Dans 20 années, la fin du Japon ?
Publié le 23 août 2012 par gen4 - Les quatre vérités et les mille mensonges du nucléaireMichael Gorbatchev, prix Nobel de la Paix 1990
L’ancien secrétaire général du PC de l’Union Soviétique a vécu de manière privilégiée l’intégralité des conséquences de l’accident de Tchernobyl : depuis le déclenchement de la catastrophe le 26 avril 1986, en passant par l’écroulement de l’Empire Soviétique en 1989 et enfin le lent déclin financier, social et identitaire de l’ensemble des pays touchés par la catastrophe nucléaire. Au fil de l’étude des conséquences de la catastrophe passée, nous tenterons d’analyser à la fin de ce billet une prospective sur les conséquences de l’accident Japonais de Fukushima-Daiichi.
20 ans après l’accident de Tchernobyl, Michael Gorbatchev a livré un témoignage majeur sur les conséquences à long terme d’une catastrophe nucléaire
« C’est Tchernobyl qui a réellement causé l’écroulement de l’URSS, pas la perestroïka. »
M. Gorbatchev estime que si la catastrophe nucléaire ne s’était pas – bêtement (1) – produite le 26 avril 1986 en Ukraine (ex-URSS), le mur de Berlin ne se serait peut-être pas écroulé aussi rapidement (2) et les économies des régions frappées par le cataclysme nucléaire seraient probablement en bien meilleur état.
« La rétention d’information sur l’accident était involontaire »
M. Gorbatchev avait initié le déploiement de l’opération Glasnost dès 1985 ; il confie que les autorités ont été initialement – comme à Fukushima – complétement dépassées par les événements et incapables de réagir de manière efficace (3).
L’exemple de l’État-major de l’armée Russe sous les ordres du Général Berdov s’étant installé à Pripyat dans la journée du 26 avril (quelques heures après l’explosion) illustre à ce titre l’incompréhension totale de la gravité de la situation par les autorités Russes. En effet, les officiels Russes boivent, mangent et dorment normalement dans la ville soumises à des doses d’irradiation colossales (4).
Contrairement aux déclarations de M. Gorbatchev, il semble pourtant évident que l’appareil Étatique freinait en coulisse des quatre fers : le Vice-Premier Ministre de l’URSS, Boris Chtcherbina, estimait que « Créer un sentiment de panique [lié à une évacuation] pourrait s’avérer bien plus grave que de se voir exposé à la radioactivité. » (5)
Quelques jours plus tard, le 1er mai, les autorités Russes maintenaient les festivités dans la ville de Kiev, 110 km au Sud de la centrale de Tchernobyl ; les débits de doses y étaient alors de 10 à 100 fois supérieurs aux seuils tolérés pour l’exposition du public (6).
Un abysse financier dépassant largement toutes les prévisions
Sur le volet financier, il est généralement estimé que la catastrophe de Tchernobyl aura coûté globalement plusieurs centaines de milliards de dollars (6). Ce chiffre – astronomique – est plus parlant si on s’amuse à le comparer aux PIB 2011 des États les plus gravement touchés par la catastrophe :
- Ukraine : 165 Milliards US$
- Biélorussie : 55 Milliards US$ (le pays le plus touché par les retombées nucléaires)
- URSS (en 1989) : 500.000 Milliards US$
- Japon (pour comparaison, en 1989) : 3 Millions de Milliards US$
Source : Perspective, UDS, 2012
Un bilan sanitaire et humain impossible à définir
Il est impossible à ce jour, 25 années après la catastrophe Ukrainienne, de dresser précisément son bilan sanitaire. Rien que sur le chiffres des décès reliés directement à la catastrophe, les avis divergent trop pour pouvoir être analysés sereinement (8). En fait, 25 années plus tard, les blessures sont toujours ouvertes, les plaies à vif, au sens propre comme au sens figuré et cet état persistera tant que la contamination perturbera la vie normale dans la région affectée, pour quelques centaines d’années au minimum. Nous n’osons même pas évoquer les dégâts génétiques qui se transmettront au moins en partie au générations futures…
Retour au Japon et sur l’accident de Fukushima
Nous estimons aujourd’hui que l’accident Japonais à disséminé de une à deux fois la quantité de radionucléides que l’accident de 1986 a relâché (9). Une bonne partie de ces derniers s’est – heureusement pour les Japonais, malheureusement pour les pays qu’elle affecteront au cours de leur voyage – dirigée vers l’Océan Pacifique.
Le Japon doit donc s’apprêter à affronter les mêmes périls que l’ex-URSS : péril sanitaire, péril financier, péril d’identité, péril politique et sociétal ; il ne pourrait en être autrement, seuls les délais peuvent éventuellement varier mais il n’y aurait vraiment aucune raison pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
(1) L’accident a été l’enchaînement d’une longue suite d’erreurs et de mauvaises décisions humaines au niveau d’un matériel extrêmement peu sûr dont l’objectif était de produire beaucoup de Plutonium militaire et très peu d’électricité
(2) Le premier passage dans le mur a été ouvert à Berlin le 9/9/89 soit 1232 jours après Tchernobyl
(3) Les freins à une transparence complète étaient évidemment encore nombreux en 1986 : le ton était imposé par Gorbatchev (la « Déstalinisation » avait en fait été définie par Kroutchev dès le congrès de 1956) mais tous les niveaux hiérarchiques s’opposaient encore « naturellement » à cette nouvelle politique vue par de nombreux cadres comme une trahison des idéaux du communisme
(4) Estimation de dose cumulée au 27 avril : environ 50 Rads (0.5 Gray) ; ceci correspond à une exposition approximative de 1 Rem/h (10 mSv/h) à l’air libre à Pripyat
(5) Cité par N. Werth dans « l’histoire » n°308 – Tchernobyl et la fin de l’URSS, avril 2006
(6) Témoignage de Y. Chtcherbak dans « le mensonge de Tchernobyl », publié pardissident-média, 1989
(7) Chiffre évidemment très approximatif et toujours provisoire cité dans le rapport « l’héritage de Tchernobyl » publié par l’ONU en 2005
(8) De 4000 morts (!) à plus d’un million sans prendre réellement en compte l’impact des faibles doses, très délicates à identifier et à répertorier
(9) 2 fois plus de combustible endommagé à Fukushima = 2 fois plus de gaz rares (100% de l’inventaire des 3 réacteurs) ; équivalence de noyaux moyens (30 à 40%) ; 5 à 10% des noyaux lourds en inventaire
Sources :
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