Alors que la crise économique déclenchée par la pandémie de COVID met sous pression les finances publiques des États, l'enquête publiée cette semaine par le Monde et 16 médias pointe à nouveau les dommages causés par le Luxembourg, paradis fiscal majeur au cœur de l'Union Européenne, et par les entreprises et les particuliers qui y dissimulent leur argent.
Cette enquête d'ampleur utilise pour la première fois des données publiques issues du registre sur les bénéficiaires réels des sociétés, dont la publicité est désormais obligatoire dans l'Union Européenne, notamment grâce à la pression des ONG. Elle montre cependant que les mesures de transparence doivent être complètes pour être utilisables, et que des réformes de fond demeurent indispensables pour lutter contre l'évasion fiscale des multinationales comme des plus riches, et que les paradis fiscaux cessent de nuire. Si certaines sociétés enregistrées au Luxembourg sont de simples coquilles vides destinées avant tout à faciliter les montages d'évasion fiscale, mais qu'elles ne peuvent être considérées comme frauduleuses dans le droit existant, c'est bien que le système fiscal est obsolète et que les lois doivent évoluer.
« L'enquête Open Lux démontre à quel point la transparence est indispensable pour lutter contre le blanchiment de capitaux et l'évasion fiscale. L'Union européenne a rendu obligatoire la création de registres publics des bénéficiaires réels des entreprises, registre qui a permis aux journalistes de mener leurs recherches. Mais l'enquête pointe aussi les progrès qui restent à faire pour que cette transparence soit vraiment opérante : elle est encore trop souvent sapée par des failles dans la législation, notamment une définition inadéquate de la notion de propriétaire réel, et des contrôles insuffisants. La France est en retard. Elle n'a toujours pas ouvert son registre en source ouverte. Or la capacité de la société civile à contrôler la régularité des informations sur les bénéficiaires réels, à l'instar de l'enquête OpenLux, dépend directement des modalités d'accès à ce registre. » déclare Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer flux financiers illicites à Transparency International France.
« La transparence fiscale des entreprises est également essentielle : 6 ans après les Luxleaks, on ne connaît toujours pas la répartition des impôts payés par les multinationales dans tous les pays où elles sont présentes ! Cette mesure est indispensable pour que citoyen-ne-s et journalistes puissent savoir si les entreprises payent suffisamment d'impôts au regard de leurs activités réelles, comme par exemple pour les nombreuses filiales du CAC 40 au Luxembourg. Une directive clé va être discutée à la fin du mois : les États doivent cesser de céder aux pressions des paradis fiscaux et de grandes entreprises, et s'engager pour une véritable transparence fiscale. Cela serait un progrès majeur. » affirme Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.
« OpenLux confirme que l'évasion fiscale profite aux plus riches et aux entreprises multinationales et qu'elle est systématique. Pourtant, alors que ce scandale montre à nouveau que le Luxembourg est un des plus importants paradis fiscaux au monde, l'Union Européenne refuse de le considérer comme tel, et exclut tous les paradis fiscaux membres de l'UE de sa liste noire. » ajoute Raphaël Pradeau, porte-parole d'Attac.
« Le système fiscal international demeure trop complexe, et inadapté aux réalités économiques du 21e siècle. On perd un temps précieux avec des réformes parcellaires et les paradis fiscaux comme les évadés fiscaux s'adaptent aux nouvelles législations. Il est nécessaire de réformer profondément l'impôt sur les sociétés, sur la base d'une taxation unitaire des multinationales, imposant l'ensemble des activités du groupe en fonction des activités réelles, et de l'associer à un taux minimum d'imposition. » conclut Quentin Parrinello, responsable plaidoyer à Oxfam France.
Crédit photo : Brice Le Gall
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