John Prescott révèle que sa culpabilité dans la guerre « illégale » en Irak le hantera pour le restant de ses jours
Source : Mirror, le 10/07/2016 Le 10 juillet 2016 L’ancien vice-premier ministre John Prescott met en cause Tony Blair et dit que la guerre en Irak était illégale Mercredi, nous avons enfin vu le rapport Chilcot. C’était une accablante mise en accusation de la manière dont le gouvernement Blair a mené la guerre – et je prends ma juste part de la faute. En tant que vice-premier ministre de ce gouvernement, je dois exprimer mes plus pleines excuses, en particulier vis-à-vis des familles des 179 hommes et femmes qui ont fait don de leur vie lors de la guerre en Irak. Chilcot est allé très en détails quant à ce qui s’est mal passé. Mais je souhaite mettre en lumière certaines leçons que nous devons tirer pour éviter qu’une telle tragédie ne se répète. Ma première préoccupation était la façon dont Tony Blair dirigeait le cabinet. On nous donnait trop peu de documents papier pour être en mesure de prendre des décisions. J’ai soulevé ce problème avec Lord Butler, le secrétaire du cabinet. Je lui ai demandé si Blair l’avait consulté sur les bonnes règles et pratiques d’un cabinet du gouvernement. Il a répondu qu’il l’avait fait. Et que Tony n’allait pas diriger de cette manière. En fait, Tony le dirigeait comme s’il s’agissait d’un « cabinet fantôme », où le minimum d’information est rendu disponible afin d’éviter toute fuite de document. Ces fuites ont été un véritable fléau pour le gouvernement Travailliste d’Harold Wilson, et Tony ne voulait pas que cela se reproduise. Cette attitude est visible dans les reproches des rapports réguliers du renseignement. Ces rapports se fondaient sur des discussions à des réceptions et sur des sources compromises. Comme je l’ai dit lors de l’enquête sur l’Irak, les renseignements ressemblaient à des rumeurs, pas à des preuves solides. Nous apprenons maintenant du rapport Chilcot que même les agences de renseignement avaient mis en garde de l’inadéquation ou du manque de fiabilité de telles sources. Mais ces inquiétudes n’étaient jamais mentionnées dans aucun des documents fournis au cabinet. A titre d’exemple, l’omission de fournir au cabinet l’argumentation du jugement de l’avocat général, concluant qu’il était illégal d’agir militairement contre l’Irak. L’avocat général, Lord Goldsmith, s’est rendu au cabinet, a annoncé verbalement que cela était illégal, mais n’a fourni aucun document justificatif. Le timing de cette décision était clairement conçu pour adopter une action quasi immédiate pour entrer en guerre. Dans mon témoignage à Chilcot, j’ai indiqué que l’avocat général avait l’air d’un « lapin malheureux » durant les semaines précédant la décision, alors qu’il continuait à chercher une justification à l’invasion de l’Irak. Mais l’écrasant problème gravement préoccupant était notre « relation spéciale » avec les États-Unis et le président George W. Bush. Lors de précédentes discussions avec Blair, j’ai exprimé mon inquiétude, ce à quoi il a répondu que tout premier ministre devait décider très tôt s’il veut devenir un ami spécial des États-Unis. Le choix de Tony était clairement d’être cet ami spécial. Après l’attaque sur les tours jumelles et notre intervention justifiée en Afghanistan, l’ami spécial a tourné son attention vers Saddam. Mon inquiétude concernant l’Irak était que toute intervention devait avoir le soutien du Conseil de Sécurité des Nations Unies, que les États-Unis et le Royaume-Uni avaient obtenu après l’invasion du Koweït par Saddam en 1990. De plus, toute action nécessitait l’approbation de notre parlement, et celle d’entrer en guerre avec pour principal motif un changement de régime était illégale. Tony reconnaissait cela. // VIDEO Dans les jours qui ont suivi le 11-Septembre, Blair a suggéré que je me rende aux États-Unis pour apaiser mes inquiétudes. Il était prévu que je rencontre le vice-président Dick Cheney à la Maison-Blanche. Il m’est apparu en vidéo depuis un lieu tenu secret. J’ai alors parlé aux sénateurs américains ainsi qu’au personnel militaire qui m’ont laissé l’impression générale que les Américains s’apprêtaient à aller en Irak – avec ou sans nous. Un sénateur m’a dit, faisant allusion à l’échec de la tentative de renversement de Saddam après l’invasion du Koweït : « John, c’est une affaire inachevée. » J’en ai informé Tony, mais il me confirma que sa politique et son but étaient l’obtention d’une résolution de l’ONU et non un changement de régime. Et la note de Tony envoyée à Bush avec cette citation dévastatrice « Je suis avec vous quoi qu’il arrive » était tout ce dont les Américains avaient besoin pour s’y engager, même sans le soutien des Nations Unies. Ils voulaient que cela soit fait et terminé rapidement pour éviter la chaleur d’une intervention estivale. Je suis heureux que Jeremy Corbyn se soit excusé au nom du Parti travailliste auprès des proches de ceux qui ont été tués ou blessés. Il ne se passe pas une journée sans que je ne pense à notre décision d’entrer en guerre. Aux troupes britanniques qui ont donné leur vie ou qui ont subi des blessures pour leur pays. Aux 175 000 civils morts du fait de la boite de Pandore que nous avons ouverte en renversant Saddam Hussein. Je vivrai avec la décision d’entrer en guerre et ses conséquences catastrophiques pour le restant de mes jours. En 2004, le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan avait dit que puisque le changement de régime était le principal objectif de la guerre en Irak, celle-ci était illégale. C’est avec une profonde tristesse et une grande colère que je pense désormais qu’il avait raison. Source : Mirror, le 10/07/2016 Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source. |
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