Révélations sur le « plus grand hold-up de l’histoire »
Plus de 16 000 milliards de dollars : c’est la somme colossale que la Réserve fédérale aurait fournie à des banques et des entreprises américaines et étrangères au cours de la pire crise économique que le monde ait connue depuis la Grande dépression. C’est du moins ce qui ressort de la mission d’étude de l’organe de vérification de la Chambre haute américaine, initiée par le sénateur républicain Ron Paul. Le « plus grand hold-up de l’histoire » ourdi dans l’ombre?
Le sénateur républicain Ron Paul. Photo : Gage Skidmore/Flickr
Alors que Ron Paul mène une bataille épique contre la Fed, la Banque centrale américaine, une première victoire a été obtenue par cet homme politique avec la divulgation d’un rapport du GAO(Gouvernment Accountability Office) qui est l’organe d’état de vérification des comptes du Sénat.
Ron Paul, un chevalier blanc
En quelques mots, Ronald Ernest « Ron » Paul (né le 20 août 1935) est un homme politique américain, membre du parti républicain, représentant du Texas à la Chambre des représentants (de 1976 à 1985, et de nouveau depuis 1997). Partisan du libertarianisme, il préconise un État fédéral au rôle limité, de faibles impôts, des marchés libres, une politique étrangère non interventionnisteainsi qu’un retour à des politiques monétaires basées sur des métaux (or, argent) pour étalon. Il est parfois surnommé « Doctor No » au Congrès parce qu’il vote contre toutes les lois qui, selon lui, violent la constitution américaine ou qui augmentent les impôts ou les revenus des membres de la Chambre des représentants.
16 000 milliards de dollars, une somme colossale
À titre d’étalon de comparaison, le PIB de la France, c’est-à-dire l’ensemble de la richesse produite en un an en France, s’élève à environ 2000 milliards d’euros. Notre budget, en tout cas l’ensemble des recettes de l’État, est d’environ 350 milliards d’euros. Le premier audit de la Réserve fédérale a permis de découvrir de nouveaux détails sur la façon dont les États-Unis ont fourni la modique somme de 16 000 milliards de dollars de prêts secrets pour renflouer les banques américaines et étrangères ainsi que les entreprises durant la pire crise économique depuis la Grande Dépression.
Il ne faut pas non plus oublier les (plus de) 10 000 milliards de dollars prêtés via des accords deswap aux autres banques centrales et dont la BCE, la Banque centrale européenne, a été la première bénéficiaire avec plus de 8000 milliards de dollars. Il faut donc retenir que sur une période de 2007 à fin 2008 les États-Unis ont injecté plus de 26 000 milliards de dollars dans le système financier international. Phénoménal!
Une bataille épique
Vous comprenez pourquoi Ron Paul et quelques hommes politiques le plus souvent « marginaux » mènent une bataille épique contre la Fed pour la forcer à se prêter à des audits indépendants et surtout réguliers. Car ces chiffre ne concernent qu’une période d’environ un an et demi. Et depuis ?
Pour ce sénateur américain qui a dirigé cette mission d’étude, la situation est claire et sans ambiguïté. « À la suite de cette vérification, nous savons maintenant que la Réserve fédérale a fourni plus de 16 000 milliards de dollars en aide financière totale aux plus grandes institutions financières et à de grandes sociétés aux États-Unis et dans le monde ».
« Il s’agit d’un cas évident de socialisme pour les riches et d’individualisme pour tout les autres.» Pour le sénateur Sanders, « aucune agence du gouvernement des États-Unis ne devrait être autorisée à procéder au renflouement d’une banque étrangère ou d’une société sans l’approbation directe du Congrès et du Président ». Pourtant, c’est bien ce qui s’est passé dans la plus grande opacité et sans contrôle démocratique.
L’organe d’enquête du Congrès a également déterminé que la Fed ne dispose pas d’un système complet destiné à régler et prévenir les conflits d’intérêts, malgré le potentiel élevé d’abus. En effet, toujours selon le rapport, la Fed a fourni des « dérogations de conflit d’intérêts » aux employés et aux entrepreneurs privés afin qu’ils puissent maintenir leurs participations dans les mêmes institutions financières qui recevaient et qui donnaient les prêts d’urgence.
Il est notamment cité le directeur général de JP Morgan Chase, membre la Réserve fédérale de New York, alors que dans le même temps, sa banque (JP Morgan) a reçu plus de 390 milliards de dollars en aide financière de la part de la Fed. On apprend également, et ce, de manière totalement officielle queMorgan Stanley a reçu près de 108 millions de dollars de commissions pour aider la Fed à gérer le plan de sauvetage, notamment d’AIG.
Ce rapport montre également que quelques grandes banques françaises ont bénéficié d’aides particulièrement importantes alors que l’on vous expliquait doctement que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ainsi, BNP Paribas, à travers les programmes TSLF et TAF a perçu plus de 105 milliards de dollars, tandis que la Société Générale (à qui, je vous le rappelle, l’affaire Kerviel aurait coûté 5 milliards d’euros) aurait perçue environ 124 milliards de dollars… La palme revient à une banque américaine, Citigroup avec la modique somme de 1756 milliards de dollars. Mais, à ces niveaux, on est plus à un ou deux milliards près…
Une triple conclusion s’impose. Il s’agit bien du plus grand hold-up jamais organisé dans l’histoire économique du monde. Je pense qu’il fallait sauver le système ou, à tout le moins, lui permettre d’éviter un effondrement brutal qui aurait entrainé le monde dans un cataclysme majeur. Mais ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi. Le système financier mondial continue à aller très mal. Lesdonnées récentes manquent pour avoir une vision claire de la situation. Ce qui est sûr, c’est que l’or à encore de beaux jours devant lui lorsque l’on voit les montants de « fausse » monnaie en jeux. Enfin, comme le dit le sénateur Sanders : « La Réserve fédérale doit être réformée pour répondre aux besoins des familles qui travaillent, et pas seulement des PDG de Wall Street. »
Mais cela devrait aussi s’appliquer à la Banque centrale européenne qui, d’ailleurs, a annoncée par la voie de son gouverneur, Mario Draghi, que les données des rachats illimités d’obligations seraient rendus public ; pour certaines, toutes les semaines, et pour d’autres, tous les mois. C’est déjà un bon début.
Dernière minute :
La banque centrale américaine (Fed) a pris le risque jeudi d’ouvrir une nouvelle porte sur l’inconnu en décidant de créer encore de la monnaie en masse pour tenter d’accélérer la baisse du chômage.
La Réserve fédérale des Etats-Unis va plus loin qu’elle n’a jamais été. En décidant de racheter des titres adossés à des créances immobilières émis par les organismes de refinancement hypothécaire parapublics (Fannie Mae et Freddie Mac), elle revient à des mesures prises à l’automne 2008 quand l’économie américaine était en chute libre.
Mais quand il y a quatre ans elle s’engageait à racheter un montant fixe de titres, elle prévoit cette fois-ci d’en racheter pour 40 milliards de dollars par mois jusqu’à ce qu’elle observe une “amélioration soutenue” du marché du travail, et d’augmenter la dose tant que ce résultat ne sera pas atteint.
La Fed estime que son action, en pesant sur les taux à long terme, contribuera à hâter la reprise du marché immobilier, mais ça n’est pas son objectif premier. Autre différence majeure par rapport à 2008, ces nouveaux rachats viennent après deux phases d’”assouplissement quantitatif”, qui l’ont vu injecter dans le circuit financier 2.300 milliards de dollars créés à partir de rien, et risquent donc de compliquer encore la normalisation future, repoussée à un horizon toujours plus lointain, de la politique monétaire américaine.
Pour les économistes du cabinet RDQ Economics, le président de la Fed, Ben “Bernanke emmène d’autorité la politique monétaire américaine toujours plus loin en terre inexplorée”. Leur confrère Michael Gapen, de Barclays Capital, qualifie d’”audacieux” le nouveau cap de la banque centrale.
Par le passé, note-t-il, les investisseurs “avaient une connaissance assez concrète du montant total des achats (de la Fed) et du délai dans lequel ces rachats seraient réalisés. (…) Le nouveau programme de rachat, à durée indéterminée, leur fournit moins de renseignements à l’avance”.
Fuite en avant
Par bien des aspects, le nouveau cap de la Réserve fédérale s’apparente à une fuite en avant. Les économistes de la maison de courtage Nomura, estiment que compte tenu de la conjoncture, la Fed n’aura pas de sitôt les 3,0% de croissance du PIB sur plusieurs trimestres nécessaires à la “baisse soutenue du chômage” qu’elle espère.
Par bien des aspects, le nouveau cap de la Réserve fédérale s’apparente à une fuite en avant. Les économistes de la maison de courtage Nomura, estiment que compte tenu de la conjoncture, la Fed n’aura pas de sitôt les 3,0% de croissance du PIB sur plusieurs trimestres nécessaires à la “baisse soutenue du chômage” qu’elle espère.
Par conséquent, la banque centrale devra presque inéluctablement augmenter ses rachats sur les marchés, probablement dès le mois de janvier. La Fed a également adopté jeudi une position de principe peu conforme à l’orthodoxie des banques centrales en s’engageant à maintenir une politique monétaire ultra-accommodante “pendant un temps considérable”, même “après le renforcement de la reprise”.
M. Bernanke a expliqué à demi-mot que la Fed était comme contrainte de passer à l’offensive dans la mesure où elle est actuellement la seule à pouvoir agir, le Congrès étant totalement bloqué par l’incapacité des démocrates et des républicains à s’entendre sur les questions budgétaires et économiques. “Nous essayons simplement de faire évoluer l’économie dans la bonne direction”, a-t-il dit, mais la politique monétaire n’est pas “la panacée” aux problèmes du pays.
Joel Naroff, de Naroff Economic Advisors, “soupçonne que (les dirigeants de la Fed) ont décidé ces actions d’une nature très agressive par crainte de voir la modeste croissance actuelle (…) capoter à cause d’un Congrès aux abonnés absents”. Reste à en connaître les effets sur la croissance et l’emploi. Nombre d’analystes estiment aujourd’hui qu’ils risquent d’être limités.
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