Juillet et août, mois douillettement placés sous la chaleur de l’été, sont traditionnellement propices aux sujets d’actualité plus légers : les petits reportages balnéaires succèdent normalement aux recettes de salades et autres barbecues goûtus tandis que le farniente gagne doucement les salles de rédaction. Manque de chance, cette année n’a pas permis aux journalistes de se reposer réellement et c’est sans doute à cause d’une fatigue évidente que le déchaînement de propagande à laquelle ils se livraient jusqu’à présent avec gourmandise devient maintenant parfaitement grossier et évident pour la plupart.
Il est vrai que la situation internationale s’y prête fort bien et que la multiplication des sujets graves n’aide pas au repos des esprits : problèmes énergétiques, hystérie climatique, inflation galopante et après une crise sanitaire qui avait déjà beaucoup contribué à monter les uns contre les autres sur des motifs de plus en plus futiles et artificiels, le conflit russo-ukrainien donne une nouvelle occasion aux propagandistes des deux camps de s’exprimer sans la moindre retenue.
Dans une guerre, il est certes attendu que les informations seront toutes à prendre avec des pincettes. Il n’en reste pas moins que certains médias font des efforts que d’autres ne tentent même plus, la fin semblant justifier tous les moyens avec désinvolture et en avant Ginette.
C’est le cas par exemple de France2 qui nous aura gratifiés, lors de ce qui est présenté comme un reportage depuis la centrale nucléaire de Zaporijjia, d’une magnifique illustration de ce à quoi peut aboutir une propagande décontractée sans aucune remise en question.
Selon la journaliste du service public de propagande étatique, un missile russe n’aurait pas explosé sur le toit de la centrale (jusqu’à présent aux mains des Russes) ; nullement étonnée que les militaires russes tentent ainsi de détruire une centrale dont ils ont le contrôle depuis plusieurs mois au risque de déclencher un incident nucléaire majeur, le reportage présente alors les images… d’une cheminée abimée comme étant les restes d’un missile. Plus c’est gros, plus ça passe. Mais plus ça se voit aussi :
Cet exemple aussi grotesque que ridicule n’a pas semblé beaucoup défriser les médias français qui sont rapidement passés à autre chose (karting en prison, canicule, les sujets ne manquent pas). Ne vous attendez donc pas à d’épais fact-checking de la part des suspects habituels (Libération, Le Monde et autres thuriféraires des pouvoirs en place) : circulez, il n’y a rien à voir, rien à commenter, rien à critiquer et surtout aucune prise de recul ne sera nécessaire. De toute façon, le narratif officiel est fixé, il n’est absolument pas question ni de l’amender, ni de le nuancer ou d’apporter de l’information. Ici, le but est d’accompagner les grandiloquences du président Macron dans sa fuite en avant nihiliste et belliqueuse et c’est tout.
Malheureusement, comme mentionné au début de ce billet, le souci avec cette attitude est que l’aspect factice et propagandiste de ces messages officiels est maintenant évident et à mesure que les carabistouilles grossières s’accumulent, il devient de plus en plus difficile pour ne pas dire impossible de croire, même un peu, la réalité alternative que nous dépeignent la presse et le gouvernement : une part croissante du peuple sait maintenant que l’une et l’autre tordent les faits, mentent autant qu’ils le peuvent et ont bel et bien un agenda qui ne peut s’embarrasser de la vérité ou d’une simple prise de précautions élémentaires et dont l’alignement avec les désirs et besoins de ce peuple est si faible qu’on est en droit de se demander s’ils n’en deviennent pas les ennemis objectifs…
La conséquence est aussi tragique qu’évidente : cette propagande de plus en plus visible entraîne un effondrement complet de la confiance qui forme normalement le ciment de toute société fonctionnelle, notamment par un effondrement de la confiance dans les médias. C’est en tout cas ce qui ressort des enquêtes régulières qui ont lieu, comme par exemple celle de Gallup récemment publiée et qui montre que jamais les médias (télévision ou presse) n’ont reçu aussi peu de crédit ou n’ont inspiré aussi peu confiance depuis les années 1970.
Or, indéniablement, son érosion puis sa disparition complète entraîne l’évaporation de toute légitimité des règles, lois et contraintes que le gouvernement veut imposer ; la disparition de la confiance se nourrit du constat de ces mensonges grotesques répétés, de l’évidence d’une coterie qui prétend faire un travail de vérification alors qu’il ne s’agit que d’un groupe d’entre-soi, d’individus qui se vérifient les uns les autres, qui appartiennent tous aux mêmes cercles et aux mêmes « bulles », qui se font confiance les uns les autres, et qui surtout excluent les outsiders ou la moindre pensée dissidente, la moindre nuance, la moindre discussion ou la moindre remise en question.
Progressivement, le peuple se rend compte de cette supercherie, et se place de plus en plus en dehors de ces bulles auto-alimentées d’un fact-checking en plein autosuçage frénétique. Et de leur position extérieure, un nombre croissant d’individus constate toute l’hypocrisie du théâtre d’ombres que le gouvernement et la presse leur jouent en croyant, dur comme fer, qu’ils y adhèrent encore tous, obligatoirement.
Oh, certes, il est encore loin le moment où la majorité sera consciente de ces mensonges et, surtout, entendra faire savoir qu’elle en a assez, qu’il est temps de revenir à un discours réaliste et nuancé, et de réaligner pouvoirs politique et médiatique avec les besoins et les envies du peuple ; et certes oui, il pourrait s’écouler encore des mois, des années peut-être avant de parvenir à ce réalignement.
Néanmoins, chaque jour qui passe, chaque nouvelle idiotie, chaque nouvelle grotesquerie entraîne l’extraction spontanée d’individus hors de ces réalités alternatives construites par ces aigrefins, et chaque individu qui vient grossir les rangs de l’ « équipe réalité & nuance » ne fera plus jamais le chemin inverse.
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Sur le web
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