Manif des pompiers à Paris : « Il y a de plus en plus de pression dans les casernes »
Tout ça pour rien.... (Informations complémentaires)
Ce mardi, à Paris. Martin Colombet. HansLucas pour Libération
Des milliers de soldats du feu venus de toute la France ont manifesté ce mardi dans la capitale pour dénoncer le manque d'effectifs et de moyens alors que le nombre d'interventions augmente.
Sirènes, fumigènes et pétards. Ce mardi, l’atmosphère place la République à Paris est bruyante. Les sapeurs pompiers professionnels qui manifestent veulent avoir un écho dans toute la capitale. A l’appel de sept syndicats, ces agents des services départementaux d’incendie et de secours sont venus de toute la France pour battre le pavé jusqu’à la place de la Nation. Ces 4000 pompiers relevant de la fonction publique territoriale protestent contre le manque d’effectifs et les baisses de budget, alors que le nombre d’interventions grimpe en flèche. Témoignages.
«Je suis inquiet pour la fonction publique»
Kévin, 39 ans, est pompier depuis vingt ans dans une caserne de la Moselle. Il est membre de la CFDT.
«En vingt ans, j’ai vu les conditions de travail se détériorer à cause d’un manque de recrutement, et une augmentation de la charge opérationnelle. Le déficit d’embauches de pompiers professionnels a une influence sur la qualité du service rendu. Non pas que les volontaires fassent un mauvais travail, bien au contraire. Mais ce système du volontariat s’essouffle dans la mesure où il est de plus en plus difficile de concilier deux emplois alors qu’on demande à ces personnes de faire la même chose qu’un professionnel. Le système ne peut pas perdurer car il y a une fuite du volontariat.
«Cette question d’effectifs est justement le cœur de notre manifestation. Dans un centre de secours de Metz, il y avait 43 personnes de garde par jour en 2002 pour 12.000 interventions. Aujourd’hui, ce sont 33 personnes pour 17.000 interventions. Où sont les dix autres ? Cela a un impact dramatique sur notre quotidien car pour faire partir un fourgon, il faut parfois faire appel à deux autres centres de secours afin de compléter un véhicule qui compte six places. On perd un temps précieux par manque de moyens.
«En plus, on précarise l’emploi en privilégiant les services civiques et les emplois d’avenir qui n’ont que trois semaines de formation. Ce sont des jeunes que l’on utilise avec des demi-salaires. C’est lamentable ! Et je suis encore plus en colère quand je vois qu’un candidat (François Fillon) annonce qu’il va supprimer 500.000 fonctionnaires. Nous, pompiers, on ne peut pas se sentir bien. Et je pense aussi à nos collègues des hôpitaux et tous ceux du service public. Je suis inquiet pour la fonction publique avec cette droite qui s’est droitisée.»
«Nous sommes au cœur de la détresse sociale»
Mathieu, 34 ans, est pompier depuis quinze ans dans une caserne d’Ille-et-Vilaine. Il est membre de la CGT.
«Il y a de plus en plus de pression et de tension dans les casernes car les pompiers sont de plus en plus mobilisés. Nous sommes au cœur de la détresse sociale puisque cela représente 80% de nos interventions. Nous sommes le baromètre de la misère sociale en France, et il n’est pas bon. Ce sont des problèmes qui dépassent le seul cas des pompiers. Mais cette déchéance, nous sommes les premiers à la voir. Quand une société va bien, les interventions des pompiers n’augmentent pas. Et c’est tout l’inverse qui se passe.
«Nous nous battons aujourd’hui pour dénoncer la dégradation du service public car à force de faire des efforts comme la diminution des effectifs de nuit, notre service de secours est en danger.»
«En colère contre nos élus»
Christophe, 40 ans, occupe un poste administratif au SDIS du Nord-Pas-de-Calais depuis treize ans. Il est membre de la CFTC.
«Le budget des SDIS devient de plus en plus la variable d’ajustement des politiques. Nous ne demandons pas une augmentation des salaires mais davantage de moyens pour assurer la sécurité des citoyens.
«Je suis en colère contre nos élus qui viennent aux cérémonies pour bénéficier du capital sympathie des pompiers mais qui rechignent à financer une simple échelle.
«Depuis deux, trois ans, les départements coupent les budgets des Sdis alors que dans de nombreux endroits nous sommes le dernier service public de proximité. L’Etat a décidé de diminuer les dotations accordées aux collectivités territoriales et cela nous impacte directement ! Il faut savoir que nous sommes au quotidien avec les personnes qui souffrent. Les politiques, eux, ne le sont pas ! Le service public ça se finance et c’est ce qu’on veut rappeler aux différents candidats à l’élection présidentielle.»
«Les burn-out deviennent monnaie courante»
Olivier, 49 ans, est pompier depuis vingt-six ans dans une caserne de la Nièvre. Il est membre du syndicat Solidaires.
«Avant, il y avait quatre pompiers dans chaque ambulance, maintenant c’est trois et bientôt ça va être deux. Nous avons à nous déplacer de plus en plus pour des interventions non urgentes. Ça tire sur le personnel !
«Récemment, il y a aussi eu la "directive attentat" qui nous oblige à acheter des gilets pare-balles et des casques antibalistiques. Ce sont des dépenses en plus que les départements ont du mal à supporter. En plus de cela, nous avons été exclus du pacte de sécurité. C’est injuste et absurde car nous avons été en première ligne pendant les attentats. [Ce pacte de sécurité promulgué après les attentats du 13 Novembre prévoyait la création de 5000 postes pour la sécurité et la justice avant 2017, ndlr]
«Il y a aussi un problème de management, avec des directeurs qui manquent de communication. Les dépressions, les burn-out deviennent monnaie courante chez les pompiers. Un membre de mon équipe, qui a 52 ans a craqué et il ne dort plus. Jamais j’aurais pu penser que cela puisse lui arriver car il n’a jamais eu de problème avant. On craque tous… On ne prend pas en compte les gens sur le terrain. C’est la dictature du budget alors que notre métier ne doit pas être lié à des questions de chiffres.
«Avec tout ça, quand j’entends Fillon qui veut supprimer 500.000 postes de fonctionnaires et Macron qui veut augmenter l’âge de départ à la retraite, ça me met en colère. Je ne sais même pas pour qui je vais voter…»
«Parfois 25 interventions en vingt-quatre heures»
Guillaume, 35 ans, est pompier depuis quatorze ans dans une caserne de la Drôme. Il est membre de la Fédération Autonome.
«Le déroulé de carrière devient extrêmement difficile, avec des points de passage et des concours (pour évoluer en grades) qui sont bloqués, car il y a peu de places. La faute à une réforme de la filière sapeur-pompier en 2012, qui prévoit qu’une personne qui ne monte pas en grade avant 2019 doit redescendre. Tout le monde veut donc passer à un grade supérieur pour ne pas perdre son pouvoir d’achat. C’est une situation ridicule. Pour la reconnaissance et la motivation des pompiers, ce n’est pas terrible.
«Une autre chose me semble complètement injuste et absurde : en tant que fonctionnaires territoriaux, notre métier n’est pas reconnu comme étant "à risque", donc on "surcotise" pour pouvoir partir à la retraite un peu plus tôt que les autres, soit à 57 ans. Ce dispositif devait pourtant s’arrêter en 2003. Avec tout cet argent, nous pourrions embaucher des pompiers supplémentaires !
Quand on travaille vingt-quatre heures d’affilée payées dix-sept, cela a aussi un impact sur la santé. Les pompiers meurent plus tôt avec notamment des cancers dus à des fumées toxiques. Nous sommes exposés à des maladies professionnelles, du stress constamment. Parfois, nous faisons 25 interventions en vingt-quatre heures !»
«Ce qui nous sauve, c’est que nous aimons notre métier»
François, 38 ans, est pompier depuis quatorze ans dans une caserne des Pyrénées-Atlantiques. Il est membre de l’Unsa.
«C’est une profession appréciée par les populations mais qui n’est pas reconnue. Nous ne sommes que 41.000 sapeurs-pompiers professionnels en France. Aucun homme politique ne s’intéresse à nous !
«En plus, les départements essayent de remplacer les professionnels par des volontaires qui sont en fait des intérimaires du secours. Ils n’ont pas le même nombre d’heures de formation. Cela coûte moins cher de faire appel à eux, mais ils ne sont pas bénévoles pour autant.
«A Pau, le nombre d’interventions a considérablement augmenté et les effectifs ont même un peu diminué : dans les années 80, ils étaient 30 à être de garde pour 5000 interventions. Nous sommes aujourd’hui 25 pour 11.000 interventions. Cette pression constante entraîne des suicides qui sont cachés par la hiérarchie. Il n’y a aucun suivi psychologique dans notre profession.
«Ce qui nous sauve, pour certains, c’est l’ambiance dans les casernes, le cadre de vie de la région dans laquelle nous travaillons et surtout le fait que nous aimons notre métier. Mais nous manquons de moyens pour le mener à bien.»
Source : Libération.fr
Informations complémentaires :
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