mardi 21 août 2012
Désagrégation de la zone Euro : tous les chemins mènent à la BCE
Il s’en passe de belles dans l’arrière-boutique du système financier européen, qui ne sont pas clamées sur les toits ! Mario Draghi lui-même s’en est inquiété en signalant de vagues phénomènes de « fragmentation » qui se développent au sein de la zone euro. À quoi faisait-il référence ?
Le mécanisme se déroule en trois temps : la fuite des capitaux des pays au bord du trou se poursuit, avec comme conséquence une dépendance accrue de leurs banques aux prêts de la BCE, puis les liquidités fournies par celle-ci sont utilisés pour acheter la dette émise par leur État, afin dans l’immédiat de consolider l’édifice.
Stopper ce processus à terme fragilisant implique de redonner confiance dans le maintien de la zone euro. D’où le projet de bâtir une union fiscale, puis bancaire, et enfin une union politique. Mais tout cela prend beaucoup de temps, alors que ce dernier est compté. D’autant que de leur côté les régulateurs favorisent la réduction des expositions transfrontalières des établissements financiers afin de réduire les risques systémiques, accentuant un processus que l’on voudrait stopper par ailleurs…
Cela a comme conséquence l’accroissement de l’exposition de la BCE aux banques espagnoles, italiennes et portugaises. En juillet, ces dernières ont emprunté 60 % de la totalité des prêts de la banque centrale. Les cas de l’Irlande et de la Grèce sont à part, car les banques de ces deux pays sont désormais financées par leurs banques centrales nationales, dans le cadre des Emergency Liquidity Assistance (ELA), ne pouvant plus accéder faute de collatéral aux guichets de la BCE. Ce qui reporte le risque sur les États déjà bien mal en point qui en sont les actionnaires.
L’Eurosystème a certes les reins solides, mais un autre phénomène vient se surajouter. Au fur et à mesure que les capitaux sont rapatriés dans leur pays d’origine au départ des banques du Sud, la Bundesbank voit croître ses créances au sein du système Target 2 qui gère les rapports entre les banques centrales nationales de la zone euro. Ses créances dépasseraient désormais les 700 milliards d’euros, un montant destiné à encore augmenter. La dépendance des banques à l’égard de la BCE en ferait de même.
Enfin, un troisième phénomène est parallèlement intervenu. Les banques du Nord de l’Europe, qui continuent de se financer sur le marché, en particulier auprès des fonds monétaires, enregistrent que celui-ci répond moins bien à leurs demandes. En conséquence le volume de ces opérations diminue, exprimant dans certains cas les propres difficultés de financement des établissements bancaires emprunteurs.
Ces mécanismes continuant de produire leurs effets, la BCE tente de parer au plus pressé. Elle n’a pas d’autre solution, pour empêcher d’importants dérapages, que d’intervenir à nouveau sur le marché de la dette obligataire souveraine. Le sort de l’Espagne étant dans les faits déjà réglé, même si son plan de sauvetage n’est pas encore concrétisé, c’est celui de l’Italie qui est derrière en jeu.
Cela explique le ballon d’essai qui vient d’être lancé, selon lequel la BCE pourrait intervenir dès que le spread de la dette d’un pays – mettons l’Italie – dépasserait une certaine valeur, dans le cadre d’un accord global de réduction de son déficit. C’est très exactement ce que Mario Monti ne cesse de réclamer, pour l’instant sans être écouté. Car le gouvernement allemand continue de s’opposer à la poursuite du programme d’achats de la BCE sur le marché secondaire. Wolfgang Schäuble a délivré le fond de sa pensée en expliquant que « si nous nous engageons sur ce chemin, nous n’arrêterons pas ensuite. C’est comme si vous cherchiez dans la drogue la solution à vos problèmes ». Le gouvernement allemand serait toutefois plus crédible s’il ne faisait pas obstacle à la supervision directe de ses caisses d’épargne et banques mutualistes par la BCE, et s’il ne s’opposait pas à des mesures contra-cycliques. Impasse pour impasse…
Condamnés à s’entendre, Angela Merkel et François Hollande vont une fois de plus rechercher un compromis qui ne fera que repousser les problèmes pendant un certain temps. À condition d’englober le sort de la Grèce dans celui-ci. Milite pour cela non seulement l’inconnue que continue de représenter, malgré toutes les précautions prises, une sortie de la zone euro du pays. Mais aussi parce que cela vaudrait reconnaissance que deux plans de sauvetage successifs n’ont pas été en mesure de l’empêcher, alors qu’il sera difficile d’en faire porter la responsabilité exclusive sur les gouvernement grecs qui se sont succédés. La sortie de la Grèce de la zone euro sonnerait comme l’échec de la stratégie de désendettement qui est préconisée. Difficile de le revendiquer.
Blog de Paul Jorion » L’actualité de la crise : DANS L’ARRIÈRE-BOUTIQUE, par François Leclerc
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