vendredi 15 novembre 2013

Depuis 2008 Au Lieu D'Aider l' Économie réelle On A Gavé le Système Bancaire!



Confidences d’un banquier central...


«Nous nous sommes lancés dans une frénésie de rachat d’obligations qui devait aider l’économie réelle. Au lieu de ça nous avons gavé Wall Street »



Andrew Huzard a célébré le 11 novembre à sa manière. L’homme qui a eu pour mission en 2009-2010 au sein de la Réserve Fédérale US de racheter pour 1 250 milliards de dollars d’obligations émises par les banques américaines et étrangères présentes aux USA, garanties comme l’on sait, par des créances hypothécaires faisandées, est passé aux aveux dans le Wall Street Journal. Et 2 jours plus tard sur Bloomberg TV.

C’est peu dire que son réquisitoire sans appel contre les politiques dites de « Quantitative Easing » menées par Ben Bernanke aux States, risque de causer des cauchemars en Europe où la BCE a emprunté la même voie.

C'est Bernie Sanders qui a vendu la mèche



«La plus grosse opération de sauvetage de Wall Street de tous les temps»




Ambiance…(nb : les passages en gras ne sont pas soulignés dans l’article d’origine)

Tout ce que je peux dire à l’Amérique c’est que je suis désolé. Comme ancien membre de la Réserve Fédérale, j’ai été chargé d’exécuter le programme central de la première expérience de rachats d’obligations connue sous le nom de Quantitative Easing (QE). La banque centrale continue d’ailleurs à s’en servir pour aider l’économie réelle. Mais je dois finalement ramener le programme en question à ce qu’il est : la plus grosse opération de sauvetage de Wall Street de tous les temps.

Cela fait 5 ans ce mois-ci, le fameux vendredi noir, que la FED s’est lancée dans une véritable frénésie de rachat. A ce stade de la crise financière, le Congrès avait déjà voté le programme TARP (Troubled Asset Relief Program) pour enrayer la chute du système bancaire. La douleur économique se faisait sentir déjà bien au-delà de Wall Street. Rien qu’au cours des 3 derniers mois de 2008, près de 2 millions d’Américains ont perdu leur emploi.

La FED a déclaré qu’elle souhaitait apporter son aide au moyen d’un nouveau programme d’achat massif d’obligations. Elle avait aussi des objectifs secondaires mais le président Ben Bernanke a clairement affirmé que la motivation principale de la FED consistait à ‘agir sur les conditions d’accès au crédit des ménages et des entreprises’ de manière à réduire le coût du crédit et afin que d’avantage d’américains touchés par les tangages de l’économie puisse en bénéficier pour limiter les dégâts. C’est la raison pour laquelle il a d’abord qualifié l’initiative de ‘aide au crédit’.

Ma contribution personnelle à l’histoire a commencé quelques mois plus tard. Ayant été membre de la FED pendant 7 ans jusqu’à début 2008, je travaillais alors à Wall Street au printemps 2009 lorsque j’ai reçu un appel téléphonique inattendu. Etais-je intéressé par un retour au département trading de la FED ? Le job consistait à mettre en œuvre la frénésie d’achat d’obligations, une  tentative d’achat sauvage de 1 250 milliards de dollars d’obligations hypothécaires sur une durée de 12 mois. De manière assez incroyable, la FED me demandait si je voulais soutenir le plus important programme de stimulus économique de toute l’histoire américaine.



Un job de rêve mais j’ai hésité. Et ça ne s’expliquait pas seulement par de la nervosité à l’idée de prendre une telle responsabilité. J’avais quitté la FED frustré, témoin de la déférence de plus en plus prononcée de l’institution envers Wall Street. L’indépendance est au cœur de la crédibilité de toute banque centrale et j’en étais venu à constater que celle de la FED se réduisait. En dépit d’erreurs admises publiquement par certains de ses dirigeants qui insistaient auprès de moi pour me dire à quel point ils étaient déterminés à réformer Wall Street. Je me suis rendu compte aussi qu’ils avaient désespérément besoin d’aide. Je me suis donc décidé en confiance.



Au cours  de son histoire de près d’un siècle, la FED n’avait jamais acheté une seule obligation. Et mon programme consistait à en acheter quotidiennement en grande quantité en veillant à ne pas faire monter les prix trop haut et à détruire la confiance globale dans les marchés financiers les plus importants. On travaillait fiévreusement pour préserver l’impression que la FED savait ce qu’elle faisait.



«Désolé pour toi contribuable américain»




Mes vieux doutes n’ont pas tardé à resurgir. En dépit de la rhétorique de la FED, mon programme ne contribuait pas à rendre le crédit plus accessible à l’américain-moyen. Les banques en octroyaient d’ailleurs de moins en moins. Plus insidieusement, ceux qu’elles consentaient n’étaient pas moins onéreux. QE pouvait bien réduire le coût global supporté par les banques pour consentir des prêts. Mais c’était Wall Street qui empochait les ressources supplémentaires.

Depuis les tranchées, plusieurs autres dirigeants de la FED ont commencé à s’inquiéter de voir que le QE ne fonctionnait pas comme prévu. Nos signaux d’alarmes s’adressaient à des sourds. Par le passé, les dirigeants de la FED – quand bien même ils s’en défendaient – s’inquiétaient jusqu’à l’obsession des inconvénients par rapport aux avantages de toute initiative majeure qu’elle était amenée à prendre. Maintenant leur unique obsession consiste à connaître les dernières attentes des marchés financiers ou les réactions personnelles des principaux banquiers de Wall Street et des dirigeants de Hedge Funds. Désolé pour toi, contribuable américain.

La première tournée de QE a pris fin le 31 mars 2010. Les résultats finaux ont confirmé qu’alors qu’elle n’avait apporté qu’une aide minime à l’économie réelle, les achats d’obligations par la banque centrale américaine ont été une aubaine fantastique pour Wall Street. Non seulement les banques ont bénéficié d’une baisse du coût des crédits qu’elles consentaient, mais elles avaient réalisé des gains considérables sur leurs portefeuille-titres et avaient encaissé de généreuses commissions en assurant la plus grande part des transactions de QE. 2009 avait été l’année la plus profitable de tous les temps pour Wall Street et 2010 prenait le même chemin.

Vous vous dites que la FED aurait fini par s’interroger sur la sagesse du QE. Réfléchissez bien. Quelques mois plus tard – après une chute de 14% du marché boursier américain et un nouvel affaiblissement du secteur bancaire – la FED annonça une nouvelle tournée d’achat d’obligations : QE2. Le ministre allemand des finances Wolfgang Schaüble qualifiât immédiatement la décision de « sans fondement ».

C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que la FED avait perdu ce qui lui restait de capacité à réfléchir de manière indépendante de Wall Street. Démoralisé, je suis retourné dans le secteur privé.



«Bonne chance au reste de l'Amérique»




 Où en sommes-nous aujourd’hui ? La FED continue en gros d’acheter pour 85 milliards de dollars d’obligations par mois. En 5 ans, ses achats d’obligations ont dépassé 4 000 milliards de dollars. Etrangement, alors que nous sommes supposés être un pays où le marché est libre, le QE est devenu la plus importante  intervention sur les marchés financiers pratiquée par quelque pays que ce soit dans l’histoire du monde.

Quant à l’impact ? Même dans les estimations les plus optimistes de la FED, la politique agressive de QE depuis 5 ans n’a généré que quelques points de croissance aux USA. A l’inverse, des experts extérieurs à la FED tel Mohammed El Erian de la firme d’investissement Pimco, laissent entendre que la FED pourrait avoir dépensé plus de 4 000 milliards de dollars pour le maigre résultat de 0,25% de PIB (autrement dit, une hausse de 40 milliards de la production). Dans les deux cas, les estimations indiquent que le QE ne fonctionne pas réellement.



A moins que vous soyez Wall Street. Ayant récolté des centaines de milliards de subsides opaques de la FED. Collectivement, les banques américaines ont vu le prix de leurs actions tripler depuis mars 2009. Les plus grosses sont devenues un cartel : 0,2% d’entre-elles contrôlent plus de 70% des actifs des banques américaines.

Quant au reste de l’Amérique, bonne chance. En injectant sans relâche, des fonds dans les marchés financiers pendant les 5 dernières années, la politique de QE a tué l’exigence qu’avait Washington de se confronter à une véritable crise. Celle de la structure malsaine de l’économie US. Oui, ses marchés financiers ont progressé de manière spectaculaire, redonnant vie aux bilans de ses membres. Mais pour combien de temps ? Des experts comme Larry Fink de la firme d’investissement BlackRock estiment que nous sommes de nouveau dans les conditions d’une ‘bulle’ alors que le pays demeure excessivement dépendant de Wall Street pour sa croissance.



Les plans de sauvetage ont accru la dépendance envers les marchés




Mais lorsqu’il a reconnu les lacunes de QE, le président Bernanke a affirmé qu’une action de la FED valait mieux que rien. (Une position que son successeur, la vice-présidente Janet Yellen fait sienne). Cela implique donc que la FED compense les dysfonctionnements de Washington. Mais en réalité, elle est au centre de ce dysfonctionnement ; la preuve : elle a permis à Wall Street que la politique de QE devienne sa nouvelle politique de « trop gros pour qu’on la laisse échouer » (too big to fail). 



Compte tenu de l’onde de choc de l’article, Blomberg TV a évidemment mobilisé ses caméras et ses micros le 13 novembre pour demander à Andrew quelle mouche l’avait piqué. 

Son interview se termine par la phrase sans doute la plus lourde de sens de la part d’un acteur clé de l’affaire, et qui vaut bien sûr pour la BCE : « La FED aurait dû s’arrêter après QE1 quand il était devenu clair que ça ne fonctionnait pas. Au lieu de cela, elle a acheté 2 500 milliards de dollars d’obligations de plus et s’est mise dans une telle position que la sortie devient très incertaine… »

Qui a dit qu’on voyait le bout du tunnel ?


 Crise : Les confessions d’un banquier central | Bakchich

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