Hollande, chef du personnel, Olli Rehn, patron de «la République»
Rédaction A l’Encontre
A ce niveau de diplomatie, c’est de l’inconscience ou de la provocation. Dans la crise actuelle, et compte tenu de la coupure dramatique entre les peuples et Bruxelles, le ton et le détail des «recommandations» envoyées au nom de la rigueur économique par la Commission européenne – Olli Rehn – à la France ressemblent à un feu d’artifice lancé dans une poudrière…
Depuis des mois, on mesure à tous les niveaux, y compris dans les instances comme le FMI, qu’il existe un problème spécifiquement européen. Dans une économie mondiale plutôt en croissance, l’Europe est soit en récession, soit en panne de croissance. Le chômage y est élevé, les déficits profonds, l’endettement très lourd, et les remèdes d’austérité n’ont fait qu’aggraver le marasme.
On constate aussi, au fil des élections, que cette situation suscite un rejet inquiétant de tout ce qui ressemble à un parti de gouvernement, dès lors que ce parti entend satisfaire aux exigences communautaires, et que des partis protestataires, qualifiés de populistes, se renforcent ou surgissent un peu partout.
Cet état de fait, aussi réel que les déficits, et à coup sûr encore plus dangereux pour chacun des pays et pour l’Union dans son ensemble, avait amené à un certain assouplissement. La Commission avait paru moins juchée sur ses dogmes, et avait accordé un peu de souplesse en parlant même de «nécessaire relance», ce qui avait chagriné les orthodoxes de la camisole de force. La France avait ainsi obtenu un délai de grâce de deux ans pour arriver aux fameux trois pour cent.
Et d’un coup, machine arrière. Les orthodoxes ont repris la main, si bien que les «recommandations» de la Commission, comme ils disent, ne sont plus un rappel à l’ordre et au sérieux, mais des tables de la loi. Vu de la France, le texte a l’air signé par le Président de la république Olli Rehn, et adressé à l’administrateur François Hollande.
Le commissaire européen aux Affaires économiques ne parle pas seulement de la réforme des retraites, il détaille les mesures à prendre avant même qu’elles ne soient discutées par les parties prenantes. Olli Rehn veut aussi supprimer les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. Il dicte sa réforme fiscale. Il trouve trop élevé le SMIC. Il va sur les voies ferrées pour exiger la réforme ferroviaire. Il descend jusque dans les rues pour avoir un avis sur l’avenir des notaires ou des taxis.
Autant dire qu’il place les gouvernements nationaux dans une posture impossible. Soit ils s’exécutent et ils n’existent plus, ils ne sont que des collaborateurs, soit ils l’envoient bouler et c’est l’Europe, ou ce qu’il en reste, qui se retrouve en péril. (Billet sur France Culture, le 30 mai 2013 à 7h36)
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Olli Rehn, le commissaire européen – ce Finlandais de droite, éduqué en Grande-Bretagne, du St Antony’s College d’Oxford en passant par «the» University d’Oxford – est un fan du Manchester, le club de football. En substance, il est aussi un néo-manchestérien, au plan économique. Après une première rencontre avec Hollande, il lui a fait un cadeau… empoisonné: reculer de deux ans l’échéance pour passer au-dessous de la barre des 3% du déficit annuel par rapport au PIB. Autrement dit une absurdité théorique ayant pour fonction de donner une couleur scientifique à des politiques de démontages sociaux, comme on le dit en allemand. Toutefois, ce cadeau à François Hollande était soumis à des conditions: la France doit accomplir des réformes structurelles «substantielles». Olli Rehn ciblait «les retraites et l’ouverture des marchés et des professions qui ne le sont pas». Sont visés notamment les services comme les taxis, les notaires, les avocats, ainsi que «l’accumulation de normes et standards qui entravent les marchés». Un «choc de simplification» – pour reprendre la formule de Hollande – en quelque sorte, mais réel cette fois. La France qui affiche une «baisse constante de sa compétitivité doit débloquer son processus de croissance», insistait déjà Olli Rehn.
Ce mercredi 29 mai 2013, à Bruxelles, Olli Rehn vient de fixer de nouveaux objectifs budgétaires pour la France, en sus du délai de deux ans d’ores et déjà offert pour les déficits sous le seuil de 3% du produit intérieur brut (PIB), en échange de réformes de plus grande ampleur. Le déficit public devrait, selon lui, passer de 3,9% du PIB cette année, à 3,6% l’an prochain, pour 2,8% dans deux ans.
Dans ce but, Olli Rehn insiste pour lancer «en urgence» une réforme de l’assurance chômage avec les partenaires sociaux pour qu’elle «rende attractif le retour au travail» (sic): autrement dit durcir une assurance qui n’en est dès lors plus une et, de la sorte, contraindre les salarié·e·s à accepter n’importe quel boulot à n’importe quel «salaire». Il indique aussi de nouvelles décisions pour diminuer le coût du travail, en réduisant le poids des contributions sociales des employeurs! Les employeurs ont des milliards d’euros de retard dans le versement de leurs contributions, qui ne sont rien d’autre qu’une partie du salaire de «leurs» travailleurs et travailleuses. Peu importe! Olli Rehn et la Commission européenne mettent en cause, dans la foulée, le niveau du SMIC (salaire minimum), dont la dernière augmentation en 2012 est «considérée comme allant dans la mauvaise direction». Déréguler les secteurs de l’énergie et des transports, autrement dit les privatiser (encore plus), introduire un service à trois vitesses, appelé universel, mais socialement sélectif au travers d’un système de prix dont l’éventail épouse la courbe des salaires, voilà le contenu de cette «dérégulation».
http://alencontre.org/europe/hollande-chef-du-personnel-olli-rehn-patron-de-la-republique.html
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