Désertion fiscale, profits, fiscalité, droit du travail : le hold-up des actionnaires
Quelle drôle d'époque ! Alors que le niveau de profits des entreprises par rapport au PIB bat des records, l'agenda des multinationales continue à avancer. Elles veulent contester les choix des Etats ? Les tribunaux d'arbitrage (défendus par le TAFTA), le leur permettent. Elles veulent un contrat de travail plus souple ? Les pays européens s'exécutent. Elles veulent moins d'impôts ? Elles peuvent fuir le fisc, tout en comptant sur des baisses. Les marchés toussotent ? Les banques centrales se pressent à leur secours. En somme, des manifestations de la prise de pouvoir des actionnaires. Quand l'agenda du Medef s'impose Avec un peu de recul, difficile de ne pas voir à quel point l'agenda des grandes multinationales s'est imposé en quelques années, une drôle d'issue à la crise de l'ultralibéralisme en 2008, comme si nous accentuions tout ce qui nous avait mené au bord du gouffre, ainsi que je l'avais anticipé début 2009. Partout, le recul de l'Etat Providence s'accélère, au point que de nouveaux aéroports sont en vente, après celui de Toulouse… Le plus effarant est que la « gauche » au pouvoir ne va pas moins loin que la droite puisque le P'S' trouve le moyen de baisser les cotisations sociales patronales de 50 milliards et de fortement libéraliser le code du travail, en deux temps, avec les lois Macron et El Khomri, dépassant les dits Républicains par la droite sur les questions économiques, poussant ces derniers plus à droite encore. Car dans cette loi de la jungle économique, les nouveaux seigneurs sont bien les multinationales et non ces pauvres Etats en recherche de ressources fiscales, cherchent à les attirer par tous les moyens, quitte à baisser toujours davantage leurs impôts, comme on vient de le voir avec l'annonce, par la Grande-Bretagne, d'une baisse de son impôt sur les sociétés à 17%, alors même que les dépenses d'investissements ont été sacrifiées et divisées par deux en une décennie ! Cela est d'autant plus effarant que bien des multinationales continuent sans vergogne à localiser, artificiellement, mais légalement, les profits dans des parasites fiscaux pour échapper à leur contribution à la collectivité : le Luxembourg héberge 11% des profits des banques de l'hexagone, leur activité y étant beaucoup plus profitable… Ce que cela révèle, avec l'explosion des inégalités, c'est que les actionnaires sont aujourd'hui les maîtres de ce monde du laisser-faire et du laisser-passer, où l'argent sert de boussole. Nous vivons dans une sorte de jungle économique où les prédateurs ultimes sont ces actionnaires qui extraient toujours plus d'argent des entreprises qu'ils possèdent, sous la forme de profits (à des niveaux records), de dividendes ou de rachats d'action. Tels des Attila des temps modernes, la protection sociale, les emplois et les implantations du passé ne repoussent pas sous leur passage puisqu'ils organisent sans cesse une compétition violente et destructrice pour investir temporairement leurs fonds. Tout discours sur la compétitivité camoufle l'agenda brutal, égoïste et déséquilibré des actionnaires. Tout le problème est que cet ordre produit une course au moins-disant social, salarial, environnemental et normatif, qui ne profite qu'à une toute petite élite, inconsciemment achetée pour servir ses actionnaires cupides et destructeurs. Toute la question est de savoir comment leur règne prendra fin. Le succès de Bernie Sanders ouvre la voie à une issue démocratique, comme dans d'autres pays européens. |
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