DANIEL DUCHARME — Les autres vies réunit quatre nouvelles ou plutôt, pour au moins trois d’entre elles, des novellas, un mot anglais qui désigne des petits romans dont le nombre de pages varie entre 70 et 120. Ces novellas, donc, ont été rédigées entre 1887 et 1910 par l’aîné des frères Rosny, d’où son nom de Rosny Aîné. Ces deux frères se sont rendus célèbres par la publication du roman préhistorique La guerre du feu, roman qui a d’ailleurs été adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud en 1981. Ce film a d’ailleurs connu un grand succès au box-office, remportant notamment le César du meilleur film en 1982 au Festival de Cannes. Dans ce recueil intitulé Les autres vies on retrouve Les Xipéhuz (1887), La mort de la terre (1910), Nymphée (1893) et Le cataclysme (1896), quatre récits qui ont en commun la description d’autres formes de vie. Deux de ces récits ont retenu particulièrement mon attention : Les Xipéhuz et La mort de la terre.
Dans Les Xipéhuz, sans doute le récit le plus marquant de ce recueil, Rosny Aîné décrit avec minutie le mode de vie de ces formes qui, pour survivre, s’en prennent aux mammifères de toutes les espèces, ce qui inclut les humains, bien entendu… Heureusement pour ces derniers, le territoire des formes est limité par leur nombre. Le problème, c’est que ce même territoire s’agrandit en fonction de leur taux d’accroissement. Pour contrer l’expansion des Xipéhuz, ces hommes, qui viennent à peine de sortir du paléolithique, se tournent vers Bakhoûn, un sédentaire professant des « idées singulières qui l’eussent fait lapider ». D’ailleurs le roman de Rosny Aîné est en quelque sorte la reproduction de son « étude hardie et minutieuse des ennemis de l’Homme, cette étude à laquelle nous devons le grand livre antécunéiforme de soixante tables, le plus beau lapidaire que les âges nomades aient légué aux races modernes ». Comment Bakhoûn s’y prend-t-il pour freiner la progression des Xipéhuz et, par le fait même, sauver l’humanité naissante ? Je vous le laisse découvrir par la lecture de ce récit passionnant qui se termine par un immense regret : « Je demande à l’Unique quelle fatalité a voulu que la splendeur de la Vie soit souillée par les ténèbres du Meurtre ».
Avec La mort de la terre, nous quittons les temps du nomadisme pour nous transposer dans un futur lointain où les êtres humains subsistent en groupes restreints dans des oasis au milieu d’immenses déserts. Dans un décor glauque à souhait, les derniers hommes constatent que la terre qu’ils ont tant aimée s’avère incapable, faute de ressources, de les nourrir plus longtemps. Au moment même où on vient d’annoncer que nous sommes plus de sept milliards d’habitants sur la planète, ce récit s’avère d’une cruelle actualité. Ici, l’auteur a fait preuve d’un sens remarquable de la prospective pour « imaginer » ce que personne n’aurait pu faire avec autant d’acuité avant lui : la fin des temps humains… En attendant cette fin, les derniers hommes sont menacés par les ferromagnétaux, des résidus post-radioactifs peu à peu animés par un mécanisme complexe, et, surtout, la raréfaction de l’eau, source de vie. Cette ressource, en s’épuisant, entraîne les hommes et les femmes vers une lente agonie que plusieurs abrègent en recourant au suicide collectif. Bref, cela vous donne une idée de ce récit qui ne risque pas de vous propulser dans l’avenir avec optimisme…
Joseph Henri Honoré Boex, dit Rosny Aîné, né à Bruxelles en 1856, est considéré par Wikipédia comme le père de la science-fiction moderne. Bien avant Wells et Conan Doyle, il appuie ses récits cataclysmiques sur une solide base scientifique. Et je vous dirais que cela n’est guère rassurant pour nous, pauvres mortels à l’avenir collectif incertain.
Rosny Aîné, Les autres vies, Ebooks libres et gratuits.
http://dlvr.it/ScfGNG
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