“Socialistes”, à quoi mène la “confiance des marchés” ?
Sur France Inter hier matin, ça démarrait fort : ils avaient invité Jean-Claude Trichet, cet odieux nabab qui n’a pas son pareil pour te faire sentir qu’il fait partie des Maîtres du Monde, alors que toi, pauvre merde, déjà que tu ne comprends rien à la finance, tu devrais t’estimer heureux qu’il daigne te parler afin de tenter de te sortir de ton ignorance crasse.
Il n’a pas fallu dix minutes pour rentrer dans le vif du sujet : à la question bateau de Patrick Cohen, du style : “Mais ne pensez-vous pas que plonger l’Europe dans le marasme et la récession soit un remède pire que le mal ?”
L’autre, bouffi de ses certitudes, ne se démonte pas, et répond froidement que non, bien au contraire, que c’est exactement ce qu’il faut faire, puisque c’est la seule solution pour que les pays qui “dépensent plus que ce qu’ils gagnent” (quel mépris ! il aurait été plus honnête et pertinent de dire “dont mes potes Maîtres du Monde ont asséché toutes les recettes pour les obliger à supprimer l’État”) regagnent “la confiance des Marchés” (Rhââââĥ !)
Il se trouve que lors de ces vacances, j’ai notamment lu un livre (“l’Empire de la Honte” de Jean Ziegler) dont “La confiance des marchés” est un des thèmes principaux. L’auteur, bien connu ici, fut jusqu’en 2008 “rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation”, du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. En clair, chargé de faire en sorte que le moins possible de personnes et particulièrement d’enfants meurent de faim dans le monde. Il a la particularité rare d’avoir osé dénoncer les multinationales (de l’agroalimentaire et de la pharmacie notamment) qui ont démontré que la mort de milliers d’enfants leur importait moins que les bénéfices qu’ils ramenaient à leurs actionnaires.
Ce livre est totalement consacré aux effets catastrophiques de la dette (et des remèdes de cheval mis en œuvre pour la résorber) sur les peuples du “Tiers Monde”. Mis devant l’obligation de rembourser une dette souvent “odieuse” (c’est à dire contractée sans raison valable et souvent par corruption des dirigeants des pays concernés), “réorganisés” par le FMI qui brade aux multinationales les ressources du pays, obligés de vendre leurs matières premières (café, cacao…) à un prix qui ne leur permet pas de vivre, mais devant acheter des machines ou des services au prix fort à d’autres multinationales, les États n’ont plus un radis à consacrer aux pauvres, même lorsqu’ils meurent de faim par centaines de milliers.
Citons Ziegler :
“S’il est une expression qui m’a toujours révulsé, c’est bien celle de “confiance des marchés”. Pour ne pas être attaqué, dévasté, mis à genoux par le capital financier mondialisé, un peuple doit - par sa conduite économique - gagner la “confiance des marchés”.
Mais comment mérite-t-on cette “confiance” ? Tout simplement en se soumettant corps, esprit et âme au diktat des cosmocrates. C’est à cette condition, et à cette condition seulement, que les maîtres de l’empire de la honte concèdent leur collaboration aux peuples prolétaires.”
Ça ne vous rappelle rien ?
Jean Ziegler détaille ensuite comment ces maîtres de l’empire de la honte ont dézingué Salvador Allende au Chili. Cet irresponsable cuistre n’avait rien trouvé de mieux que de prendre des mesures de Gauche (nationalisation des mines de cuivre, réformes sociales, impôt sur les sociétés transcontinentales…), il fallait agir.
Le complot impliquait la société ITT, aujourd’hui éclatée en morceaux mais qui était à l’époque la plus grosse multinationale du monde, des trusts miniers, les politiciens (Nixon, Kissinger), la CIA… Chacun sait comment Allende fut assassiné le 11 septembre 1973, 3 ans après son arrivée au pouvoir.
Ziegler conclut :
“Salvador Allende et son Unité populaire n’avaient pas su gagner la “confiance des marchés”.
On sait aussi comment Allende fut remplacé par la dictature militaire de Pinochet, un gars raisonnable qui allait permettre l’éclosion du néolibéralisme, notamment en ramenant à la raison tous ceux qui auraient eu l’outrecuidance de contester le système d’une manière ou d’une autre. Mais qu’importent la torture et les assassinats, puisque les marchés étaient en pleine confiance… C’est bien le principal, non ?
Autre exemple, d’autant plus parlant qu’il est chronologiquement beaucoup plus proche. Il s’agit de l’attitude par rapport à la dette de l’emblématique ex-président brésilien Lula. Un vrai mec de Gauche, sur le papier. Pas un Hollande. Un prolétaire, un vrai. Né dans une famille nombreuse d’ouvriers agricoles, et qui a personnellement connu la famine. “Monté” à la ville, vivotant de misérables boulots dans la rue. Devenu ouvrier de l’automobile, puis syndicaliste, avant de fonder le PT (Parti des travailleurs), qui l’amènera au pouvoir.
Certains savaient avant 1981 que Mitterrand n’était pas de Gauche, et qu’il trahirait. Ils avaient raison.
Aujourd’hui, tout le monde ou presque sait bien que Hollande n’est pas de gauche, sinon de la trop fameuse “gauche de droite”, et qu’il trahira. Une bonne partie de ceux qui ont contribué à son élection n’ont voulu qu’éviter la prolongation de cette mascarade que fut le sarkozysme.
Mais Lula était insoupçonnable.
Lula a été élu en 2002, après deux décennies de dictature militaire, suivies par une période presque aussi longue d’un pouvoir de droite libérale vendu aux banksters.
Cette période est décrite dans les manuels d’histoire-géo comme “le miracle économique brésilien”. Les représentants de l’empire de la honte font acheter aux généraux brésiliens un arsenal dantesque, sous le prétexte, 1000 fois réutilisé ici ou là depuis, de “Sécurité Nationale”.
Pire, sous la conduite du ministre des finances Delfim Neto, cheval de Troie des banksters (comme on en trouve aujourd’hui en Grèce ou en Italie), le Brésil se dote d’une quantité phénoménale de grands équipements (routes, ponts, ports, matériel d’exploration pétrolière…), sans avoir le moindre sou pour les payer. Comme les armes, tout est acheté à crédit. Les militaires au pouvoir acceptent d’autant plus facilement qu’ils touchent des millions de commissions sur des comptes dans les paradis fiscaux.
Pendant cette période, le Brésil massacre la forêt amazonienne en défrichant l’équivalent de deux fois la surface de la France. 90% de ces nouvelles surfaces sont concédés aux multinationales qui y feront pousser des hévéas pour leurs pneus ou du soja pour nourrir les vaches occidentales…
Trente ans après, à l’horizon 2000, le Brésil est exsangue, toutes ses richesses partent en “remboursement de la dette”, et sa population, privée de toute aide sociale, meurt de faim par milliers. Des favelas monstrueuses se développent anarchiquement autour des grandes villes (que le Brésil tentera de cacher à la face du monde lors des Jeux Olympiques de 2016.
Que fait alors le gouvernement de droite ? Rien. Il promet aux banksters de “payer la dette”. Et restreint encore davantage le peuple.
Au contraire, dans la période pré-électorale, le parti de Lula fait de la défense du peuple son cheval de bataille. Il promet notamment un audit de la dette. Historique !
Son prédécesseur avait déjà bien tendu le rectum (enfin, celui de la population pauvre) en garantissant aux banksters un excédent budgétaire (“superavit”) minimal de 3,5%, destiné au remboursement de la dette !
Je précise qu’on parle bien ici d’excédent budgétaire ! En effet, tant que le bankster a confiance dans la capacité du pays créancier à honorer les échéances de sa dette, il se contente des nouveaux crédits que l’État doit contracter pour payer les anciens. Mais si le bankster commence à craindre pour ses pépètes, il se fait menaçant et exige le dégonflage de la dette, ce qui suppose un excédent budgétaire.
Avant même son arrivée au pouvoir, Lula est menacé de toutes parts, et doit donner des gages : non seulement il ne fera pas d’audit, mais le nouveau ministre des finances, Palocci, qui finira d’ailleurs par tomber en 2011 pour des faits de corruption datant de 2005-2006, augmentera le montant minimal de l’excédent à 4,25% !!! On peut difficilement faire plus parfait demi-tour et montrer plus clairement son allégeance aux banksters.
Par la suite, jamais Lula n’est revenu sur la dette. Il a préféré la payer, et continuer à défricher, à livrer ses terres aux multinationales avides.
Je refais un saut de dix ans, et je change de continent. Bienvenue en Europe, en 2012. Nos politiciens félons s’apprêtent à leur tour à tendre notre rectum aux banksters en gravant dans le marbre l’obligation d’une stupidité et d’un renoncement absolu, de ne pas faire plus de 0,5% de déficit.
Après avoir feint de le critiquer pendant la période électorale, Hollande et ses “socialistes” ont tourné jaquette et s’apprêtent maintenant à voter en l’état le “traité Merkozy”, alias TSCG. En arguant d’un chimérique et grotesque “volet de croissance” qu’il aurait arraché à Merkel…
Ce traité félon, non content de plonger à coup sûr l’Europe encore plus profondément dans la récession, va définitivement délocaliser la conduite de notre économie à Bruxelles, sous la férule de la sinistre “Troïka” (Commission, BCE, et le sempiternel affameur des peuples, le FMI de DSK et de Lagarde) et la mettre sous la coupe des banksters, qui ne se priveront pas de piller et mettre en pièces nos derniers Services Publics et prestations sociales.
Pas de vraie surprise, on se souvient de François Hollande se rendant à Londres pour regagner la “confiance des marchés” en perdition après quelques “débordement gauchistes”, promptement remis dans le droit chemin.
On n’a rien à gagner à se soumettre à ces gredins. Il ne devrait y avoir qu’un seul mot d’ordre : résistance ! En ne perdant pas de vue que ces gens sont dangereux et ne reculeront devant rien. En Grèce, ils ont déjà baissé les salaires des fonctionnaires de 30%, comme les retraites. Et ce n’est qu’un aperçu de leurs capacités de nuisance. Le sort réservé à Allende ou aux victimes de Pinochet en témoigne, tout comme les millions d’enfants morts de faim, victimes des banksters, du FMI et des multinationales de l’agroalimentaire ou de la pharmacie.
Pour résister, on n’a que le parti “socialiste”. Quelle dérision ! On dirait que son seul but est de susciter l’espoir avant de trahir, foirer, et de faire le lit de la droite, dont les crocs s’affûtent déjà à l’horizon de 2017. Vous les entendez, les Fillon, les Copé, sans oublier Sarkozy, qui pourraient s’imposer comme un recours ? Ces cyniques amis des milliardaires qui, s’appuyant sur l’échec de la “gauche”, n’auraient plus qu’à finir le boulot des banksters par une “politique de droite” ?
Le nucléaire, les Roms, le TSCG et la “confiance des marchés”… La coupe est déjà pleine. Le changement, c’est maintenant, mais c’est où ?
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