vendredi 21 août 2020

Eau agricole : sĂ©cheresse ou indigence institutionnelle ?

Par Max Falque.� En faisant de la ressource en eau un « patrimoine commun de la nation Ă‚» la loi sur lĂą€™eau de 1992 excluait par principe, voire par idéologie, la définition de droits de propriété et donc ouvrait la voie à la célèbre tragédie des biens communs ou plus exactement celle du libre accès à une ressource limitée sur laquelle sĂą€™exerce une demande croissante. Rappelons les conclusions de lĂą€™article fameux de Garrett Hardin publié dans la revue américaine Science en 1968 qui décrit comment un pâturage communal est inévitablement détruit dès lors que chaque propriétaire de troupeaux a un intérÃÂȘt a le surpaturer avant que ne le fasse un autre pasteur. Pour éviter cette tragédie deux solutions sont possibles : soit réglementer, soit attribuer des droits de propriété lorsque cela est physiquement et socialement possible. En matière dĂą€™eau agricole, la France a choisi la voie de la réglementation et tout semble indiquer que les résultats ne sont pas au rendez-vous : conflits, surexploitation, pénurie. En effet au lieu de conférer des droits de propriété sur lĂą€™eau souterraine, la réglementation octroie des autorisations de prélèvement, assorties dĂą€™une redevance en fonction de la capacité des aquifères. Cela suppose : * dĂą€™abord, de connaître la ressource cĂą€™est-à-dire le fonctionnement de chaque aquifère, tâche très difficile en lĂą€™Ăƒ©tat des connaissances et des techniques ; * ensuite, de connaître les prélèvements par chacun des pompages sur chaque aquifère. Or, malgré la réglementation on sait que les déclarations ne correspondent pas, ou de loin, à la réalité. Autrement dit la gestion administrative de lĂą€™eau souterraine est guidée par une double incertitude ; et dans ces conditions la « ruine est la destination finale ». Pourtant une autre voie est possible : la définition de droits de propriété permettant la mise en place dĂą€™un marché. En effet, dès lors quĂą€™apparaît un déséquilibre entre offre et demande pour une ressource économique et/ou environnementale la meilleure solution passe par sa valorisation car « lĂą€™absence de prix conduit les gens à se comporter comme si la valeur des services livrés par le patrimoine naturel était nulle. Parfois la puissance publique intervient au travers de redevances ou de prix administrés. Mais ils sont souvent fixés de façon arbitraire à des niveaux très bas Ă‚» (P. Point). AujourdĂą€™hui le comportement de chaque agriculteur rationnel est de pomper toute lĂą€™eau agricole dont il a besoinĂą€¦ si possible avant que ses voisins nĂą€™en fassent autant. Il serait dès lors étonnant que lĂą€™on assiste pas à une baisse du niveau, puis à lĂą€™assèchement de la nappe, compromettant ainsi le débit des cours dĂą€™eau et les droits des autres utilisateurs (pÃÂȘcheurs, association de protectionĂą€¦). Compte tenu de la nature des aquifères, il existe une solution de propriété en commun permettant la pérennité de la ressource, celle de la « propriété commune »  pour laquelle Elinor Ostrom a reçu le prix Nobel dĂą€™Ăƒ©conomie en 2009. Il sĂą€™agit pour un petit groupe dĂą€™ayants-droit de sĂą€™entendre sur les modalités de prélèvement sur lĂą€™aquifère et de définir les droits et obligations de chacun dans le respect des conditions environnementales, économiques et sociales de la communauté locale. En outre il est possible de vendre les droits dĂą€™eau. Certes, ces institutions ne sont pas simples à mettre en place mais elles ont traversé les siècles et continuent à le faire dans de nombreux pays pour les eaux de surface. Si le pompage introduit un bouleversement technologique, les institutions traditionnelles peuvent inspirer les réformes1. Ce qui est certain cĂą€™est quĂą€™en lĂą€™absence de mécanisme de prix et en situation de quasi-libre accès, la sécheresse sera de plus en fréquente. Il est temps que le législateur substitue le principe de réalité à lĂą€™idéologie, la démagogie et lĂą€™ignorance. * Ce problème est traité dans lĂą€™ouvrage collectif Droits de propriété, économie et environnement : les ressources en eau Falque et Massenet (Dalloz, 2000, 507 p.) et notamment dans lĂą€™article de N. Kosciusko-Morizet, V. Richard et H. Lamotte « Que peut-on attendre de la mise en place des quotas individuels échangeables de prélèvement sur la ressource en eau en France ? LĂą€™exemple de lĂą€™agriculture irriguée ». Ăą†© Ces articles pourraient vous intéresser: Existe t-il une réponse libérale à la crise du Covid-19 ? Les exilées de la liberté Sans État, qui sĂą€™occuperait des routes ? La haine de la propriété privée est lĂą€™apanage des esclavagistes
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