Cette allégance aux actionnaires qui réunit May, Trump et Fillon
2016 restera sans nul doute l'année où les peuples ont voté pour le changement, en Grande-Bretagne, pour sortir de l'UE, aux Etats-Unis, en élisant un candidat très atypique, et en France, en envoyant les deux favoris des sondages des primaires des Républicains à la retraite. Mais derrière le vent de nouveauté qui émane de ces nouveaux leaders, apparaît de plus en plus une grande continuité.
L'alternance sans alternative
Bien sûr, Theresa May a apporté un vent de fraicheur, en prenant la défense du vote de ses concitoyens, que certains voulaient, de manière très anti-démocratique, remettre en question, ou par ses propos sur l'industrie et la nécessité de mieux partager le progrès. Donald Trump a touché juste en dénonçant les conséquences dramatiques de l'anarchie commerciale, qui a détruit tant d'emplois dans son pays, tout en proposant ce contrôle des frontières tabou pour les élites globalisées. Et François Fillon a sans doute profité de son refus des excès de la politique spectacle tout en défendant des idées pas toujours en odeur de sainteté dans les grands médias, ou même dans l'opinion, donnant l'image d'un homme de convictions, à défaut de prendre la bonne direction, surtout économiquement.
Mais il y a un sujet sur lequel les trois se retrouvent pleinement : la baisse drastique de la fiscalité pour les entreprises. Theresa May envisage d'aller encore plus loin dans les baisses de l'impôt sur les sociétés mises en place par son prédécesseur : elle envisage de le descendre à 15, ou même 10% désormais. Donald Trump propose un plan considérable de baisse des impôts, qui concerne les particuliers, mais également les entreprises, puisque le taux étasunien, un des plus hauts du monde (à près de 40%), même s'il y a bien des moyens de réduire la facture, pourrait baisser lui-aussi à 15% ou 20%. Et Fillon veut d'abord utiliser les plus de 100 milliards de baisse de la dépense publique et la hausse de la TVA pour baisser plus encore les coûts des entreprises, ainsi que l'imposition de leurs profits.
Il y a quelque chose d'assez stupéfiant à voir ces trois dirigeants politiques aller dans une direction aussi aberrante. Rien, absolument rien, ne justifie de tels choix. Les profits des entreprises sont à des plus hauts historiques, au point d'inquiéter le pourtant peu hostile au business The Economist. Cette capacité accrue des grands groupes à accroître leurs marges devrait au contraire pousser à une hausse de la fiscalité sur leurs profits, plutôt que d'en laisser une proportion toujours plus importante à ces actionnaires qui n'ont pas été aussi riches depuis bien longtemps, comme le montre l'explosion des inégalités. Bref, non seulement, ils vont dans le sens contraire des intérêts des classes populaires qui aspirent le plus au changement, mais leurs choix économiques sont injustifiables socialement.
Il y a près de 8 ans, j'envisageais que la crise de 2008 accoucherait d'un renforcement paradoxal des idées ultralibérales. Jamais peut-être n'aurais-je davantage souhaité me tromper. Les thèses progressistes, dans le domaine économique, perdent du terrain, malgré quelques étincelles intéressantes. Car le pire, c'est que les idées ultralibérales ne semblent plus tellement rebuter la majorité des électeurs.
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