dimanche 27 septembre 2020

Sibeth Ndiaye : le « talent » récompensé

Par Claude Robert. Il existe de nombreux indices qui trahissent le déclin culturel d’une société. Mais les pires sont ceux derrière lesquels on découvre que c’est l’élite du pays qui alimente elle-même le mouvement. Il semblerait que les politiciens maîtres d’œuvre de cette dégringolade soient nettement moins rares dans l’actuel gouvernement Macron. S’il fallait néanmoins choisir une saillie qui résume parfaitement ce délabrement, la possible promotion de l’ancienne porte-parole Sibeth Ndiaye au sein de LREM se situe très haut dans ce hit-parade de la déchéance. Telle une cerise sur un gâteau avarié, cette promotion viendrait clôturer un parcours éminemment révélateur. Rappel des faits. Sibeth Ndiaye, un itinéraire typiquement socialiste Issue de la filière socialiste classique, UNEF puis PS, Sibeth Ndiaye devient chargée de mission auprès du ministre du Redressement productif du gouvernement Hollande, ministre qui sera Arnaud Montebourg puis Emmanuel Macron. Elle accompagne ce dernier pendant sa campagne présidentielle. Après la victoire de celui-ci, elle se retrouve conseillère dans son service communication. Elle est ensuite nommée porte-parole du gouvernement Macron de mars 2019 à juillet 2020. Ce même mois de juillet, LREM l’intègre en tant que membre de sa Commission Nationale des Talents (sic). Plus fort encore, selon plusieurs journalistes, elle serait tout récemment pressentie pour diriger le pôle «�idées Â» du président (Huffpost 21/09/20). On ne rit pas. Sibeth Ndiaye, une longue série de polémiques Souvenons-nous : dès sa nomination au poste de conseillère en communication, l’impétrante déclare sans sourciller qu’elle « assume parfaitement de mentir pour protéger le président Â». Face à la polémique suscitée par des propos aussi choquants, elle finit par les démentir, mais d’une façon qui ne transpire pas spécialement les remords. En 2018, lors de l’affaire Benalla, plusieurs journalistes (dont du Figaro) l’accusent d’avoir diffusé et probablement fabriqué, en collaboration avec l’un des principaux conseillers du président, de fausses informations sous forme de vidéos dans le but évident de protéger le garde du corps de celui-ci (Planet.fr 13/09/19). Au salon de l’agriculture de 2019, elle s’emporte contre une chroniqueuse du journal Le Monde et déclare que les journalistes doivent « obéir Â» (Planet.fr 13/09/19). Mais c’est en 2020, en pleine pandémie du coronavirus que Sidbeth Ndiaye atteint son apogée. Pulvérisant de façon remarquable les meilleurs exemples du fameux principe de Peter, elle tient un discours sur les masques sanitaires de nature à mettre en danger la population. Ses propos sont immédiatement interprétés comme destinés à dissimuler l’évidente incurie du gouvernement en matière de prévention. Qu’on en juge : « Vous savez quoi ? Je ne sais pas utiliser un masque. Je pourrais dire : – Je suis une ministre, je me mets un masque-, mais en fait, je ne sais pas l’utiliser […] les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde […] parce que l’utilisation d’un masque, ce sont des gestes techniques précis, sinon on se gratte le nez sous le masque, on a du virus sur les mains ; sinon on en a une utilisation qui n’est pas bonne, et ça peut même être contre-productif. » (BFMTV 20/03/20). « Il n’y a pas besoin d’un masque quand on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres » (25/03/20). « Les Français ne pourront pas acheter de masque dans les pharmacies, car ce n’est pas nécessaire si l’on n’est pas malade Â» (Mediapart 17/03/20). C’est à cette période qu’un collectif de plus de 600 médecins porte plainte contre Agnès Buzyn, Édouard Philippe puis Olivier Véran pour, excusez du peu : « mensonge d’État Â». Ce collectif accuse ces ministres de « ne pas avoir agi suffisamment tôt ni pris les bonnes mesures, notamment le stockage de masques et la mise en place de tests systématiques Â» dans la lutte contre la pandémie. Des dizaines de plaintes sont déposées par ailleurs, de la part d’associations, pour les mêmes griefs. Puisque la plainte évoque le mensonge d’État, on peut s’étonner que la plainte du collectif C19 n’ait pas été également dirigée contre Sibeth Ndiaye. Sans doute a-t-elle été considérée comme simple exécutante. Pourtant, dans un tel contexte de santé publique, il s’agit d’un geste grave. Comment l’intéressée s’est-elle défendue, ce mercredi 23 septembre, lors de son audition en commission du Sénat ? Sans surprise, en rejetant l’ensemble de ces accusations : « Ã€ aucun moment on ne m’a demandé de mentir sur la situation des masques et à aucun moment donné je ne l’ai fait Â» (FranceTV Info). Une telle position paraît néanmoins peu crédible compte tenu des accusations portées contre le gouvernement lui-même. Le gouvernement Macron, fossoyeur des valeurs de la société Dans son essai La révolte des masses, José Ortega y Gasset évoque souvent ce qui fait la différence entre l’homme médiocre et celui qui ne l’est pas, « l’homme d’élite », celui qui est « plus exigeant pour lui que pour les autres ». Ce livre, dont la réputation prophétique ne cesse de se confirmer, surprend car il nous rappelle ce que le relativisme actuel est en train de détruire progressivement : l’existence d’un système de valeur moral et culturel, une espèce d’échelle orientée vers le beau, le bien, le mieux, l’efficace, le vrai, un idéal humain qui fournit de cadre de référence aux individus les plus ambitieux. Ceux qui, pour eux-mêmes, « mettent la barre plus haut », ainsi que les qualifie l’essayiste. Aux antipodes de ces aspirations forcément ringardes, le gouvernement Macron collectionne les atteintes à la morale la plus élémentaire et les preuves d’une solide incurie. À travers le parcours de son ex porte-parole, en récompensant à la fois l’incompétence et le mensonge, ce gouvernement fournit l’exemple indiscutable d’une décomposition passablement avancée. — Sur le web Ces articles pourraient vous intéresser: Agnès Buzyn candidate aux municipales à Paris : le petit soldat d’Emmanuel Macron Discours de politique générale : le macronisme devient un centrisme opportuniste « D’accord, Macron, c’est pas ça. Mais qui d’autre, alors ? » Nomination de Sibeth Ndiaye : Macron, président de la post-vérité ?
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