La complicité des USA dans le carnage au Yémen, par le New York Times
Source : The New York Times, le 17/08/2016
Par le comité de rédaction. Le 17 août 2016
Un hôpital associé avec Médecins Sans Frontières. Une école. Une usine de chips. Selon les lois internationales, ces installations au Yémen ne sont pas des cibles militaires légitimes. Cependant, elles ont toutes été bombardées ces derniers jours par des avions de guerre appartenant à la coalition menée par l’Arabie saoudite, et tuant plus de 40 civils.
Les États-Unis sont complices de ce carnage. Ils ont appuyé la coalition de bien des manières, notamment par la vente d’armes aux Saoudiens pour les apaiser après l’accord nucléaire avec l’Iran. Le Congrès devrait mettre en suspens les ventes d’armes, et le président Obama devrait informer discrètement Riyad que les États-Unis retireront leur aide cruciale si les Saoudiens n’arrêtent pas de viser des civils et s’accordent à négocier la paix.
Les frappes aériennes sont une nouvelle preuve que les Saoudiens ont accéléré leur campagne de bombardements contre les milices houthies, qui contrôlent la capitale, Sanaa, depuis que les pourparlers furent suspendus le 6 août, rompant un cessez-le-feu qui avait était déclaré il y a plus de quatre mois. Ils suggèrent également une des deux possibilités désagréables suivantes. La première est celle que les Saoudiens et leur coalition de partenaires principalement arabes sunnites n’ont pas encore appris à identifier des cibles militaires autorisées. L’autre est que tuer des civils innocents leur importe peu. Le bombardement de l’hôpital qui, à lui seul, a tué 15 personnes, était la quatrième attaque sur un établissement soutenu par Médecins Sans Frontières l’année passée, bien que l’on ait indiqué l’emplacement des hôpitaux à toutes les parties en conflit.
En tout, la guerre a tué plus de 6500 personnes, déplacé plus de 2,5 million d’autres, et a poussé l’un des pays les plus pauvres du monde aux privations et à la dévastation. Un rapport récent de l’ONU incriminait la coalition pour 60% des morts et des blessures d’enfants l’année dernière. Les groupes des droits de l’homme et de l’ONU ont suggéré que des crimes de guerre avaient été commis.
L’Arabie saoudite, qui débuta la guerre aérienne en mars 2015, a la plus lourde responsabilité dans l’attisement du conflit avec les Houthis, un groupe chiite autochtone avec de faibles connexions avec l’Iran. Les Saoudiens sont intervenus au Yémen dans le but de défaire les Houthis et de réinstaller le président Abdu Rabbu Mansour Hadi, que les rebelles avaient évincé. Ils considèrent l’Iran comme leur ennemi principal et redoutaient que Téhéran ne gagne trop d’influence dans la région.
Bien que beaucoup d’experts pensent que la menace soit exagérée, M. Obama accorda un soutien à l’intervention au Yémen – sans autorisation formelle du Congrès – et vend encore plus d’armes aux Saoudiens, en partie pour apaiser la colère de Riyad à propos de l’accord nucléaire avec l’Iran. Cela dit, depuis son investiture, M. Obama a vendu aux Saoudiens 110 milliards de dollars d’armes, dont des hélicoptères Apache et des missiles.
M. Obama a également fourni à la coalition une aide inestimable en renseignement, ravitaillement en vol d’avions et une aide dans l’identification de cibles appropriées. Des experts déclarent que la coalition serait clouée au sol si Washington retirait son soutien. Au contraire, la semaine dernière, le département d’État a approuvé la vente potentielle de 1,15 milliards de dollars de plus en chars et autres équipements à l’Arabie saoudite, pour remplacer ses éléments détruits dans la guerre. Le Congrès a le pouvoir de bloquer cette vente ; le sénateur Chris Murphy, démocrate du Connecticut, dit qu’il discute de cette possibilité avec des législateurs. Mais les chances sont maigres, en partie à cause de la politique.
Au vu des pertes civiles, un soutien prolongé des Américains dans cette guerre est indéfendable. Comme M. Murphy l’a déclaré sur CNN mardi : « Il y a une empreinte américaine sur chacune des vies civiles perdues au Yémen. »
Source : The New York Times, le 17/08/2016
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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