Pour Frédéric Lordon, le PS, c’est la droite complexée, les collabos du capital
(Blog gaulliste libre)
Frédéric Lordon montre que l’équipe au pouvoir adhère finalement à une lecture très néolibérale de la crise, à savoir que nous serions dans une crise de l’offre, alors que tout indique que nous sommes dans une crise de la demande provoquée par l’effondrement d’une pyramide de crédits, comme l’explique notamment Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, qui dénoncen les politiques d’austérité. Ce faisant, les politiques d’offre qui sont menées dans toute l’Europe sont un échec retentissant et que comme l’essentiel de notre commerce est intra-européen, « les stratégies de compétitivité (sont) vouées à la nullité quand elles sont appliquées simultanément par tous ». Il dénonce « l’irrationalité des politiques publiques (qui) se ligue aux désastres de la finance privée pour ajouter la récession à la récession ».
Un grand merci à Frédéric Lordon pour ce texte remarquable qui donne une perspective aux incroyables choix politiques de ce gouvernement « socialiste ». Il est bien évident qu’il n’y a strictement rien à attendre d’eux à l’avenir. Pour vraiment changer de politique, il faudra vraiment changer de dirigeants.
Il faut lire Frédéric Lordon, un des meilleurs analystes de la crise que nous traversons, alliant rigueur de l’analyse, propositions (volontiers collectivistes) et un style très enlevé. Son sens de la formule en fait un éditoraliste particulièrement saignant, qui, dans sa dernière livrée, éreinte le PS comme jamais.
La contre-révolution du Parti Socialiste
Frédéric Lordon n’a jamais été tendre avec les « socialistes ». Dans un de ses précédents ouvrages, il montrait que le PS avait davantage contribué à la libéralisation de notre économie que la droite. Mais dans ce nouveau papier « Le balai comme la moindre des choses », il cogne dur, finalement bien plus encore que Jean-Luc Mélenchon sur le fond. Et le plus terrible pour l’équipe au pouvoir est que sa démonstration est cruellement bien argumentée et difficilement réfutable.
Il soutient que « c’est bien l’impressionnante continuité de la politique économique qui frappe n’importe quel regard, à commencer bien sûr par la reconduction telle quelle des grandes contraintes européennes – objectif insane des 3% en pleine récession et pacte budgétaire européen (TSCG) négocié-Sarkozy ratifié-Hollande, mais complétée par le déploiement intégral du modèle compétitivité-flexibilité, simplement rêvé par le prédécesseur, enfin réalisé par le successeur ». Pour lui « sans doute l’issue d’une trajectoire historique de long terme qui l’aura vu se déporter tendanciellement, et irréversiblement, vers la droite, le socialisme de gouvernement, après avoir abandonné la classe ouvrière pour se vouer aux dites ‘classes moyennes’, puis ‘moyennes-supérieures’, mais formellement, toujours ‘dans le salariat’, a maintenant fait, un cran plus loin, le choix de l’alliance… avec le capital ».
Frédéric Lordon s’appuie sur le discours de Jean-Marc Ayrault aux universités du Medef, l’ANI (Accord National Interprofessionnel), signé par le Medef (encore…) et la CFDT, l’affaire des Pigeons et le rapport Gallois pour appuyer son propos. Plus globalement, c’est l’agenda compétitivité du gouvernement, sur lequel je suis revenu plusieurs fois, qu’il met en cause. Pour lui, le PS est passé du service indirect des intérêts du capital (désinflation compétitive, monnaie unique, banque centrale indépendante) à des « politiques désormais très ouvertement passées du côté du capital ». Il va jusqu’à les comparer aux munichois, reprenant la phrase de Churchill pour dire que « le socialisme de collaboration – vrai nom du ‘socialisme de l’offre’ – aura l’échec en plus de la honte ».
Le contre-sens du « socialisme de l’offre »
Il critique le crédit d’impôt de 20 milliards issu du rapport Gallois, en soulignant que ce n’est pas la fiscalité qui détermine l’investissement, mais la demande. Il souligne « l’état de délabrement doctrinal de ce gouvernement (qui) se mesure à sa capacité de gober tous les discours de l’offre au cœur d’une crise historique de la demande ». Il dénonce la mise à bas « avec tant d’application des mécanismes qui nous ont retenus jusqu’ici de transformer la récession en grande dépression », et notamment la facilitée apportée par l’ANI de baisser les salaires dans les enterprises. Il rappelle qu’un ajustement désirable à l’échelle individuelle ne l’est pas forcément à l’échelle collective.
Il dénonce aussi « l’incroyable reddition en rase campagne d’un gouvernement décomposé de panique au premier haussement de voix des ‘entrepreneurs’ qui croient pouvoir légitimement hurler au scandale en apprenant que des gains qui se chiffrent en général en dizaines de millions pourraient être taxés, oui, jusqu’à des taux globaux de 60% et non de 25% ». Pour lui, « s’il a tout cédé, et si vite, c’est qu’il avait déjà pris son parti. Le parti du capital (…), le gouvernement socialiste, rendu au dernier degré de l’intoxication intellectuelle, a donc pris pour ligne stratégique de s’en remettre, en tout, et pour tout, à la fortune du capital ». Cruel, il écrit que « quand Jean-Marc Ayrault se rend, tel le bourgeois de Calais, à l’université du MEDEF pour livrer au patronat les clés de la cité, il ne fait pas qu’avouer le tréfonds de son désarroi et la solution de désespoir qui lui tient lieu désormais de ligne (…), il révèle par la même la vérité ultime du capitalisme comme prise d’otage de la société par le capital ».
Pour permettre le changement politique dont le pays a besoin, il est appelle à changer de regard sur le PS et à le qualifier de « droite modérée ». Pour lui, l’exemple de Jérôme Cahuzac ne démontre pas que le poisson pourrit par la tête, mais que « la pourriture révèle la malfaçon de l’ensemble ». Et à tous ceux qui dénoncent la violence verbale d’un Mélenchon (le « balai »), il rappelle que certaines violences ne semblent pas les déranger outre mesure : l’immolation d’un chômeur désespéré devant le Pôle emploi, « les suicidés de la valeur actionnariale d’Orange », « les baisses de salaires imposées à des gens qui survivent à peine », les plans de licenciement boursiers, « les propositions de reclassement en Roumanie à 200 euros par mois ». Il appelle à un printemps français dont le balai pourrait être le symbole.
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