Le sortilège du troisième tour
Après deux échecs piteux, Bibi Netanyahou a remporté le troisième tour. Ces élections générales israéliennes trois fois dans une année ont plongé le pays dans une sorte de rituel routinier, de Fête de la marmotte ; tous les sondages prédisaient que le troisième tour serait calqué sur les deux premiers. Or les gens sont imprévisibles : les gens disent ce qu'ils pensent que le sondeur veut les entendre dire, ou ce qui est acceptable en règle générale, mais dans l'isoloir ils font ce qu'ils veulent.
Le principal parti des démocrates-pro-Clinton, qui s'appellent les B&W (bleu et blanc, les couleurs du drapeau national israélien) ont connu une défaite honteuse. Il va probablement tomber en miettes, et il n'y a rien à regretter à cela. Leur chef, le général Benni Gantz, était une pâle copie de Netanyahou. Il secondait toutes les opinions et les plans de Bibi. Il disait qu'il ne prendrait jamais un Arabe dans son gouvernement. La différence entre Bibi et lui, c'est qu'il était moins charismatique, moins énergique, moins beau parleur et qu'aucun procès pour corruption ne le menaçait comme une épée de Damoclès. Il pensait que cette dernière différence ferait basculer les électeurs en sa faveur, mais cela n'a pas joué. Les gens s'en fichent, des accusations de corruption. Ils ont peur de le dire à haute voix, parce qu'on est censé haïr la corruption, pour un tartempion ordinaire (ou un Arik Rosenblum) c'est un détail de peu d'importance. "Tous les politiciens sont des voleurs", pense l'homme de la rue, "ce qui compte c'est s'il bosse pour moi ou contre mes intérêts."
Netanyahou a mené sa troisième campagne avec panache, avec énergie, avec vitalité, et il a fait tous les coups bas à sa portée. L'un de ses meilleurs sales tours, c'est la diffusion d'un enregistrement du conseiller de Gantz disant que Gantz "constitue un danger pour le peuple d'Israël, qu'il est "insignifiant et stupide", et "qu'il n'a pas le courage d'attaquer l'Iran". Cette révélation a probablement démoli Gantz.
Le vieux parti travailliste a franchi la barre de justesse. Jadis, le parti travailliste puissant avait gouverné l'Israël pendant bien des années, mais il a depuis entièrement perdu sa base. Même avec son partenaire sioniste de gauche le Meretz, il a peine à se faire représenter à la Knesset. Le parti était dirigé par un juif sépharade (oriental) ; son second était une dame juive marocaine, destinée à attirer les suffrages des juifs orientaux. Mais la manoeuvre a échoué parce que les sépahrades détestent le parti travailliste et ils ont éventé le stratagème conçu pour les piéger, tandis que les ashkénazes (les juifs européens), le socle du parti, ne ressentaient aucune affinité pour des travaillistes chapeautés par un sépharade. Quelqu'un veut-il nous faire un sermon sur la diversité ?
La Liste unie, un bloc de partis arabes principalement, s'en est bien sortie. De nombreux juifs ont voté pour elle (mais pas trop quand même). Ils ont presque deux fois plus de députés que les travaillistes et Meretz ensemble. Mais il y a un problème : les juifs, qu'ils soient de gauche ou de droite, ne permettent pas aux députés arabes de participer à la coalition gouvernementale.
Le parti russe de Mr. Lieberman s'est retrouvé battu, et ne l'a pas volé. Sa tactique consistait à enflammer la haine envers les juifs religieux ; cela a marché un temps, mais au troisième round cet outil avait perdu de sa nouveauté, non sans avoir empoisonné les relations entre les deux communautés marginales, celle des Russes, et celle des juifs orthodoxes.
Jusqu'où marchera le sortilège ? Pour faire court : malgré son succès, Netanyahou va avoir du mal à former un gouvernement ; mais je parierais qu'il s'arrangera pour détourner quelques députés en vue d'une coalition. Les prochaines élections sont encore loin.
Israël Adam Shamir
4 mars 2020
Joindre l'auteur : israelshamir@gmail.com
Traduction : Maria Poumier
Source :
http://dlvr.it/RRFGzj
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