Nous pouvons constater qu'il y a un consensus mou de soutien majoritaire à la nouvelle équipe en place, depuis l'élection de François Hollande à la présidence. Plusieurs facteurs l’expliquent.
Par Jean-Claude Gruffat, depuis New-York, États-Unis.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.
J’étais passé brièvement à Paris a deux reprises, après les élections présidentielle et parlementaire de mai/juin. Mes observations sont bien évidemment superficielles, sans doute biaisées, mais je vous les livre néanmoins.
Je constate qu'il y a un consensus mou de soutien majoritaire à la nouvelle équipe. Plusieurs facteurs l’expliquent.
Premier facteur, la Présidence « normale » avec la prise de conscience de la crise. Il est bien temps, me direz-vous, mais maintenant tout le monde en parle, majorité, opposition, et peu de zones géographiques génèrent de la croissance. Mêmes les BRICS inventées par Goldman Sachs ne délivrent plus les « double » ou « high single digit growth ». Le gouvernement est dans une gestuelle qui plait, fini le temps où Lionel Jospin reconnaissait son impuissance devant les plans sociaux.
Deuxième facteur, on va enfin "faire payer les riches", en prenant l’argent où il est supposé être : les particuliers dits fortunés (contribution exceptionnelle sur la fortune, droits de successions augmentés, donations en franchise d’impôts limités). Taxe sur les activités financières, sur-imposition des banques… Les rémunérations des dirigeants du secteur public sont captées, ceci est aussi bien perçu dans l’opinion, surtout lorsque les gestions ont été calamiteuses.
Troisième facteur, les promesses de campagne, à tout le moins les plus emblématiques, sont mises en œuvre, telles le retour conditionnel à la retraite à 60 ans, plus un relèvement du SMIC.
Quatrième élément, pas de chasse aux sorcières. Et dans les secteurs que je connais un peu d’expérience, rien de contestable à la nomination de Jean-Pierre Jouyet à la Caisse des Dépôts. Et au retour à sa place à l’AMF de Gérard Rameix, qui connait bien cette institution dont il a été le secrétaire général durant une dizaine d’années.
De même, il y a continuité dans la politique étrangère et de défense. Bien sûr, comme promis, on accélère le retour des unités combattantes engagées sur le terrain en Afghanistan. Mais sur la Syrie, l’Iran, Israël et l’État Palestinien, pas de rupture significative. Et l’on peut parier sans grand risque que la commission Védrine ne remettra pas en cause le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.
L’Europe aussi est traitée dans la continuité, avec aussi peu de résultats tangibles que sous la Présidence de Nicolas Sarkozy. Certes on bouscule un peu nos partenaires allemands, mais aucun mouvement vers un fédéralisme économique, type mutualisation de la garantie des dépôts, ou des dettes par les fameux Eurobonds. Et transfert de fait de la gestion de crise à la BCE, dépourvue du droit d’achat des créances souveraines par le traité fondateur et l’oukase de la Bundesbank. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore. On continue ainsi de sommet en sommet à, selon l’expression anglo-saxonne imagée, « kick the can ». Ce qui conduira à terme à la sortie de la Grèce de la zone Euro, peut-être de l’Union Européenne, probabilité 75% en 2013, avec des conséquences sérieuses pour ce pays, et un effet possible de contagion sur d’autres pays du Sud. La crise de la dette souveraine est devenue celle de l’insuffisante capitalisation du système bancaire européen face aux write offs non encore constatés, et aux besoins de refinancement pour lesquels les marchés montrent peu d’appétit. Entre temps, grâce au LTRO de la BCE, et autres palliatifs, son bilan pèse désormais environ le tiers du PIB de la Zone euro. Comme l’avait en termes plus diplomatiques déclaré Ben Bernanke à la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole en aout 2011, on ne peut pas uniquement compter sur la Fed ou ses grands équivalents pour faire le travail que les politiques n’ont pas le courage de prendre sous leur responsabilité de dirigeants soumis à réélection.
Le consensus mou de satisfaction résignée est renforcé par la déconfiture de l’opposition. En tout cas de l’opposition dite républicaine. La contestation pour la Présidence de l’UMP, galop d’essai pour la future présidentielle, ne passionne pas l’opinion. Prenons le pari que le candidat de droite en 2017 ne sera sans doute aucun de ceux qui se partageront en novembre les suffrages des militants UMP dans cette primaire fermée. Quant au Front National, on ne l’entend plus, comme si son objectif désormais atteint n’était que la défaite du Président sortant.
Ceci veut-il dire que la gauche est solidement installée au pouvoir pour toute la mandature ? Je ne le pense pas car, dès 2013, la nouvelle administration devra faire face à la situation catastrophique des finances publiques et des régimes sociaux, encore détériorés par une gestion des déficits qui privilégie quasi exclusivement les nouvelles recettes aléatoires, qui ne seront pas au rendez-vous compte tenu du niveau déjà excessivement élevé de nos prélèvements. Clairement nos dirigeants ne croient pas à la courbe de Laffer, ni même au message bien français selon lequel "trop d’impôt tue l’impôt". Je ne sais quel est le niveau optimum d’imposition directe acceptable, mais nous l’avions dépassé sous les administrations dites de droite et la gauche a considérablement augmenté la pression avant même la mesure supposée temporaire de taxation des revenus supérieurs à 1 million d'euro au taux confiscatoire de 75% plus plus.
Le non retour dans les ordres de déficits réclamés par l’Europe déclenchera très vite de nouvelles mesures de baisse de la note française, S&P puis Moody’s et Fitch, ce qui rendra nos financements et refinancements de la dette souveraine et sociale plus difficiles et en tout cas plus onéreux, pour les 2/3 sur les marchés institutionnels étrangers, alors que l’Amérique n’est dépendante de ces investisseurs que pour un peu plus de la moitié de sa dette, et pour l’intégralité dans sa monnaie.
Que ces échéances se concrétisent en 2014 ou plus vraisemblement en 2013, et elles coïncideront avec une sortie de la Grèce dite Grexit, et on mesure la gravite prévisible de la situation.
Je ne sais comment nos dirigeants géreront cette crise inévitable mais on peut craindre une nouvelle poussée des populismes et des troubles sociaux majeurs.
Le consensus mou aura alors bien vécu.
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Sur le web.
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