Par Max Falque.
En faisant de la ressource en eau un Ă« patrimoine commun de la nation Ă» la loi sur lĂą™eau de 1992 excluait par principe, voire par idĂ©ologie, la dĂ©finition de droits de propriĂ©tĂ© et donc ouvrait la voie Ă la cĂ©lèbre tragĂ©die des biens communs ou plus exactement celle du libre accès Ă une ressource limitĂ©e sur laquelle sĂą™exerce une demande croissante.
Rappelons les conclusions de lĂą™article fameux de Garrett Hardin publiĂ© dans la revue amĂ©ricaine Science en 1968 qui dĂ©crit comment un pĂ¢turage communal est inĂ©vitablement dĂ©truit dès lors que chaque propriĂ©taire de troupeaux a un intĂ©rĂÂȘt a le surpaturer avant que ne le fasse un autre pasteur.
Pour éviter cette tragédie deux solutions sont possibles : soit réglementer, soit attribuer des droits de propriété lorsque cela est physiquement et socialement possible.
En matière dĂą™eau agricole, la France a choisi la voie de la rĂ©glementation et tout semble indiquer que les rĂ©sultats ne sont pas au rendez-vous : conflits, surexploitation, pĂ©nurie.
En effet au lieu de confĂ©rer des droits de propriĂ©tĂ© sur lĂą™eau souterraine, la rĂ©glementation octroie des autorisations de prĂ©lèvement, assorties dĂą™une redevance en fonction de la capacitĂ© des aquifères.
Cela suppose :
* dĂą™abord, de connaĂ®tre la ressource cĂą™est-Ă -dire le fonctionnement de chaque aquifère, tĂ¢che très difficile en lĂą™Ă©tat des connaissances et des techniques ;
* ensuite, de connaître les prélèvements par chacun des pompages sur chaque aquifère.
Or, malgré la réglementation on sait que les déclarations ne correspondent pas, ou de loin, à la réalité.
Autrement dit la gestion administrative de lĂą™eau souterraine est guidĂ©e par une double incertitude ; et dans ces conditions la Ă« ruine est la destination finale Ă».
Pourtant une autre voie est possible : la dĂ©finition de droits de propriĂ©tĂ© permettant la mise en place dĂą™un marchĂ©. En effet, dès lors quĂą™apparaĂ®t un dĂ©sĂ©quilibre entre offre et demande pour une ressource Ă©conomique et/ou environnementale la meilleure solution passe par sa valorisation car Ă« lĂą™absence de prix conduit les gens Ă se comporter comme si la valeur des services livrĂ©s par le patrimoine naturel Ă©tait nulle. Parfois la puissance publique intervient au travers de redevances ou de prix administrĂ©s. Mais ils sont souvent fixĂ©s de façon arbitraire Ă des niveaux très bas Ă» (P. Point).
AujourdĂą™hui le comportement de chaque agriculteur rationnel est de pomper toute lĂą™eau agricole dont il a besoinĂą¦ si possible avant que ses voisins nĂą™en fassent autant. Il serait dès lors Ă©tonnant que lĂą™on assiste pas Ă une baisse du niveau, puis Ă lĂą™assèchement de la nappe, compromettant ainsi le dĂ©bit des cours dĂą™eau et les droits des autres utilisateurs (pĂÂȘcheurs, association de protectionĂą¦).
Compte tenu de la nature des aquifères, il existe une solution de propriĂ©tĂ© en commun permettant la pĂ©rennitĂ© de la ressource, celle de la Ă« propriĂ©tĂ© commune Ă» pour laquelle Elinor Ostrom a reçu le prix Nobel dĂą™Ă©conomie en 2009.
Il sĂą™agit pour un petit groupe dĂą™ayants-droit de sĂą™entendre sur les modalitĂ©s de prĂ©lèvement sur lĂą™aquifère et de dĂ©finir les droits et obligations de chacun dans le respect des conditions environnementales, Ă©conomiques et sociales de la communautĂ© locale. En outre il est possible de vendre les droits dĂą™eau.
Certes, ces institutions ne sont pas simples à mettre en place mais elles ont traversé les siècles et continuent à le faire dans de nombreux pays pour les eaux de surface. Si le pompage introduit un bouleversement technologique, les institutions traditionnelles peuvent inspirer les réformes1.
Ce qui est certain cĂą™est quĂą™en lĂą™absence de mĂ©canisme de prix et en situation de quasi-libre accès, la sĂ©cheresse sera de plus en frĂ©quente. Il est temps que le lĂ©gislateur substitue le principe de rĂ©alitĂ© Ă lĂą™idĂ©ologie, la dĂ©magogie et lĂą™ignorance.
* Ce problème est traitĂ© dans lĂą™ouvrage collectif Droits de propriĂ©tĂ©, Ă©conomie et environnement : les ressources en eau Falque et Massenet (Dalloz, 2000, 507 p.) et notamment dans lĂą™article de N. Kosciusko-Morizet, V. Richard et H. Lamotte Ă« Que peut-on attendre de la mise en place des quotas individuels Ă©changeables de prĂ©lèvement sur la ressource en eau en France ? LĂą™exemple de lĂą™agriculture irriguĂ©e Ă». Ăą†©
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