[2004] La piste pakistanaise, par Michael Meacher
Source : The Guardian, le 22/07/2004 Il existe des preuves d’un soutien par un service de renseignement étranger des pirates du 11 septembre. Pourquoi le gouvernement des États-Unis s’applique-t-il à le cacher ? Le jeudi 22 Juillet 2004 Au Pakistan, Omar Cheikh, un militant islamiste né en Grande-Bretagne, attend son exécution par pendaison pour un meurtre qu’il n’a sans doute pas commis : celui du journaliste du Wall Street Journal Daniel Pearl en 2002. Le gouvernement des États-Unis ainsi que la femme de Pearl ont depuis reconnu que Cheikh n’était pas responsable. Pourtant, le gouvernement pakistanais se refuse à entendre d’autres personnes récemment suspectées d’être impliquées dans le kidnapping et le meurtre de Pearl, de crainte que les preuves produites au tribunal ne mènent à un acquittement de Cheikh et n’en révèlent trop. Cheikh est aussi l’homme qui, avant les attentats du 11 septembre, a viré 100 000 $ au coordinateur des détournements Mohamed Atta, sur un ordre du général Mahmoud Ahmed, alors directeur du Service du Renseignement pakistanais (Inter-Services Intelligence – ISI). Il est quand même surprenant que ni Ahmed, ni Cheikh n’ont été ni poursuivis ni jugés pour ces faits. Pourquoi ? Ahmed, le trésorier des pirates, était en fait à Washington le 11 septembre. Il a participé avant le 11 septembre à une série de réunions au sommet à la Maison-Blanche, au Pentagone, au Conseil national de sécurité, avec Georges Tenet, alors chef de la CIA, et avec Marc Grossman, le sous-secrétaire d’État aux affaires politiques. Quand le Wall Street Journal a révélé qu’Ahmed avait envoyé de l’argent aux pirates de l’air, le président Pervez Mucharraf l’a obligé à « prendre sa retraite. » Pourquoi est-ce que les États-Unis n’ont pas alors demandé à ce qu’il soit interrogé et poursuivi en justice ? Une autre personne qui en connaît sûrement beaucoup sur ce qui a conduit au 11 septembre, c’est Khaled Cheikh Mohamed (KCM). On prétend qu’il a été arrêté à Rawalpindi le 1er mars 2003. Une enquête conjointe du Sénat et du House Permanent Select Committee on Intelligence en juillet 2003 indiquait : « KCM semble être un des lieutenants en lesquels Ben Laden a le plus confiance, et il a été actif dans le recrutement de personnes susceptibles de voyager hors d’Afghanistan, et notamment aux États-Unis, en tant que représentant de Ben Laden. » Selon ce rapport, cela impliquait clairement qu’ils avaient pris part à la planification d’actions en lien avec des terroristes. La CIA a envoyé le rapport au FBI, mais apparemment aucune agence n’a trouvé important qu’un lieutenant de Ben Laden envoie des terroristes aux É-U en leur demandant d’établir des contacts avec des collègues déjà sur place. Depuis, le New York Times a pourtant écrit : « Les autorités américaines ont dit que KCM, une fois commandant opérationnel en chef d’al-Qaïda, avait personnellement exécuté Daniel Pearl… mais qu’il était peu probable qu’il soit accusé du crime dans un tribunal américain, à cause du risque de divulguer des informations classifiées. » En effet, il ne sera peut-être jamais poursuivi en justice. Un quatrième témoin est Sibel Edmonds. À 33 ans, cette Turco-Américaine est une ancienne traductrice des renseignements du FBI, parlant couramment le farsi, la langue majoritaire en Iran et en Afghanistan, et habilitée au plus haut niveau. Elle a tenté de dénoncer la dissimulation de renseignements nommant une partie des responsables de l’orchestration des attentats du 11 septembre ; ces renseignements sont maintenant protégés par deux ordonnances de non-publication, ce qui lui interdit de témoigner au tribunal et de mentionner le nom de ces personnes ou les pays impliqués. Elle a dit : « Mes traductions des écoutes relatives au 11 septembre traitaient de blanchiment d’argent [des terroristes], des informations détaillées avec des dates précises… s’il y avait une véritable enquête, nous aurions de nombreux procès criminels dans ce pays [les É-U]… et croyez-moi, ils feront tout pour cacher cela. » De plus, le procès aux É-U de Zacharias Moussaoui (le 20e pirate présumé) risque de s’effondrer, apparemment à cause de « la réticence de la CIA à autoriser des proches lieutenants d’Oussama ben Laden à témoigner au procès. » Deux des conspirateurs présumés ont déjà été relâchés pour cette même raison en Allemagne. En toute illégalité, le FBI continue de refuser la publication de Fatal Betrayals of the Intelligence Mission [fatale trahison des missions de renseignement], un manuscrit de 500 pages écrit par leur agent Robert Wright. Le FBI a même refusé de remettre le manuscrit au sénateur Shelby, vice-président de la commission d’enquête sur le renseignement chargée des investigations sur les failles du renseignement américain relatives au 11 septembre. Par ailleurs, le gouvernement des États-Unis refuse toujours de déclassifier 28 pages secrètes d’un rapport récent sur le 11 septembre. La rumeur a couru disant que Pearl s’intéressait particulièrement à tout rôle joué par les É-U dans l’entraînement ou le soutien de l’ISI. Daniel Ellsberg, l’ancien lanceur d’alerte du ministère de la Défense des États-Unis qui a accompagné Edmonds au tribunal, a déclaré : « Il me paraît tout à fait plausible que le Pakistan ait été très impliqué dans ceci… Parler du Pakistan, pour moi, est comme parler de la CIA car… il est difficile de dire si l’ISI savait quelque chose dont la CIA n’avait pas connaissance. » Les relations étroites entre Ahmed et la CIA sembleraient le confirmer. Pendant des années, la CIA a utilisé l’ISI comme canal pour injecter des milliards de dollars destinés aux groupes militants islamistes en Afghanistan, que ce soit avant ou après l’invasion soviétique de 1979. Depuis le début des années 80, avec le soutien de la CIA, l’ISI s’est développé en structure parallèle, un État dans l’État, avec des employés et des informateurs que certains estiment à 150 000. Il détient un énorme pouvoir sur tous les aspects du gouvernement. Le cas Ahmed confirme que des membres de l’ISI ont directement soutenu et financé Al-Qaïda, et il est établi depuis longtemps que l’ISI a agi comme intermédiaire au nom de la CIA dans des opérations de renseignement. Le sénateur Bob Graham, président de la commission permanente du Sénat sur le renseignement, a dit : « Je pense qu’il existe de nombreuses preuves probantes qu’au moins quelques terroristes étaient assistés et non uniquement financés… par un gouvernement étranger souverain. » Dans ce contexte, Horst Ehmke, ancien coordinateur des services secrets d’Allemagne de l’Ouest, a observé : « Les terroristes n’ont pas pu mener à bien une telle opération avec quatre avions détournés sans le soutien d’un service secret. » Cela pourrait donner un sens à la réaction au sujet du 11 septembre de Richard Clarke, le chef du contre-terrorisme à la Maison-Blanche, quand il a vu la liste des passagers le jour même : « J’étais sidéré… qu’il y ait sur ce vol des agents d’al-Qaïda enregistrés avec des noms connus par le FBI pour être des membres d’al-Qaïda. » Comme lui a dit le directeur du contre-terrorisme au FBI, Dale Watson, c’était simplement que « la CIA avait oublié de nous en parler. » Michael Meacher est Membre du Parlement, parti Travailliste, circonscription de Oldham West and Royton. Il a été ministre de l’Environnement de 1997 à 2003. Source : The Guardian, le 22/07/2004 Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source. |
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