Par Philippe Charlez.
Suite à l’expansion inexorable de l’épidémie de coronavirus, l’économie mondiale est de plus en plus affectée.
Augmentation exponentielle du télétravail, annulation d’évènements professionnels, culturels et sportifs en cascade, arrêt de la plupart des voyages d’affaire et effondrement du tourisme signifient de facto des aéroports et des gares tournant au ralenti, des bateaux à quai, des voitures et des camions au garage.
Les transports sont donc parmi les premiers à souffrir de la pandémie. Et comme ils s’appuient presqu’exclusivement sur le pétrole (il représente 93 % de la consommation d’énergie dans les transports) ce dernier est donc l’une des victimes collatérales majeures du COVID 19.
Anticipant une forte baisse de la demande, les marchés pétroliers se sont donc fortement contractés au cours des dernières semaines. Ainsi, le baril de Brent qui début janvier avait flirté avec les 65 dollars, est tombé sous barre des 50 dollars fin février. Mais, un autre évènement indépendant est venu se superposer à l’effet de l’épidémie. Quand l’Arabie Saoudite tente d’étrangler ses concurrents
Face à cette situation préoccupante, les membres de l’OPEP emmenés par l’Arabie Saoudite second producteur mondial après les États-Unis, et la Russie troisième producteur mondial s’étaient réunis le 6 mars à Vienne. Pour enrayer la chute des cours le cartel proposait de réduire la production de 1,5 million de barils par jour (1 million pour l’OPEP et 500 000 pour les autres pays).
Devant le refus de la Russie, l’Arabie Saoudite a unilatéralement décidé d’augmenter sa production provoquant ce lundi un effondrement historique des cours sous les 35 dollars. Une manœuvre qui n’est pas nouvelle et qui vise à étrangler ses concurrents.
Dû à des conditions d’exploitation facile, l’Arabie Saoudite possède un prix d’équilibre parmi les plus faibles du monde (inférieur à 20 dollars par baril). Aussi, contrairement à ses concurrents qui possèdent un prix d’équilibre bien supérieur (de l’ordre de 45 dollars pour la Russie, supérieur à 60 dollars pour les huiles lourdes canadiennes), peut s’accommoder de cours au plus bas durant plusieurs mois. Un impact sur la Russie, mais pas seulement
Des cours qui ne feront pas seulement souffrir la Russie mais aussi les États-Unis où le prix d’équilibre des pétroles de schistes est en moyenne de 45 dollars. Cet effondrement des cours pourrait entraîner, comme ce fût le cas début 2015, un arrêt presqu’instantané du développement des pétroles de schistes aux États-Unis avec un effet domino majeur sur l’économie américaine dont la bonne santé est fortement corrélée aux hydrocarbures non conventionnels. Aussi pourrait-on assister dans les jours à venir à une réaction virulente du président Donald Trump pour tempérer les velléités de son allié saoudien.
Pour les Européens, la baisse du prix du baril représente à court terme une opportunité intervenant comme amortisseur face à la récession conjoncturelle qui se prépare. La facture pétrolière représente en effet depuis le premier choc pétrolier l’une des causes principales du déficit de la balance commerciale mais aussi plus généralement de la dette européenne.
Mais, à plus long terme, des prix qui resteraient déprimés trop longtemps pourraient avoir des effets pervers inattendus.
Comme nous l’expliquions dans une précédente tribune, les champs actuellement en production déclinent en moyenne de 6 % par an. Un déclin naturel, contrôlé grâce à la découverte puis la mise en production de nouveaux champs.
Une réduction significative de la production américaine conjuguée avec l’arrêt d’un certain nombre de projets en cours de développement pourrait à moyen terme conduire à une rupture offre-demande engendrant une augmentation incontrôlée des prix. D’amortisseur de récession, les prix du pétrole deviendraient alors pour l’Europe un frein à la reprise. Ces articles pourraient vous intéresser: La baisse du pétrole est une bonne chose, l’épidémie un choc limité Guerre du prix du pétrole : revanche de la technologie sur l’OPEP Guerre des prix du pétrole : l’Arabie Saoudite en meilleure position Le risque coronavirus peut-il se transformer en opportunité climatique ?
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