Par Pierre Robert.
Les indicateurs qui servent de base aux décisions du gouvernement semblent tous annoncer une deuxième vague covid de grande ampleur: le nombre de cas positifs détectés chaque jour de même que le taux de positivité des tests augmente depuis le mois de juillet alors que le nombre de personnes hospitalisées ou, plus grave, admises en réanimation croit depuis la mi-août.
On observe toutefois que le nombre quotidien de morts est sans commune mesure avec ce que lâ™on enregistrait au mois dâ™avril avec 116 décès Covid le 25 octobre, majoritairement en EPHAD où à domicile, contre 1438 le 15 avril. Quant aux données sur la surmortalité due à lâ™Ã©pidémie, on dispose des chiffres détaillés publiés par lâ™INSEE tous les 15 jours.
Selon le document publié le 16 octobre il apparaît que depuis le 1ᵉʳ mai, il y a eu 1% de décès en plus que pendant la même période en 2019. Lâ™INSEE constate aussi que la hausse concerne les plus de 65 ans tandis que le nombre de décès continue de diminuer en dessous de 50 ans. Compte tenu de la tendance de fond au vieillissement de notre population cette évolution nâ™a rien de spectaculaire.
Cet ensemble dâ™indications a toutefois poussé les responsables politiques, qui ont déjà confiné toute la population pendant 55 jours, à la mettre sous couvre-feu dans 54 départements. La crise économique qui sévit déjà avec une exceptionnelle sévérité ne peut quâ™en être aggravée. A un demi-siècle dâ™Ã©cart deux chocs sanitaires dâ™intensité comparable
Les données sur la crise sanitaire que nous subissons sont comparables avec celles de la grippe dite de Hong Kong, première pandémie à avoir été surveillée par un réseau international.
Après un premier épisode qui semble avoir été peu meurtrier en 1968, survient entre décembre 1969 et janvier 1970 une seconde vague qui lâ™a été bien davantage. Selon les recherches menées en 2003 par Antoine Flahaut, épidémiologiste à lâ™Inserm, elle aurait fait en 2 mois plus de 31.000 morts en France.
On estime au total à 40 000 décès lâ™excédent de mortalité quâ™elle a provoqué dans notre pays qui était alors peuplé de 50 millions dâ™habitants contre plus de 67 aujourdâ™hui (soit une augmentation de plus du tiers).
Les dégâts ont été du même ordre en Allemagne de lâ™Ouest et on considère quâ™il y a eu au total environ 1 million de victimes dans un monde deux fois moins peuplé quâ™aujourdâ™hui.
On est donc fondé à comparer lâ™incidence socio-démographique de ces deux pandémies.
Ce qui les différencie est que le virus actuel semble être plus meurtrier, en particulier pour les plus de 65 ans dont le nombre et la proportion sont beaucoup plus élevés dans un pays vieillissant quâ™ils ne lâ™Ã©taient en 1968 à une époque où la mort des personnes ayant dépassé cet âge était socialement acceptée comme « naturelle », ce qui nâ™est plus du tout le cas aujourdâ™hui.
Cette caractéristique et les incertitudes sur les séquelles que la maladie pourrait laisser aux survivants ont poussé le gouvernement, sous la pression des média et de lâ™opinion publique, à faire le choix légitime mais extrêmement coûteux de protéger à tout prix les plus vulnérables.
Leur stratégie a aussi été guidée par lâ™impératif dâ™Ã©viter quoi quâ™il en coûte lâ™engorgement des hôpitaux publics et la multiplication des procès qui pourraient leur être intentés pour manquement à lâ™obligation de soins appropriés. Lâ™incidence sur les activités économiques nâ™est évidemment pas du tout la même que si, comme à la fin des années 60, on avait décidé de ne rien faire. Un retentissement social et économique sans commune mesure
Lâ™Ã©pidémie de la grippe de Hong Kong a certes eu un impact sur lâ™Ã©conomie de la France : beaucoup dâ™Ã©coles et de commerces ont été contraints de fermer, 15% des cheminots ont été infectés et la capacité industrielle a provisoirement fléchi avec 20% de personnels en moins dans les usines.
Mais ce douloureux épisode nâ™a pas laissé de traces sensibles sur le sismographe de la croissance et nâ™a pas réellement marqué les esprits contemporains qui très vite vont lâ™oublier.
En revanche les mesures drastiques prises en 2020 pour lutter contre la pandémie ont entraîné un effondrement de lâ™activité, avec une chute de près de 20 % au premier semestre et de 10% sur lâ™année selon les prévisions du gouvernement qui les maintient alors que le PIB devrait lourdement rechuter au 4ème trimestre.
Pour lâ™Ã©conomie française le coût qui en résulte a jusquâ™Ã maintenant été différé par les dispositifs provisoires de soutien mis en place par lâ™Etat (fonds de solidarité, exonérations de cotisations et chômage partiel). Mais ce nâ™est que partie remise. La facture devrait bientôt se révéler écrasante. Un coût astronomique pour l♠économie française
Lâ™impact sur lâ™emploi est dâ™ores et déjà énorme avec une note particulièrement salée dans le cas de la France en raison de la nature des spécialisation de son économie : tourisme, aviation, automobile.
Comme le note lâ™institut Rexecode : « Lâ™emploi réagit en général avec retard à lâ™Ã©volution de lâ™activité et les entreprises vont ajuster leurs coûts pour rester solvables ». Pour lâ™année prochaine ses experts anticipent globalement la disparition de 57.000 emplois là où le gouvernement table toujours sur 435.000 créations. Ce sont donc 500.000 emplois qui risquent de passer à la trappe par rapport à ce qui était attendu.
Pour ce qui est de lâ™emploi des cadres lâ™APEC estime que sur lâ™ensemble de lâ™année 2020 leurs recrutements devraient chuter de près de 40%.
Il apparaît aussi que la rentabilité des entreprises sâ™est considérablement dégradée ce qui est de très mauvais augure pour les investissements de demain et lâ™emploi dâ™après-demain. La dernière édition du « Profil financier du CAC 40 » publiée par EY montre que la crise du coronavirus a porté un coup brutal aux grandes entreprises cotées dont les profits se sont effondrés. Dans le même temps leur endettement grimpe en flèche. Des finances publiques en crise
Le coût de la première vague est déjà fabuleux pour les finances publiques avec 470 milliards dâ™euros de manque à gagner et de dépenses supplémentaires dans une situation budgétaire depuis longtemps dégradée. Câ™est une différence majeure avec lâ™Allemagne qui dispose de marges de manÅ“uvre propres beaucoup plus importantes que les nôtres, ce qui souligne lâ™intérêt de mener sur la durée une politique budgétaire équilibrée.
Aux dépenses déjà engagées sâ™ajoutent celles du plan de relance de 100 millards dâ™euros et des mesures prises pour atténuer la seconde vague. Financée par des expédients ( création de monnaie à jet continu et emprunts publics tous azimuts) la facture ne cesse de sâ™alourdir sans quâ™on puisse encore en deviner le montant final. « The 90% economy »
A ces effets de court terme sâ™ajoutent ceux que lâ™on peut prévoir à moyen et long terme si sâ™installe ce que The Economist a qualifié de « 90% economy ». En tout état de cause, avec la remise en cause de la mondialisation, les dysfonctionnements monétaires probables (quâ™il sâ™agisse dâ™un approfondissement de la déflation ou dâ™une reprise de lâ™inflation), lâ™appauvrissement des ménages du fait du chômage et lâ™Ã©ventualité dâ™une crise financière de grande ampleur, la croissance potentielle devrait partout diminuer.
Mais elle risque de le faire bien plus encore et plus longtemps en France dont lâ™Ã©conomie souffre de toutes sortes de rigidités qui persistent en dépit des efforts récemment entrepris pour les atténuer.
Outre ce qui se voit, il faut aussi tenir compte de ce qui ne se voit pas et qui pourrait plomber notre croissance future dans la mesure où la pandémie devrait accentuer toutes les fractures caractéristiques de notre société où le sort des jeunes générations est désormais rien moins quâ™enviable.
Le seul côté positif de la crise sanitaire est dâ™avoir donné un coup dâ™accélérateur décisif à des processus porteurs de considérables gains de productivité comme le télétravail, le téléenseignement et plus généralement la numérisation des activités Lâ™ impossible arbitrage
Comme lâ™a déclaré Edouard Philippe devant la commission lâ™enquête de lâ™Assemblée Nationale :
« Confiner trop longtemps, câ™est lâ™effondrement du pays et déconfiner trop vite, câ™est le redémarrage de lâ™Ã©pidémie ».
Cette réflexion garde sa pertinence face à la deuxième vague. Elle rappelle que le traitement de questions aussi difficiles que celles que pose la pandémie requiert une série d♠arbitrages très délicats. Or la France est particulièrement mal équipée pour les mettre en œuvre de manière efficace.
Obèse, notre administration est ankylosée par la multiplication irrationnelledâ™Ã©chelons hiérarchiques et lâ™absence dâ™un management digne de ce nom. La gestion de lâ™Ã©pidémie a révélé ses défaillances, sur les masques dâ™abord, les tests ensuite, sans oublier le fiasco de lâ™application Stop-Covid.
Victime du syndrome « un problème, une loi » notre pays est aussi étouffé par la prolifération de normes à lâ™application incertaine. Confronté aux défaillances de ses instances de socialisation, il subit une crise de lâ™autorité de lâ™Etat en particulier et de ses institutions en général.
Dans ces conditions la défiance est partout et la décentralisation, qui permet à lâ™Allemagne de mieux sâ™en sortir, reste un leurre
Pour mieux affronter les crises de lâ™avenir qui ne manqueront pas de survenir, on voit ce que sont les réformes à entreprendreâ¦Elles vont toutes dans le même sens : recentrer lâ™Etat sur ses missions vitales alors quâ™il disperse ses forces et nos moyens dans des interventions économiques qui paralysent les initiatives. « Quoi quâ™on fasse ⦠»
Face à une pandémie comme celle qui sévit actuellement toute stratégie a ses coûts et ses avantages. Tout dépend en définitive de ce quâ™une communauté est prête à payer pour éviter une mort supplémentaire au sein du groupe de ceux qui pour leur malheur se retrouvent à lâ™hôpital.
Manifestement quelques uns ont décidé pour nous que ce prix nâ™avait pas dâ™importance, aussi élevé soit-il. Entre le « quoi quâ™il en coûte » dâ™Emmanuel Macron et « le bilan va sâ™alourdir quoi quâ™on fasse » dâ™Olivier Veran on mesure lâ™ampleur des difficultés auxquelles notre économie est aujourdâ™hui dramatiquement confrontée et le sera demain plus encore. Ces articles pourraient vous intéresser: Vous avez tout faux ! Risque zéro et amélioration de la sécurité Covid-19 : le début de la fin ? (1) La virulence du Covid-19 est-elle en train de diminuer ? Deuxième vague de Covid-19 peut-être, de folie gouvernementale sûrement.
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