Crimée (et) Châtiments!(Russie/Otan Questions à Jacques Borde)
source : BforBORDE | Le Blog RetEx de Jacques BordeOù en est-on de la tension autour de l’Ukraine et la Crimée ?
Jacques Borde – Les choses n’évoluent guère. Pas dans le sens de l’apaisement, en tout cas. Les deux camps – entendez Washington et Moscou – en sont toujours à échanger des amabilités (sic). L’Otan se distinguant par sa mauvaise humeur diplomatique. Mais, tout ça reste malgré tout assez cosmétique. En fait, l’Alliance atlantique tente surtout de profiter de la crise actuelle pour renforcer ses liens avec Kiev, où la nouvelle administration est plus réceptive que les précédentes. C’est, somme toute, de bonne guerre. Qu’elle y parvienne : ça c’est une autre histoire !
Et, selon vous, y aura-t-il des conséquences fâcheuses ?
Jacques Borde – Dans les relations Russie/Otan, vous voulez dire ? Cela dépend de ce que vous entendez par là ! Bien évidemment, il n’y aura pas de confrontation directe entre l’Ouest et l’Est. Ni de chocs asymétriques, d’ailleurs. En revanche, le rapport de forces global entre Moscou et Washington est, déjà, en train de se modifier, mais plutôt en faveur de Moscou. D’où les sautes d’humeur de M. Rasmussen. À noter, qu’en dépit des déclarations intempestives des uns et des autres, rien de définitif n’a été décidé au sein de l’Alliance…
Et concrètement ?
Jacques Borde – Désormais russe, la Crimée va reprendre son rôle dans la capacité de projection des forces russes, notamment stratégiques. Ce qui modifie sensiblement la donne.
Sous quelles formes ?
Jacques Borde – Des formes très pratiques. Selon des informations glanées par la Rossiïskaïa Gazeta, la Base aérienne de Gvardeïskoe, près de Simféropol, pourrait accueillir un régiment de bombardiers stratégiques Tu-22M3 Backfire.
Un coup dur pour les Occidentaux ?
Jacques Borde – Un retour à de bonnes vieilles habitudes, en tout cas. En effet, à l’époque soviétique, la 2e Division d’aviation de la Flotte de la mer Noire comptait trois régiments de bombardiers basés à Gvardeïskoe, Vesseloe et Oktiabrskoe. Or, après le partage de ladite flotte, la Russie a récupéré 19 Tupolev, mais qui ont dû être retirés de Crimée. Les 20 restant, devenus ukrainiens ont été démantelés. Ce qui devrait être acté, côté russe, c’est le retour de ses bombardiers stratégiques à Gvardeïskoe.
Que vaut le Backfire ?
Jacques Borde – C’est bien là le problème ! Vu de l’Ouest, le Tu-22M3 Backfire reste une redoutable monture. Assez joliment, les militaires l’ont baptisé «dévoreur de navires». Ce qui définit assez nettement l’état de la menace qu’il fait peser sur ses adversaires potentiels ! Déjà, le Tu-22M3 pouvait tirer les missiles Kh-22 et Kh-15. La modernisation du Tu-22M3 de ces dernières années a démultiplié les performances opérationnelles de l’appareil. Comme l’a écrit Piotr Butowski, «c’est sans doute l’un des points les plus importants du vaste chantier d’aménagement dont font aujourd’hui l’objet les bombardier à loge rayon d’action Tu-22 Backfire de la Force aérienne russe : l’intégration du nouveau missile air/sol supersonique Kh-32, successeur désigné du Kh-22 qui fut l’armement de choix du Backfire à son entrée en service».
Or, on ne connait pas les caractéristiques précises de l’engin développé par le missilier Raduga, il est simplement supposé avoir une portée double du Kh-22. Vous me direz que ça vous fait une belle jambe ! À cela près, comme nous le rappelle Piotr Butowski «…dans sa version antinavire le Kh-22 est donné pour 350 km de portée, et jusqu’à 500 km par sa version d’attaque à terre (Kh-22A)». Soit une portée minimale de 700 km ! Et, ça n’est pas tout, car, comme l’écrit encore Butowski, «… une version améliorée du Kh-32 se profile déjà l’horizon» qui aurait pour nom Kh-32M. Nos confrères parisiens publiant même en exclusivité une photo d’un Tu-22M3 emportant, à fins d’essais, deux de ces missiles Kh-32M. Et ça n’est pas fini !
Et…
Jacques Borde – Trois choses en fait. Primo, les Russes travaillent actuellement sur un nouveau standard pour le Backfire : le Tu-23M3M5. Standard auquel devrait être porté une bonne trentaine des Tu-23 en dotation.
Secundo, comme nous l’apprend Air & Cosmos, le Backfire «pourrait également recevoir le missile subsonique Kh-SD similaire à l’AGM-158 JASSM6 américain et doté d’une porte de 2.000 km».
Tertio, les Russes travaillent sur un «missile supersonique d’environ 1.000 km de portée», le Kh-MT.
On le voit, le retour des Backfire russes en Crimée, n’a rien d’anodin.
Et il est tout aussi clair que si, conformément à ce croit savoir la Rossiïskaïa Gazeta, Moscou décidait de déployer ses Backfire sur la péninsule, un seul régiment de ces «dévoreurs de navires» suffirait à la tâche…
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