La chèvre et le chou
Donc Emmanuel Macron ne veut toujours pas démissionner, parait-il, et Hollande ne veut toujours pas virer Christiane Taubira.
A première vue, et même si notre microcosme en fait des gorges chaudes, cela n'a strictement aucune importance puisque le ministre de l'Economie est désormais totalement court-circuité par l'inénarrable « ministresse » du Travail, la franco-marocaine Myriam el Khomri, qui ne sait toujours pas ce qu'est un contrat de travail à durée déterminée et que la Garde des sceaux, jadis intarissable sur toutes nos ondes, a disparu de tous les radars de la notoriété après avoir sans doute reçu une bonne fois pour toutes ordre de se traire à tout jamais.
Mais ce qui est amusant à observer, une nouvelle fois, ce sont les incohérences du président de la République et sa totale incapacité à décider, à choisir, à trancher.
Ses amis nous disent que, la campagne pour la présidentielle ayant déjà commencé, il est normal que François Hollande souhaite avoir « plusieurs fers au feu ». En clair, lui dont on ne sait plus –et lui-même d'ailleurs ne le sait plus- s'il est encore socialiste version Guy Mollet, social-démocrate version Delors, social-libéral ou carrément libéral mais qui sait que, s'il veut avoir la moindre chance de renouveler son bail à l'Elysée, il va devoir ratisser très large, de la gauche échevelée et même crépue à la droite du meilleur aloi, chère à la haute finance qu'il disait jadis haïr.
Il a donc besoin de Christiane Taubira pour faire croire aux derniers vieux gauchos qu'avec elle il va « foutre en l'air » la société des bourgeois hétérosexuels. Mais il a aussi besoin d'Emmanuel Macron pour tenter de rassurer les banques, les chefs d'entreprise et la très grande majorité des Français qui sont, bien souvent, à la fois de modestes salariés, de modestes épargnants et de vrais contribuables.
L'ennui pour Hollande c'est qu'entre l'indépendantiste guyanaise et l'ancien de chez Rothschild, il n'a plus grand monde à mobiliser autour de lui. Les troupes traditionnelles du PS ont fondu comme neige au soleil et Hollande a tort de croire que toutes les nouvelles recrues du Front National viennent toutes des rangs de l'ancienne UMP. Il y a sans doute aujourd'hui chez Marine Le Pen davantage de déçus du PS que de déçus de l'UMP.
Le grand espoir de Hollande était, évidemment, de se retrouver au premier tour de la présidentielle en compétition avec Nicolas Sarkozy. Les Français n'ayant pas oublié qui était l'ancien président de la République et le portant encore moins dans leur cœur que son successeur, Hollande avait toutes les chances de se qualifier pour le second tour et donc de l'emporter en face de Marine Le Pen.
Mais le casting de rêve pour Hollande semble bien changer. D'abord, la présence de Macron pourrait bien inciter les communistes, le parti de gauche, les écologistes et même les frondeurs autour d'un Montebourg ressorti des cartons à présenter leur(s) propre(s) candidat(s).
Ensuite et surtout, la droite pourrait finir par s'apercevoir que Sarkozy n'est décidemment plus le bon cheval. Non seulement parce que son retour dans l'arène n'a pas provoqué l'enthousiasme qu'il espérait, même chez ses aficionados, mais aussi parce qu'on sait que s'il est le candidat désigné de la droite, Bayrou sera candidat au centre et fera perdre à Sarkozy sept ou huit points particulièrement précieux pour un premier tour aussi disputé.
Quels que soient l'âge et le passé de Juppé, la droite est (comme la gauche) sensible aux sondages et n'hésite jamais à courir à la victoire. Juppé donné vainqueur par toutes les études d'opinion, grâce aux voix de la droite et du centre, devient pour tous les électeurs de droite et du centre le meilleur des candidats à envoyer au combat.
Face à Juppé, Hollande sait que, dans l'état actuel de l'opinion, il n'arriverait péniblement que troisième en demi-finale et serait donc éliminé.
On nous parle actuellement, avec insistance, d'un possible remaniement, Laurent Fabius souhaitant quitter le navire en perdition pour aller se réfugier au Palais Royal, sous les dorures confortables du Conseil Constitutionnel. Hollande pourrait bien en profiter pour procéder à un grand chamboulement et se constituer un « gouvernement de la dernière chance ». Pour une fois, il pourrait choisir entre la chèvre et le chou.
Contre Sarkozy, droitisé à outrance, il aurait pu jouer le centre avec Macron. Contre Juppé, gaullo-centriste, il ne peut jouer que la gauche. Mais avec qui ? Taubira ne fait évidemment pas le poids. Valls est-il encore utilisable à gauche ? Non.
Aujourd'hui, nous avons donc un chef d'Etat à la recherche d'un oiseau rare lui permettant de redevenir un candidat de gauche crédible. La situation est pour le moins cocasse ! Les mois qui viennent promettent d'être riches en surprises et en rebondissements.
Et que le meilleur gagne !
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