TRANSCRIPTION
Voici une transcription en français fournie par le site italien ilfattoquotidiano.fr qui précise : ne parlant pas allemand, nous avons traduit en français la version italienne de cette vidéo. Il est possible que certaines erreurs mineures se soient ainsi glissées. Vous voudrez bien nous en excuser.
Monsieur le président, Madame la Chancelière, Mesdames, Messieurs.
En des temps meilleurs, la politique étrangère allemande avait deux priorités : l’intégration européenne, et une politique de bon voisinage avec la Russie. Cela devrait vous inquiéter, Madame Merkel, si vous daigniez m’écouter, que presque dix ans après votre nomination comme chancelière, les nationalismes et les conflits en Europe prospèrent plus que jamais, et que les dissensions avec la Russie laissent la place à une nouvelle Guerre froide.
Le directeur de l’influent think-tank Stratfor, lors d’une récente conférence de presse, a dressé une liste claire des intérêts spécifiques des USA en Europe : le principal est celui d’éviter une alliance entre l’Allemagne et la Russie, car, je cite : « Ensemble, ils seraient la seule puissance capable de menacer les États-Unis. »
Cette supposée menace des intérêts américains a été repoussée avec succès dans l’immédiat. L’Union européenne est née, et a cherché dans le contexte du partenariat avec l’Est, à casser toute coopération économique et politique entre les pays intéressés et la Russie. Mme Merkel, cela visait évidemment et directement la Russie ! Ce n’était pas dans l’intérêt des pays concernés.
Vous avez forcé l’Ukraine à choisir. Résultat : le pays a perdu une grande partie de son industrie, et est aujourd’hui en faillite, les gens y meurent de faim ou de froid, et les salaires y sont inférieurs à ceux du Ghana. Mais la confrontation avec la Russie n’a pas fait que détruire l’Ukraine, elle a endommagé toute l’Europe. Et ce n’est pas un secret, les États-Unis attisent le conflit avec la Russie aussi pour des motifs économiques. Quand le gouvernement US parle de droits de l’homme, il s’agit souvent de droits de prospection gazière ou sur des gisements. Et justement, avec tous ces gisements de gaz de schiste en Ukraine, les perspectives d’exploitation sont énormes. Si maintenant dans l’Union énergétique, on parle de nouveaux oléoducs, et d’indépendance croissante vis-à-vis du gaz russe, il faut dire honnêtement aux gens ce que cela implique : une dépendance toujours plus grande vis-à-vis du gaz de schiste, bien plus cher et dévastateur pour l’environnement.. Et je ne pense pas que cela soit une perspective responsable.
La liste des anciens dirigeants qui ont critiqué votre politique vis-à-vis de la Russie, Mme Merkel, est longue : on y trouve vos prédécesseurs, Gerhard Schroder, Helmut Kohl, Helmut Schmidt, ou encore Hans-Dietrich Genscher. Cela vous a sans doute poussée à changer de position, en tout cas, il fut judicieux de votre part de lancer ces négociations communes avec M. Hollande. L’accord Minsk II a permis à cette région du monde voir diminuer drastiquement le nombre de victimes par rapport aux semaines et aux mois précédents, et cela a ouvert la voie à une solution pacifique. C’est évidemment… un résultat important. Et vous, Mme la Chancelière et le président français en portez tout le mérite.
Mais ceux qui veulent la paix et la sécurité en Europe ne doivent pas se contenter des accords Minsk II, mais aller de l’avant, décidés et la tête haute. C’est évidemment un problème, car faculté de décision et tête haute ne font pas partie de vos caractéristiques ! D’après l’OSCE, les deux parties ont violé à plusieurs reprises le cessez-le-feu. Vous avez encore demandé, Mme Merkel, de lever les sanctions contre la Russie si Minsk II était respecté. Bien sûr qu’il est inacceptable de voir les rebelles continuer à tirer. Mais que l’armée ukrainienne ou les bataillons nazis qui les épaulent, continuent de tirer, cela est tout autant inacceptable ! Et vous n’avez rien dit à ce sujet.
Vous n’avez émis aucune critique non plus sur le fait que l’Ukraine veut dépenser quatre fois plus d’argent pour acheter des armes, alors que ce pays est menacé de faillite dès cette année. Cela ne montre pas que le gouvernement ukrainien veut vraiment aller vers la paix. De même, l’envoi de conseillers militaires et la vente d’armes par les USA et la Grande-Bretagne peuvent être interprétés comme une atteinte, plutôt qu’un soutien, au processus de paix. Mais doit-on pour autant imposer des sanctions contre les USA et la Grande-Bretagne ?
Je pense qu’il vaudrait mieux admettre que cette politique de sanctions ne fut qu’une énorme erreur, que l’Europe s’est tiré une balle dans le pied, et que les sanctions doivent être levées. De même, nous n’avons pas besoin de chars d’assaut ni d’une force d’intervention de l’OTAN de 3000 hommes en Europe de l’Est qui ne protègera personne et menacerait encore plus la paix en Europe.
Helmut Schmidt avait raison quand en 2007, il disait que le risque pour la paix dans le monde venait bien moins de la Russie que des USA, et que l’OTAN n’était qu’un instrument de l’hégémonie américaine. Si cela est vrai, la seule conclusion qui s’impose est que l’Europe doit avoir une politique autonome et indépendante de celles des USA. M. Juncker vient de déclarer que nous avions besoin d’une armée européenne pour montrer que nous prenions au sérieux la défense des valeurs européennes face à la Russie. Cette proposition montre une seule chose : l’Union européenne est à des années-lumière de ce qu’avaient voulu ses pères fondateurs. On évoquait à l’époque – et vous venez juste d’en parler, Mme Merkel -, on parlait de la paix, la démocratie, la solidarité. Jamais plus les peuples ne seraient séparés par les nationalismes et la haine.
À vrai dire, nul besoin de chars d’assaut pour défendre ces valeurs. Si vous voulez vraiment défendre la démocratie, Mme Merkel, il suffit de vous engager pour que les pays européens soient finalement dirigés par leurs gouvernements élus, et non par les marchés financiers, par l’ex-banquier Mario Draghi, pas plus que par vous, Mme Merkel. Et si vous voulez la démocratie, arrêtez les négociations sur le grand Traité transatlantique, ce TAFTA, dont l’adoption réduirait les élections démocratiques à une vaste farce. Voilà comment vous devez défendre les valeurs européennes, la démocratie ! Quittez les négociations sur le TAFTA et les accords similaires !
Si vous voulez une Europe unie, cessez d’humilier les autres pays et d’imposer des programmes qui enlèvent toute perspective aux générations futures. Arrêtez d’essayer d’imposer à l’Europe de soi-disant réformes structurelles, qui finissent par creuser les inégalités et par sanctionner les salaires les plus bas ! Les conséquences, ici en Allemagne, ce sont plus de 3 millions de personnes qui travaillent, mais ne gagnent pas assez pour se chauffer correctement, qui ne mangent pas à leur faim, et qui ne partent certainement pas en vacances.
Au lieu de dire que cette politique est un succès à exporter ailleurs, le moment est venu, ici en Allemagne, – et dans l’intérêt de l’Europe – de changer de politique, car c’est ici qu’a débuté ce qui empêche les autres pays de l’Union monétaire de respirer. Le ministre des Finances, M. Schauble, a dit du récent gouvernement grec : « Voyez-vous, gouverner c’est avoir rendez-vous avec la réalité. »
On ne peut qu’être d’accord ! Ça serait tellement beau si c’était vrai, et si le gouvernement allemand avait finalement rendez-vous avec la réalité ! Car en réalité, ce n’est pas le parti Syriza, mais les partis grecs apparentés à la CDU, à la CSU et au SPD qui ont accumulé sur des décennies une énorme dette en s’enrichissant eux, et les catégories privilégiées.
De même, la réalité, c’est que la Grèce était déjà surendettée en 2010, et c’est par une appropriation irresponsable de l’argent des contribuables allemands que la dette des Grecs a été remboursée aux banques. D’ailleurs nous n’étions pas d’accord. Nous avions demandé une réduction de la dette. Si vous prêtez à une personne surendettée, vous ne reverrez probablement pas votre argent. Mais c’est votre faute, Mme Merkel et M. Schäuble, pas celui de l’actuel gouvernement grec, qui est au pouvoir depuis moins de deux mois.
La réalité, c’est aussi que grâce à cette troïka que vous appréciez tant, et dont les activités criminelles sont bien détaillées dans le documentaire d’Harald Schuman, sous ce protectorat, la dette grecque a encore augmenté, et les milliardaires grecs se sont enrichis ultérieurement. Je n’ai qu’un mot : faites de beaux rêves ! Si vous voulez récupérer notre argent, allez le demander à ceux qui l’ont empoché. Non pas auprès des infirmières ou des retraités grecs, mais auprès des banques internationales et des catégories grecques privilégiées. Maintenant vous savez comment aider le gouvernement grec à récupérer cet argent. Sur toutes ces questions et les solutions possibles, je voudrais dire ceci : peu importe ce que valent ces affirmations au niveau juridique, le minimum qu’on puisse attendre des représentants du peuple allemand, c’est un peu de sensibilité pour affronter ce problème.
Et je dois dire que vos rires narquois m’attristent beaucoup. Vu comment ce que l’occupant allemand a fait en Grèce, et vu qu’un million de Grecs ont perdu la vie lors de cette période sombre de l’histoire allemande, je trouve M. Schauble vos déclarations insolentes, et les vôtres M. Kauder, irrespectueuses. Et cela me fait honte.
Pour rappeler que l’on peut avoir une approche historique différente, je voudrais citer la fin du discours de Richard von Weizsacker lors du 40e anniversaire de la libération. J’en ai presque fini, M. le Président. Il parlait de la Russie et de l’Europe orientale, mais cela vaut bien sûr pour la Grèce.
Si nous pensons à ce que nos voisins de l’Est ont souffert pendant la guerre, nous comprenons mieux que l’équilibre la détente et la coexistence pacifique restent des points cruciaux de la politique étrangère allemande vis-à-vis de ces pays. Que chaque camp se le rappelle et se respecte l’un l’autre.
Oui, c’est seulement en gardant cela en mémoire, et en se respectant mutuellement que nous retrouverons le chemin d’une politique de bon voisinage, au sein de l’Union Européenne et avec la Russie.
Face à Merkel, la gauche allemande ne mâche pas ses mots
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