lundi 27 février 2012
Pourquoi une guerre de l'OTAN contre l' Iran pourrait très mal tourner
La République Islamique d' Iran n'a pas approuvé les conclusions de l'Agence International de l'Energie Atomique (l'AIEA) à propos de ses ambitions nucléaires et a répliqué en menaçant l'occident d'une contre attaque en cas de bombardement de ses installations controversées. La crainte d'une guerre longue au moyen-orient est toujours d'actualité, alors qu'un Iran nucléarisé est déja pris en compte par les stratèges de l'OTAN.
Dans « The Atlantic », le néoconservateur américain Jeffrey Goldberg, chantre de la guerre contre Saddam Hussein, a tenté, il y a quelques mois de préparer les opinions publiques à l’éventualité d’une frappe israélienne sur l’Iran. Son crédo : un Iran nucléaire serait une menace « existentielle » pour Israël. Une bombe iranienne ne manquerait pas de fournir un « parapluie nucléaire » pour les missiles du Hezbollah et les attentats du Hamas. Les pays arabes du Golfe Persique seraient obligés de s'allier avec l'Iran contre les États-Unis. Pour lui, seule une attaque préventive israélienne, à l’instar de celles contre le réacteur irakien d’Ossirak ou le site nucléaire syrien, pourrait arrêter la marche des iraniens vers la bombe.
L’intransigeance de Benyamin Nétanyahou est aussi due à des considérations de politique intérieure. Le Premier ministre israélien est aujourd’hui à la tête d’un gouvernement pour la première fois homogène et dominé par les partis de droite, d’extrême droite et les ultra-orthodoxes. A Jérusalem, le camp de la paix n’a plus voix au chapitre. Les bruits de bottes ne cessent de se faire entendre. Le jeu de « retenez moi sinon je fais un malheur » ne suffit plus, Israël doit passer à l’acte, même si l’on sait que le nombre des centrifugeuses opérationnelles de Natanz a baissé de 25% l’année dernière et que selon Meir Dagan, ancien chef du Mossad, l’Iran ne sera pas en mesure de posséder une arme nucléaire avant 2015.
Si une attaque israélienne devait avoir lieu, le premier pays dont les intérêts seraient menacés sont les États-Unis. L’aviation israélienne devra survoler des pays alliés aux États-Unis, dont l’espace aérien est contrôlé par ces "derniers". En représailles, il est plus facile pour les Iraniens de frapper les intérêts américains, plus proches, que de prendre pour cible Israël avec des missiles dont l’exactitude et la précision reste encore à démontrer.
Une attaque israélienne contre l'Iran ne manquera pas de précipiter la région dans une guerre dévastatrice avec des conséquences imprévisibles à l’échelle de la planète même.
L'Iran dispose d'une véritable force militaire et d'une volonté nationaliste inébranlable
L'Iran n'est ni l’Irak de 1980, ni la Syrie de 2008. Contrairement à ces deux pays, il dispose de la capacité d'exercer des représailles contre une attaque surprise de ses sites nucléaires. Avec sa population de presque 80 millions d’habitants, une armée totalement aguerrie à l’issue de huit années de guerre avec l’Irak et des conflits permanents avec les Talibans à la frontière irano-pakistanaise, le pays dispose de l’expérience, des équipements mais surtout de la volonté, non seulement pour riposter, mais aussi pour s’engager dans une guerre d’usure avec les Américains.
navires de guerre iraniens dans le canal de Suez
Principale force militaire de la région dans les trois corps constitués, avec ses missiles sol/sol, sol/air, ses avions de combat, ses drones, ses bateaux à grande vitesse capables de détruire des navires de guerre, l’Iran contrairement à ce que l’on entend, est à même de fermer le détroit d’Ormuz au trafic maritime, et de la sorte empêcher les exportations pétrolières. Le prix du baril pourrait atteindre 500 dollars, et toutes les économies seraient alors plongées dans une nouvelle crise alors que nous ne sommes pas encore sortis du tsunami monétaire et financier engendré par la situation grecque.
La présence armée iranienne, secret de polichinelle aujourd’hui, en Erythrée, au Yémen avec les rebelles chiites Houttis, au Liban ou au côté du Hamas à Gaza, fait que la capacité de perturbation de Téhéran, et c’est un euphémisme, est grande. La visite du Liban, l’an dernier, par le Président Mahmoud Ahmadinejad démontre que l’Iran n‘a pas besoin de missile pour atteindre Israël, des tirs de fusils suffisent. La frontière Libano-israélienne est devenue officiellement depuis le 14 octobre 2010, la frontière irano-israélienne. Quel serait le sort de pays fragilisés comme l’Egypte et la Jordanie, à qui leurs peuples reprochent déjà un silence complice à l’occasion de l’attaque israélienne contre Gaza en 2008. Ces pays pourraient-ils rester inertes face à une troisième intifada à Jérusalem, une deuxième guerre contre le Hamas ou une deuxième guerre du Liban ? Leurs pouvoirs survivraient-ils à un tel scenario, sachant que nul ne mesure aujourd’hui les conséquences de la Révolution de jasmin en Tunisie, et de la victoire du parti islamiste Ennahda lors des dernières élections sur l’ensemble des pays arabes ?
Le Président Obama serait bien embarrassé face à son peuple, lui expliquant que non seulement il ne pourra plus retirer les 50 000 soldats américains restés en Iraq avant la fin d’année, comme il l’avait promis, mais qu’il faudra en plus les renforcer. Pourrait-il survivre au poids de « body bags » supplémentaires de retour d’Iraq ? Déjà la politique américaine dans ce pays est mise en échec, du fait de milliers de GI’s morts et de plusieurs centaines de milliards de dollars dépensés. Le gouvernement irakien n’a pu être formé qu’avec l’accord express de Muqtada Al-Sadr exprimé depuis Téhéran. N’oublions pas que ce dernier est à a tête des brigades Al-Badr et de l’armée du Mahdi qui représentent au bas mot 40 000 hommes en armes à Bassorah et dans la banlieue chiite de Sadr City.
Et quel serait le sort de l‘Afghanistan, déjà fragilisé par l‘annonce du retour des Talibans au pouvoir ? Les Iraniens ne manqueront pas d’agir en incitant à la révolte les minorités chiites des Hazaras et des Tadjiks persanophones, déjà inquiets du fait de la "talibanisation" accrue du pouvoir de Kaboul.
Les dirigeants iraniens ne sont pas des "va-t-en guerre" suicidaires
Contrairement à ce qu’affirment certains, dans un discours dangereusement simpliste, les dirigeants iraniens ne sont pas membres d’une secte messianique apocalyptique. Il faut sortir des clichés dangereux décrivant les dirigeants iraniens comme les nouveaux Hitler. Parvenir à un accord entre l’Occident et l’Iran ne serait pas réitérer le pacte Daladier-Chamberlain avec le Reich. On peut reprocher beaucoup de choses aux dirigeants iraniens mais il serait irresponsable de les considérer comme des inconscients "va-t-en guerre" suicidaires, appréciation qui ressort également des télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks. Ils savent, comme nous tous, qu’Israël dispose de plus de 200 ogives nucléaires, et d’une capacité de seconde frappe avec ses sous-marins. En fait, peut être que le souhait secret du pouvoir de Téhéran est précisément une attaque israélienne, aussi inefficace que dangereuse et qui aurait pour unique résultat de fédérer la population iranienne, ultra nationaliste, derrière le régime, pour garantir sa survie dans la forme théocratique actuelle pour encore trois décennies. Le patron du Pentagone l’a bien compris, puisqu'il a refusé d’accéder à la demande de Jérusalem. Benjamin Nétanyahou demandait aux Américains de « brandir une menace forte contre l’Iran ».
L’Iran veut la bombe pour les mêmes raisons qu’Israël. Le pays est entouré par des voisins qui ont tous un contentieux territorial ou autre avec lui. Sans même parler de la guerre Iran / Irak, qui a coûté la vie à 500 000 iraniens, il y a le Pakistan et une armée sunnite qui ne cesse de s’illustrer par des massacres de chiites, et des heurts frontaliers avec l’Iran au Baloutchistan.
Le monde a déjà intégré l'idée d'un Iran nucléaire
Autrement, comment expliquer la présence permanente de trois porte-avions nucléaires américains dans la région, de la base française d’Abu-Dhabi, et les multiples accords de défense signés avec les pays arabes du Golfe Persique ? Comment empêcher la nucléarisation de l’Iran, alors que le nucléaire est devenu dans le jeu du pouvoir une démarche nationale. S’il y a un seul sujet qui unit tous les Iraniens aujourd’hui, ceux de Téhéran et ceux de Los Angeles, c’est bien le désir de voir l’Iran devenir nucléaire. C’est devenu une question de fierté nationale.
Ce qu’il faut empêcher, pour prévenir la fin du TNP (Traité de non prolifération), c’est que l’Iran procède à une explosion nucléaire souterraine. Il faut que l‘Iran maintienne une politique d’ambiguïté sur sa capacité nucléaire, de manière à ne pas encourager une prolifération dans la région. Que l’Iran atteigne le seuil du nucléaire comme le Brésil ou le Japon est un mal moindre que de voir le monde arabo-musulman s’embraser dans une guerre sans fin.
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