Par Nathalie Janson.
Le gouvernement a annoncé la revalorisation de 100 euros du montant de l’allocation de rentrée scolaire.
À l’heure de la reprise de l’activité économique, cette mesure vise essentiellement à encourager la consommation en ciblant les foyers les plus défavorisés – la population des Gilets jaunes – en répondant à la revendication sur les difficultés de boucler les fins de mois. Cette mesure revêt également un vernis égalitariste dans la mesure où les enfants devraient avoir le même accès aux fournitures scolaires, principe bien ancré dans l’esprit d’une école républicaine.
Néanmoins, compte tenu de son mode d’attribution, il est opportun de se demander si son augmentation n’est pas un simple coup de pouce à la consommation dans cet environnement post-déconfinement. Allocation de rentrée scolaire: un peu dâ™histoire
Lâ™allocation de rentrée scolaire a été créée par la loi de finance de 1974 avec comme objectif premier de permettre aux familles défavorisées le financement des dépenses imposées â“ dépenses contraintes â“ par la rentrée scolaire. Elle est administrée par la Caisse dâ™allocations familiales et conditionnée aux ressources du foyer.
Aujourdâ™hui, elle concerne les enfants scolarisés âgés de 6 à 18 ans. Les montants revalorisés sont les suivants pour 2020 :
* pour un enfant âgé de 6 à 10 ans : 469,95 euros
* pour un enfant âgé de 11 à 14 ans : 490,35 euros
* pour un enfant âgé de 15 à 18 ans : 503,88 euros
Sa perception est conditionnée aux ressources 2018 du foyer de la manière suivante :
* un enfant à charge : 25 093 euros
* deux enfants à charge : 30 883 euros
* trois enfants à charge : 36 675 euros
* par enfant supplémentaire à charge : 5791 euros
Le versement de lâ™allocation de rentrée scolaire par la Caisse dâ™allocations familiales est automatique pour toutes les familles allocataires ayant à charge des enfants âgés de 6 à 15 ans. Pour les enfants âgés de 15 à 18 ans, une simple déclaration sur lâ™honneur attestant la scolarisation de lâ™enfant suffit à son paiement.
Lâ™allocation de rentrée scolaire concerne environ trois millions de foyers (chiffres 2018) et représente une dépense dâ™environ deux milliards dâ™euros (chiffres 2018). Elle fait partie des prestations familiales dont le montant global sâ™Ã©levait en 2018 à 55 milliards dâ™euros sur un budget total de prestations sociales (retraites, famille et chômage) totalisant 741 milliards (chiffres 2018).
Ces montants seront en augmentation en 2020 étant donné la hausse du chômage et la dégradation des conditions économiques. Augmentation de lâ™allocation : une prime à la consommation déguisée ?
Si lâ™intention dâ™origine était dâ™assurer un égal accès aux fournitures scolaires pour ne pas pénaliser les enfants issus de familles défavorisées, il nâ™est pas certain que lâ™objectif soit atteint aujourdâ™hui.
En effet, selon lâ™enquête annuelle de Familles de France, le coût de la rentrée scolaire en 2019 pour un enfant entrant en classe de 6ème était estimé à environ 195 euros et donc bien au-dessous du montant de lâ™allocation de rentrée scolaire.
En outre, certaines fournitures scolaires sont fournies par lâ™Ã©cole publique lors de la rentrée ; les livres scolaires notamment sont pris en charge par les communes pour lâ™Ã©cole primaire et par les départements pour les collèges.
Certains arguent que cette allocation permet dâ™inscrire les enfants à des activités péri-scolaires, sportives ou culturelles ; mais là encore des aides sont versées par la Caisse dâ™allocations familiales et/ou les services sociaux municipaux.
Il est clair quâ™aujourdâ™hui le but premier de lâ™allocation de rentrée scolaire ⓠégalité des enfants dans lâ™accès à lâ™Ã©cole â“ est dévoyé et que lâ™augmentation de cette prime ressemble davantage à la prime de Noël versée en décembre 2019 lors du mouvement des Gilets jaunes pour calmer les revendications, lesquelles peuvent repartir comme une trainée de poudre compte tenu de lâ™environnement économique post-Covid dégradé.
Ce coup de pouce sâ™inscrit dans lâ™esprit de relance à la mode keynésienne où il importe de favoriser les foyers modestes dont la propension à consommer est la plus élevée afin de maximiser lâ™effet multiplicateur de la dépense publique.
En les ciblant, on réduit la probabilité que cette revalorisation de 100 euros ne finisse sur un livret A dont la collecte bat des records depuis le confinement : plus de 5 milliards en avril et 4 milliards en mai 2020.
Étant donné quâ™il nâ™existe aucun contrôle sur la manière dont les foyers bénéficiaires dépensent cette somme et compte tenu du niveau des montants revalorisés, il est probable que cette allocation finisse en dépenses de consommation non afférentes à la rentrée scolaire.
Si son objectif était réellement lâ™Ã©galité des enfants devant lâ™accès à lâ™Ã©cole, alors il serait plus judicieux de verser lâ™allocation sous forme de bons dâ™achat exclusivement réservés aux dépenses scolaires. à ce propos, une proposition de loi a été déposée en février 2020 afin dâ™encadrer lâ™utilisation de cette allocation.
Il est regrettable quâ™une initiative aussi louable que lâ™Ã©galité dâ™accès à lâ™Ã©cole finisse comme une prime à la consommation déguisée ! Ce dévoiement illustre le manque de conviction des gouvernements successifs dans la définition des objectifs de la dépense publique. Ces articles pourraient vous intéresser: Consommation en berne : les limites du « en même temps » Coronavirus : santé et économie sont inséparables Davantage de capitalisme pour moins de pollution et de gaspillages Rentrée scolaire : lâ™enseignement public coûte de 30 à 40 % plus cher que le privé !
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