votent le verrouillage de la présidentielle

Imaginons un instant Poutine ou Orban réduire le temps de parole de la plupart des partis de l'opposition pendant les campagnes électorales, ou mettre en place une règle qui pourrait réduire potentiellement le nombre des candidats d'opposition un an avant une élection. Toutes les belles âmes dénonceraient ces dictateurs en herbe. Mais ici, il s'agit du texte que les députés ont voté cette semaine.



PS et LR, uni dans l'oligarchie autoritaire

Bien sûr, a priori, ce qui a été voté peut sembler un détail, d'ailleurs traité comme tel par les médias qui en ont très peu parlé, signe caractéristique d'un dysfonctionnement de notre démocratie. Comme je l'avais déjà évoqué en décembre, malheureusement, le projet de loi du gouvernement est passé cette semaine, avec à peine quelques poignées de députés qui ont voté pour valider ce projet révoltant. La révoltante règle dite de l'équité, introduite pour la campagne de 2012, est étendue pour toute la période précédant la campagne dite officielle. Selon cette règle, les médias peuvent attribuer des temps de parole proportionnels aux sondages, ce qui aboutit donc à favoriser les grands partis établis, quand la règle d'égalité, voulu par le Général de Gaulle en 1965, assurait une égalité de traitement démocratique.

Et ce n'est pas tout, après la publication d'une petite partie des parrainages en 2012, ce projet de loi établit la publication de tous les parrainages, ce qui pourrait également affaiblir les petits candidats dans la mesure où le parrainage d'un élu pourrait avoir des répercussions… D'ailleurs, il sera intéressant de voir combien de candidats se présenteront l'an prochain, avec ce nouveau cadre législatif. Enfin, les dépenses de campagne seront comptabilisées sur 6 mois au lieu d'un an, ce qui revient encore une fois à avantager les grands partis qui pourront dépenser la même somme en deux fois moins de temps. Difficile de ne pas voir avec cette loi la défense cynique par le PS et les dits Républicains de leurs intérêts, qui mettent des bâtons dans les roues de tous les « petits » candidats qui pourraient émerger.

Tout ceci est rendu encore plus choquant par le fait de changer les règles de l'élection présidentielle à peine plus d'un an avant le premier tour, d'autant plus que l'on voit trop bien les avantages que peuvent en tirer les deux partis qui dominent notre vie politique depuis trop longtemps. De facto, avec ce projet, ce qu'ils veulent, c'est empêcher d'autres candidatures et réduire le temps de parole des autres partis (FN à part, leur meilleur ennemi). Et malheureusement, les média sont largement silencieux sur ce scandale démocratique. D'abord, les règles ne devraient pas pouvoir être changées à ce stade, et on peut se demander si ces règles de base de notre démocratie ne devraient pas être constitutionnalisées pour être protégées. Ainsi, nos deux partis dominants révèlent un inquiétant caractère peu démocratique.

Quel contraste avec le vrai démocrate qu'était le Général de Gaulle, qui, dans les années 1960, aurait sans doute pu passer outre l'égalité de temps de parole, mais qui respectait trop le peuple et la démocratie pour ne pas se battre à égalité. Avec cette loi, nos dirigeants montrent que le temps qui passe peut provoquer un retour en arrière. Un bien mauvais coup pour notre démocratie.

Programme de 2017 : les Républicains toujours plus ultra-libéraux

Programme de 2017 : les Républicains toujours plus ultra-libéraux

Il faut croire qu'avec l'évolution du Parti dit Socialiste vers toujours plus de laisser-faire, les dits Républicains ne semblent pas vouloir s'en laisser compter. Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont dévoilé des parties de leur programme, qui lorgne de plus en plus vers un ultralibéralisme austéritaire.



Toujours plus de ce qui a échoué

Nous vivons décidemment une bien drôle d'époque. L'ultralibéralisme nous a mené dans la plus grave crise financière en 2008. Depuis, malheureusement, les ultralibéraux ont gagné la bataille idéologique de l'après-crise et continuent donc à faire avancer leur agenda, avec, comme résultat, une sortie de crise au mieux poussive, au pire, toujours attendue. Et pourtant, à quelques exceptions près, les agendas politiques des principaux grands partis semblent se droitiser au point que les gouvernements dits de gauche parviennent à dépasser leur prédécesseur de droite par la droite dans bien des domaines, comme on le voit en Italie et en France. Et face à ce grand mouvement de sociaux libéraux qui n'ont rien de sociaux, la droite traditionnelle semble prendre le parti de virer plus à droite encore pour se différencier.

C'est ainsi que Nicolas Sarkozy propose de supprimer la bagatelle de 300 000 emplois publics, un chiffre effarant pour qui connaît notre manque de professeurs ou de forces de police. Pour parvenir à faire deux fois plus que sous son mandat, il propose une révision de la Constitution pour imposer le non-remplacement d'un départ sur deux aux collectivités publiques. Il faut noter que François Fillon, devenu l'ange noir de l'austérité après avoir parler de faillite, propose la suppression de 500 000 postes dans son projet pour 2017. Il propose de retarder l'âge de départ à la retraite à 64 ans en 2025, de revoir le statut de la fonction publique tout en créant un contrat qui obéirait aux mêmes règles que le contrat privé pour les métiers qui ne relèvent pas de la souveraineté ou de prérogatives publiques.

Dans cette course à l'ultralibéralisme austéritaire, Alain Juppé ne semble pas vouloir se faire dépasser par ses rivaux et reprend le visage qu'on lui avait connu en 1995, où il avait monté de nombreux impôts et coupé de nombreuses dépenses. L'ancien premier Ministre semble vouloir dépasser l'ancien président par la droite sur les questions économiques, en proposant un passage rapide à la retraite à 65 ans, dès 2020 ainsi que de nombreuses hausses d'impôts ou coupes dans les dépenses. L'austérité semble tellement devoir être l'axe de campagne d'Alain Juppé, qui doit bientôt publié son livre consacré à l'économie, que son équipe souhaiterait pouvoir annoncer quelque chose pour les classes populaires, les grandes oubliées de la première mouture de son programme, selon Europe 1.

Quelle époque désespérante tout de même que de constater que non seulement, nous n'avons tiré aucune leçon des erreurs du passé mais qu'elles semblent nous revenir comme un boomerang, comme renforcées par tous les dégâts qu'elles ont provoqués ! Espérons être proches d'avoit atteint le point ultime de ce cycle libéral théorisé et expliqué par François Lenglet.