dimanche 8 juillet 2012

Du Standard Or à la monnaie de singe

Un dollar de 1905, il pèse une once (30g environ) et coûte aujourd'hui plus de 1500 $ !


Les États-Unis décident d'abandonner l' OR , officieusement le 15 août 1971 quand le président Nixon décide de mettre fin à la convertibilité du dollar en or, officiellement le 8 janvier 1976 suite aux accords de la Jamaïque.




Autrefois, les monnaies étaient gagées sur de l’or physique, voire de l’argent. Au fil du temps, cette discipline s’est perdue… Depuis la fin de l’étalon or (15 Août 1971), les émissions de monnaies par les banques centrales étaient supposées être gagées par des placements “collatéraux” très sûrs, “notés AAA”, comme cela se disait alors. Jusqu’à la présente crise…


En gonflant son bilan de dettes souveraines de notation de plus en plus médiocre, et de toute façon outrageusement optimiste, pour sauver les banques détentrices de ces dettes d’une débâcle certaine, la banque centrale prend un risque énorme : reconnaître que sa base monétaire est fondée sur des actifs pourris, des dettes dont le remboursement intégral se fait chaque jour plus hypothétique, bref, des “daubes”… Si le non remboursement de ces dettes se matérialise, les détenteurs d’actifs libellés en euros se rendront compte que l’étalon-daube n’a pas toute la valeur qu’on lui prêtait encore il y a peu.


Cela pourrait entrainer une chute d’une ampleur inégalée sur la monnaie européenne, malgré la gestion tout aussi calamiteuse des monnaies concurrentes, et une vente panique de tous les actifs libellés en Euros, ainsi qu’une course à l’achat de tout ce qui sera supposer stocker de la valeur par les détenteurs de cette devise, pour limiter la casse, bref, un vrai “risque systémique”, comme l’on dit dans la bonne société. Et cela, la BCE préfèrerait l’éviter.


Quand on a fait une grosse bêtise, il y a deux attitudes possibles : assumer et réparer, ou tenter de tricher pour dissimuler sa bêtise, en espérant qu’un miracle vienne arranger la situation. Mais souvent, la fuite en avant ne fait qu’aggraver le mal. C’est pourtant la voie que la BCE a choisi pour éviter la chute de “l’étalon-daube”.


La BCE s’assoit sur le droit


Pour éviter que ses obligations pourries ne lui explosent à la figure, la BCE a cru bon de se garantir contre le non remboursement de la dette grecque en imposant au gouvernement grec que ses obligations soient échangées avec de nouveaux titres au taux de 1 pour 1, alors que la négociation avec les créanciers privés n’est pas terminée mais pourrait leur coûter plus de 70% de décote.


Autrement dit, la BCE s’est arrogée, hors de toute base contractuelle, hors de tout processus constitutionnel ou législatif, un droit de priorité exorbitant sur tous les autres créanciers. Tout détenteur de dette grecque autre que la BCE devient de facto détenteur d’une créance “subordonnée”, ou “junior”, c’est à dire encore plus risquée que si tous les créanciers étaient considérés à égalité. Autrement dit, tout détenteur de dette grecque a acheté une dette “senior”, et se retrouve avec une tranche “junior” dans les mains…


Pour bien comprendre : imaginez que vous prêtiez 100 euros à un débiteur qui doit 1000 euros à tous ses créanciers, et que ce débiteur soit en faillite, et que l’analyse de sa situation conduise les deux parties à estimer que, pour que les créanciers aient une chance de revoir une partie de leur argent, ils doivent accepter 50% de remise de dette. Si tous les créanciers sont égaux, vous vous retrouvez avec 50 euros de créances en mains, et l’ensemble des créanciers est créditeur de 500 euros.


Mais imaginons qu’un créancier détenant 250 euros soit prioritaire sur tous les autres et se voie, dans la négociation, gratifié d’un échange à 100% de la valeur. le débiteur est exactement dans la même situation financière, et doit réduire sa dette totale à 500 euros pour espérer survivre. Il reste donc aux détenteurs des autres 750 euros seulement 250 euros à se partager, soit 33% de la valeur initiale de la dette qu’ils détenaient. Et si le créancier prioritaire détient une part encore plus importante de cette dette, les autres, a fortiori, sont encore plus dilués. Par conséquent, la dette subordonnée est bien plus risquée que la dette qui ne l’est pas.


Si l’acheteur le sait avant, pas de problème : il demandera une rémunération supérieure de sa dette subordonnée pour couvrir son risque. Toutes les banques ont de la dette subordonnée à leur bilan, que les règles prudentielles leurs permettaient encore récemment de considérer comme des quasi-fonds propres. Mais dans le cas des obligations souveraines, tous les titres ont été émis égaux, et un créancier particulier, la BCE, vient de s’auto-proclamer prioritaire, avec la bénédiction des Etats, qui en sont actionnaires : ce n’est ni plus ni moins que du vol.


Contagion aux autres titres souverains ? Effet boomerang ?


Or, si la BCE peut s’arroger ce droit exorbitant pour la dette grecque, elle peut le faire pour toute obligation souveraine d’un autre état ! Bill Gross, patron du fonds d’investissement Pimco, un des plus gros acheteurs privés d’obligations dans le monde, résume ainsi la situation, sur son compte Twitter (info Zerohedge) :






La dette subordonnée (“junior”) est plus risquée que la dette de premier rang (“senior”). Par conséquent, les acheteurs de dette souveraine devront, lorsqu’ils achètent ces titres, évaluer leur risque de “dilution” par la BCE en cas de défaut, et réévaluer ce risque dès que la BCE effectuera le moindre achat de titres souverains. Quel prix donneront ils à ce risque supplémentaire ?


Pire encore : plus la BCE achètera des titres souverains, plus elle subordonnera les autres acheteurs, qui seront encore plus “dilués” en cas de défaut. A l’immoralité, la BCE ajoute l’incertitude. La BCE détient aujourd’hui environ 60 milliards d’obligations grecques et 233 milliards d’obligations souveraines de l’Eurozone. Si elle doit augmenter son portefeuille, cela ne conduira-t-il pas à l’effet inverse de celui recherché, c’est à dire à faire monter le taux exigé par les créanciers privés sur cette dette devenue “junior” ? Et donc à accumuler toujours plus de titres souverains bancals à son bilan ? Pour combattre l’effet “étalon-daube”, la BCE va devoir… allonger son bilan avec toujours plus de daubes. C’est ce qui s’appelle se prendre les pieds dans le tapis.


La LTRO avait permis de faire baisser un peu les taux demandés sur les dettes de l’Italie, de l’Espagne, et du Portugal. L’entourloupe de la subordination pourrait rapidement inverser la tendance. C’est ce qu’estime aussi le WSJ (lien payant), qui nous apprend qu’au sein du Board de la BCE, la seule voix raisonnable, celle de l’allemand Jens Weidmann, a voté contre cette mesure.


Les PIIGS, mais peut être aussi la France ou la Belgique, pourraient donc rapidement voir le coût de leurs adjudications obligataires augmenter. Compte tenu des niveaux atteints par la dette souveraine, toute augmentation de taux aura des effets extrêmement négatifs sur les soldes budgétaires publics, annulant les effets de nombreuses mesures d’austérité, accroissant la méfiance des investisseurs, etc… Une nouvelle spirale de flambée de taux obligataires devient hélas très probable pour les emprunteurs jugés les plus fragiles.


Conclusion : On paie toujours la facture de ses erreurs


Chaque pirouette imaginée par les gouvernants et banquiers centraux pour “sortir” de la crise -en fait, retarder la rechute – finit par revenir en boomerang à la figure de ceux qui l’ont imaginée.


A chaque sauvetage de très court terme, ils empilent les effets pervers… Faute d’avoir reconnu en temps utile que l’explosion de la dette nous emmenait dans le mur, et d’avoir fait face avec courage aux conséquences de ce surendettement lorsqu’il en était encore temps, ils ont triché, biaisé… Et demandé à la banque centrale de faire tout ce qu’elle ne devait pas avoir le droit de faire : gager notre monnaie sur du sable. Sur des daubes. Sur du vent. Sur des promesses intenables.


L’étalon-daube. Voilà ce qui nous tuera”.


olivierdemeulenaere

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