Testé et approuvé : on peut transformer un PS en une UMP avec un baril d’Amesys
François Hollande a été élu sur un slogan intéressant : « le changement, c’est maintenant« . Après cinq années de décomplexitude, de lâcher prise total dans la pratique d’une politique de clan, la promesse d’une salutaire (ré)inversion des valeurs, sonnait comme une douce mélodie aux oreilles des démocrates. Bien entendu, chacun (sauf les naïfs, mais ils peuvent être nombreux) savait que François Hollande ne changerait pas tout. Au mieux avait-on un mince espoir… Cela ne pouvait pas être pire.
Le futur président qui sait utiliser la langue française, à l’inverse de son prédécesseur, avait d’ailleurs utilisé le débat télévisé pour placer une intéressante anaphore :
« Je veux être un président qui d’abord respecte les Français, qui les considère. Un président qui ne veut pas être président de tout, chef de tout et en définitive responsable de rien. »
« Moi président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Élysée.
Moi président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur.
Moi président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre parti, dans un hôtel parisien.
Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante, je ne nommerai pas les membres du parquet alors que l’avis du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été dans ce sens.
Moi président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique, je laisserai ça à des instances indépendantes.
Moi président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire.
Moi président de la République, j’aurai aussi à cœur de ne pas avoir un statut pénal du chef de l’État ; je le ferai réformer, de façon à ce que si des actes antérieurs à ma prise de fonction venaient à être contestés, je puisse dans certaines conditions me rendre à la convocation de tel ou tel magistrat ou m’expliquer devant un certain nombre d’instances.
Moi président de la République, je constituerai un gouvernement qui sera paritaire, autant de femmes que d’hommes.
Moi président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres, qui ne pourraient pas rentrer dans un conflit d’intérêts.
Moi président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leur fonction avec un mandat local, parce que je considère qu’ils devraient se consacrer pleinement à leur tâche.
Moi président de la République, je ferai un acte de décentralisation, parce que je pense que les collectivités locales ont besoin d’un nouveau souffle, de nouvelles compétences, de nouvelles libertés.
Moi président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés, aussi bien les organisations professionnelles que les syndicats, et que nous puissions avoir régulièrement une discussion pour savoir ce qui relève de la loi, ce qui relève de la négociation.
Moi président de la République, j’engagerai de grands débats, on a évoqué celui de l’énergie, et il est légitime qu’il puisse y avoir sur ces questions-là de grands débats citoyens.
Moi président de la République, j’introduirai la représentation proportionnelle pour les élections législatives, pour les élections non pas de 2012, mais celles de 2017, car je pense qu’il est bon que l’ensemble des sensibilités politiques soient représentées.
Moi président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue, pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps je ne m’occuperai pas de tout, et j’aurai toujours le souci de la proximité avec les Français. »
Et comme le disait à l’époque Daniel Schneidermann, cette tirade était un moment d’allégresse : « Trois minutes vingt, le temps d’une chanson, pour effacer, venger, cinq ans d’appropriation, cinq ans de gloutonnerie, d’anomalie et au total d’humiliation ».
Reste que le pouvoir change les hommes, paraît-il.
En tout cas, certains espoirs portés par François Hollande sont aujourd’hui assez sérieusement douchés. Nous pourrions disserter sur chaque point de la tirade du candidat. Mais ce serait un peu fastidieux.
Concentrons-nous sur un exemple que les lecteurs de Reflets connaissent bien : l’AmesysGate.
Pensiez-vous ami lecteur que l’impunité des dirigeants de Bull/Amesys allait venir à son terme avec l’arrivée d’une alternance au pouvoir ?
Pas le moins du monde. Et les derniers tweets échangés avec @francediplo le confirment : avec un baril d’Amesys, il est possible de transformer un PS en une UMP… Démonstration…
Hier, @francediplo évoque un congrès régional à Rabat sur la peine de mort et précise que François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’homme, représentera la France au congrès de Rabat.
Ce à quoi Reflets, taquin, répond :
| _reflets_
Dites, @francediplo, François Zimeray parlera-t-il du #Eagle qu’#Amesys installe à Rabat avec la bénédiction du #gouvernement Français ?
18/10/12 17:51 |
et
| _reflets_
A propos, @francediplo, quelle est votre position sur cette installation #Eagle d’#Amesys à Rabat ? http://t.co/NK5danj3
18/10/12 18:01 |
@francediplo s’est renseigné et a trouvé des réponses à nos questions. Il s’agit de la position du gouvernement socialiste en place. Accrochez vos ceintures :
| francediplo
@_reflets_ Ls sys. informatiques Amesys ne ft pas l’objet de contrôle avant exportation car n’entrent pas ds la cat. ds biens à double usage
19/10/12 19:20 |
| francediplo
@_reflets_ Il y a une réflexion en cours en interministériel pr proposer une extension des biens à double usage aux intercepteurs d’internet
19/10/12 19:23 |
Chez Reflets, une telle réponse laisse sans voix.
C’est en effet la théorie officielle du gouvernement Sarkozy, celui qui a tant facilité le deal entre Amesys et Abdallah Senoussi, un terroriste notoire, condamné par contumace en France depuis 1999.
Cette théorie consiste à évoquer un « vide juridique » à propos de l’exportation des armes numérique.
Cette théorie a été plusieurs fois évoquée et relayée par Jean-Marc Manach et a fait l’objet d’une longue discussion entre lui et moi (Full disclosure : je connais très bien Jean-Marc Manach, il travaillait dans mon service à Transfert). Je suis farouchement opposé à cette théorie farfelue qui exonère tout le monde de toute responsabilité.
Pas de politiques ayant favorisé la vente d’un outil de surveillance globale de la population libyenne à Mouammar Kadhafi, pas de dirigeants de Bull / Amesys ayant traité avec un terroriste (Abdallah Senoussi) qui était leur interface gouvernementale. Pas d’usage d’un logiciel français, d’un savoir-faire français, d’une équipe de développeurs français au service de tortionnaires pour pister les opposants libyens. Aucune responsabilité ne pourrait être recherchée en justice puisqu’il n’y aurait pas de « délit ». Cela plairait bien à tous les dirigeants des entreprises vendeuses de Deep Packet Inspection. Ils ont une fâcheuse tendance à prendre tout le monde pour des cons, et là, on atteindrait une apothéose.
De la merde dans les ventilos ?
Le silence est d’or. Pourvu que le bruit médiatique retombe…
Si l’on était de gros complotistes on dirait qu’il est particulièrement étrange de voir les principaux clients d’Amesys défiler dans le bureau de François Hollande. Tous des démocrates convaincus et patentés comme le Roi du Maroc, le roi de Bahreïn, le premier ministre du Qatar, le fils du roi d’Arabie saoudite, le roi de Jordanie et le prince héritier d’Abu Dhabi qui en moins de 100 jours de pouvoir socialiste ont été reçus par François Hollande…
| francediplo
@_reflets_ Il y a une réflexion en cours en interministériel pr proposer une extension des biens à double usage aux intercepteurs d’internet
19/10/12 19:23 |
Nous expliquait vendredi soir @francediplo.
Prenez votre temps amis ministres, les opposants attendront.
Mais bon, hein, ceci dit, personne n’est coupable de rien pour l’existant :
| francediplo
@_reflets_ Si un tel matériel a été exporté, l’exportateur n’avait pas besoin d’obtenir une autorisation ni d’en informer l’administration
19/10/12 19:40 |
L’existant, c’est un Eagle en cours d’installation à Rabat par Amesys avec du matériel fourni par Euriware, le soutien d’Alten… Bref, que du bon… Du savoir faire français si cher au gouvernement actuel.
Dites François Hollande… Vous président, pourriez-vous répondre à une question simple ?
Allons un peu plus loin :
Alors que la tendance est à la lutte contre le terrorisme depuis le 11 septembre 2001, peut-on avoir en France une totale impunité pour un fleuron de l’industrie informatique (et son patron qui s’est très directement impliqué) vendant des outils de chasse aux opposants politiques à quelqu’un qui est condamné en France pour son implication, justement, dans un acte terroriste ? L’Etat est-il si désarmé que cela face à de tels agissements ? En cherchant bien, ne peut-il trouver des avocats capables de trouver un angle d’attaque juridique qui tienne la route ?
Interlude :
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