L’actualité de la crise : LE CAPITALISME D’ASSISTANCE, par François Leclerc Blog de Paul Jorion
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Pour considérer les choses telles qu’elles sont, la BCE est en train de se mettre à sa manière au diapason de ses collègues, la Fed, la Banque d’Angleterre et celle du Japon. Comme elle peut, elle contourne cette singularité qui lui interdit d’acheter de la dette souveraine.
Un premier pas avait été franchi lorsque Jean-Claude Trichet avait lancé un programme d’achats de titres souverains sur le second marché, au prétexte inventé de réparer la transmission de la politique monétaireendommagée de la banque centrale. Les prêts massifs aux banques (LTRO) ont pris la suite, n’échappant à la marque de l’infamie de la création monétaire que parce qu’ils sont sensés être remboursés au terme d’une période de trois ans.
Une troisième étape vient d’être atteinte par Mario Draghi avec le projet d’achats en quantité illimitée de la dette souveraine à courte maturité des pays en difficulté, en relais du FESF/MES. Mais si ce nouveau programme devrait être lancé, on aboutirait à une étrange situation : il serait offert à la fois aux banques et aux États la possibilité de se soustraire du marché sur une longue durée afin de pouvoir se refinancer. Par le seul jeu d’un endettement auprès de la BCE qui serait roulé. Si cela ne s’appelle pas de la quasi création monétaire, qu’est ce que c’est ?
Après avoir rejoint le peloton des banques centrales, la BCE n’est pas plus avancée, car celles-ci s’interrogent sur la conduite qu’elles doivent tenir. Les réunions de la Fed, de la BoE et de la BoJ se succèdent, sans qu’aucun nouveau geste définitif n’intervienne. Seuls des ajustements sont entrepris, les banques centrales semblant se réserver pour une grande occasion qui pourrait se présenter si les choses tournaient plus mal.
C’est tout du moins ce qu’expliquent certains, d’autres ne s’embarrassant pas pour en conclure que les instruments de leur politique monétaire ne sont pas adaptés à la crise actuelle. En d’autre terme, que les banques centrales ne peuvent pas faire face à une crise longtemps caractérisée à tort de liquidité, alors qu’elle présente toutes les caractéristiques d’une crise de solvabilité.
Cette dernière n’est pas de leur ressort, alors qu’elles ne parviennent pas davantage à relancer la machine économique. C’était pourtant l’objectif revendiqué de la BCE lorsqu’elle s’est engagée dans ses LTRO, mais l’on n’en entend plus parler. La Banque d’Angleterre s’est quant à elle engagée dans une expérience attentivement suivie par ses collègues, qui consiste à prêter de l’argent aux banques à condition qu’elles prêtent davantage aux entreprises. Mais fait-on boire un âne qui n’a pas soif ?
Mario Draghi a ouvert sa boîte à outil en déclarant qu’il ferait tout pour sauver l’euro, manière de prouver sa détermination mais de mettre tout autant en évidence son indécision : faire tout, mais quoi en particulier ? Les mérites et les défauts comparés des mesures que la BCE pourrait encore prendre sont déjà analysés, comme sont celles que la Fed pourrait prendre et qui ne viennent pas, si ce n’est la reconduction de ce qui a été déjà entrepris.
Un nouveau round de LTRO a généralement les faveurs des analystes, à moins qu’il ne s’agisse de l’allongement à 5 ans de la maturité des prêts qui ont été déjà été accordés. Il semble en effet peu vraisemblable que les banques puissent rembourser ceux-ci et l’une ou l’autre de ces deux options doit être mise en pratique sans attendre. La seconde aurait l’avantage de ne pas obliger la BCE a assouplir encore une fois les caractéristiques du collatéral qu’elle accepte des banques en garantie, alors que ces dernières tirent la langue pour en fournir, et que cela se fait au détriment des crédits à l’économie.
Cette perspective revient à conforter une observation : le capitalisme financier est désormais sous assistance, lemarché porteur d’exigences qui ne peuvent être satisfaites et qui ne font qu’empirer la situation. Il avait toujours raison, il est devenu irrationnel…
Longtemps a prévalu l’idée qu’en dernière instance les digues rompraient et que les banques centrales inonderaient l’économie de liquidités, déclenchant une inflation à la fois dévastatrice et salvatrice; laminant le pouvoir d’achat d’un côté et réduisant la valeur de la dette de l’autre. Mais à considérer la taille des bilans des banques centrales, bien que moins spectaculaire que dans cette vision l’inondation a déjà largement débuté, mais sans résultats notables. Les liquidités circulent en circuit fermé, les banques empruntant d’une main ce qu’elles déposent de l’autre aux guichets de la BCE, par précaution; l’instrument des taux des emprunts et des dépôts n’opère plus.
A quoi sont réduites les banques centrales à l’arrivée ? A jouer les bad banks qui auraient du être mises en place et qui ne l’ont été que marginalement, avant de revenir sur le devant de la scène en Espagne; à contenir au mieux les faillites des banques et des États en espérant voir venir d’hypothétiques jours meilleurs… Les dispositifs d’assistance se multiplient, dont l’entrée est de plus en plus grande ouverte et la sortie toute aussi incertaine.
Joli résumé , bien écrit!
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