Les hasards du calendrier n’existent pas, surtout quand c’est le FMI qui distribue les mauvais points de façon unilatérale, comme à son habitude. Alors que depuis plus d’un an et demi une réforme de l’indice des prix en Argentine a été lancée, voilà que la sanction tombe, une « déclaration de censure ».
Le FMI a émis à l’égard de l’Argentine cette mesure extrêmement rare. Là, maintenant, juste en plein procès avec les fonds vautours à New York où l’Argentine a présenté sa position le 28 Janvier dernier et alors que la sentence doit tomber le 27 Février prochain.
Et puis alors que l’Argentine réclame l’ouverture de discussions avec la Grande-Bretagne autour des Malouines . « Si à cela on ajoute que la City de Londres est là où s’articulent les principaux paradis fiscaux, on comprend la position britannique au FMI. De fait, rien ne change pour le pays qui il y a six ans a annulé ses comptes avec le FMI » comme le souligne Horacio Verbitsky dans Pagina 12 [lien en espagnol, ndlr E&R].
Le moment était donc bienvenu pour planter une banderille ! C’est ce qu’a fait le FMI en émettant cette « déclaration de censure ». La réaction du gouvernement argentin ne s’est pas, d’ailleurs pas, fait attendre estimant qu’il s’agissait de stigmatiser le pays.
Le FMI donne au gouvernent huit mois pour aligner la méthodologie de l’Indec aux normes internationales. Au cœur de la polémique, l’indice des prix à la consommation du Grand Buenos Aires (IPC-GBA), et même pas l’indice des prix national (IPC-Nacional). Il est vrai, le gouvernement et l’Indec l’ont reconnu, il y a plus un an et demi, que les indices des prix avaient besoin d’un toilettage, et que c’est encore plus difficile quand il s’agit d’un pays fédéral. D’ailleurs tout un chacun sait bien que l’indice des prix à la consommation d’un pays ne traduit la réalité des prix que de façon relative, il suffit de lire les statistiques officielles en France – 1,3 % sur un an, et de comparer avec l’évolution de son caddy au supermarché !
Indice des prix du Grand Buenos Aires
En l’occurrence dans le toilettage opéré, l’Argentine a avancé en premier lieu sur son indice national des prix à la consommation (IPC-Nacional), comme lui avait demandé le FMI (voirEl Correo). Le FMI, s’attache dans sa critique au IPC-GBA, indice des prix à la consommation du Grand Buenos Aires (la capitale fédérale et 24 villes de banlieue), zone qui certes concentre une grande partie de la population et de l’activité du pays, bien qu’il ne faille pas sous estimer l’importance de villes comme Cordoba, Rosario ou d’autres capitales de province.
Le FMI explique dans son communiqué, « qu’il a trouvé que le progrès de l’Argentine pour remédier à l’inadéquation » de cet indice, « depuis la réunion du 17 septembre 2012, n’a pas été suffisant », d’où cette déclaration de censure. Le directoire a demandé au pays d’y remédier d’ici au 29 septembre 2013. Les mesures doivent aligner ces indicateurs sur les normes internationales, ajoute le fonds.
Jouer l’exemplarité pour les fortes têtes
Cette « déclaration de censure » émane de la recommandation de Christine Lagarde auboard du FMI qui l’a suivi, et donc n’a surpris pas grand monde. En fait, c’est une décision qui veut avoir caractère exemplaire : on ne peut y voir qu’une volonté de la part de l’organisme international de punir et de montrer du doigt l’Argentine.
Les réformes étant en cours depuis plus d’un an et demi dans le cas argentin, et alors que bien des pays se sont trouvés dans une situation similaire sans faire l’objet d’une telle sanction (modifiant leur mesure du chômage ou changeant les produits entrant dans leur panier de l’indice).
Car si le pays ne tient pas les délais, il va être privé de financement. Mais voilà, depuis 2006 l’Argentine n’a aucun lien financier avec le FMI , donc cela ne change pas grande chose ! Sanction ultime, si le pays n’est pas d’équerre début 2015, on prévoit de suspendre son droit de vote, voire de l’exclure.
Le message est simple : voilà ce qui arrive aux fortes têtes, histoire de faire peur aux pays qui pourraient avoir envie de suivre la voie de l’Argentine quant à la gestion de leur dette, et à la remise en cause des recettes empoisonnées de l’organisme, qui non seulement n’ont pas fait de miracles mais ont entrainé certains pays dans un marasme profond.
Mais le cas argentin dérange car il n’arrange pas la planète finance. Le FMI brandit la menace comme une profession de foi. Et la Présidente argentine de simplement demander : « Où était le FMI qui ne put empêcher aucune crise ? Où était-il quand se sont formés, pire que des bulles, mais des globes aérostatiques financiers ? »
Le FMI en retard sur sa réforme, quelles sanctions ?
Tout cela intervient alors que l’organisme international est lui-même sur la sellette pour ne pas faire avancer suffisamment rapidement sa réforme interne. Le Conseil d’administration du FMI a remis il y a quelques jours au Conseil des gouverneurs son rapport sur les résultats du réexamen de la formule de calcul des quotes-parts.
Cette formule de calcul des quotes-parts devait faire l’objet d’un réexamen complet au plus tard en janvier 2013. Pour mémoire, chaque pays membre du FMI doit se voir attribuer une quote-part qui est fondée globalement sur son poids relatif dans l’économie mondiale. Il s’agit pour les Bric, notamment, le Brésil, la Chine, l’Inde, la Russie d’obtenir un pouvoir de décision qui correspond à leur poids dans l’économie.
Dans son rapport, le Conseil d’administration indique que « des progrès sensibles ont été accomplis dans l’identification des éléments clés qui pourraient former la base d’un accord définitif sur une nouvelle formule de calcul des quotes-parts ».
La question est quand ? Clairement, certains membres font de la résistance. Un représentant brésilien, commentait « le maigre résultat des négociations qui reflète la résistance au changement de la part des membres excessivement représentés, notamment en Europe, ajoutant, le FMI s’approche d’un abime de crédibilité ».
Le FMI a retardé à janvier 2014 la mise en œuvre de sa réforme. Va-t-il s’auto-sanctionner pour ce retard, pourtant préjudiciable au bon fonctionnement de l’économie mondiale ?!
Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo, Paris, 4 février 2013
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